Courrier des missionnaires.   


René YOU (Algérie)

« Le jasmin » n’a pas fleuri. Il est d’ailleurs plutôt rare chez nous. Pas de bourgeons du « printemps arabe ». Nous entrons tout bonnement dans le véritable hiver. À dire vrai, je crois même que nous sommes, ces derniers jours, en-dessous des normales saisonnières. Ici, aux quêteurs de « révolution », la réponse est généralement : « À d’autres ! Nous, on a déjà donné ! » […]

Mais le problème le plus important n’est-il pas ailleurs ? J’ai parfois l’impression que leur destin échappe à ces jeunes. Ils peuvent difficilement se projeter dans l’avenir. La place est occupée ; et le pétrole, le gaz et la finance en général montent à la tête des responsables économiques et politiques et leur font oublier qu’ils ne sont pas les propriétaires exclusifs de ces richesses. On peut légitimement se demander à quoi bon cette superbe autoroute de 1200 km, d’est en ouest du pays, si la majorité de la population ne peut que regarder les voitures lancées à vive allure, ces trains qui fileront à 220 à l’heure d’Oran à Tlemcen, ce nouvel aéroport pour Alger, ce métro, ces tramways projetés dans plusieurs villes, dont Sidi Bel Abbès… quand les concepteurs aussi bien que les réalisateurs sont presque tous étrangers pour une minorité d’autochtones. Enfin, l’Algérie se pose la question de la place de la religion et plus précisément de la religion en politique. Les années de violence passées invitent à la prudence. C’est tout particulièrement à ce sujet que les Algériens semblent dire : « Pardon ! Nous avons déjà donné ! »[…]

Et nous, chrétiens, dans tout ça ? Quelques signes avant-coureurs des difficiles relations avec les frères « évangéliques » avaient déjà, dans l’Église catholique, éveillé notre attention, mais c’est l’Ordonnance d’avril 2006 concernant les « non-musulmans » qui a jeté le trouble avec, en particulier, sa dimension pénale : des années de prison pour avoir prié entre chrétiens dans la nature, pour avoir porté sur soi une Bible ou pour avoir parlé de religion comparée avec un musulman au moindre soupçon de vouloir le convertir…Voilà peut-être l’explication de la difficulté d’obtenir des visas pour l’Algérie dès lors que l’on souhaite servir l’Église. Nous, les Spiritains, nous avons de sérieuses raisons de nous sentir dans le collimateur : six refus en 2 ans ! Ce qui explique notre petit nombre. Raymond est seul à Mascara et nous sommes deux à Sidi Bel Abbès. Nous sommes donc plutôt sous le régime de la  « communauté régionale ». Heureusement, avec le nouveau réseau autoroutier, nous sommes à moins d’une heure les uns des autres, il est donc facile de nous retrouver pour prier, réfléchir et partager de substantielles nourritures spirituelles et matérielles.

Cette fragilité de notre communauté, qui participe à celle de notre Église d’Oranie et d’Algérie, n’est pas là pour nous décourager : nous croyons toujours profondément à notre mission de la rencontre fraternelle et respectueuse de ce monde musulman qui nous accueille et dans lequel nous sommes immergés au nom de Jésus-Christ. Le mouvement des permanents (prêtres et religieuses) du sud vers le nord du Sahara se dessine très lentement, plus lentement en tout cas que nos

calvities et nos cheveux blancs. Nos paroisses, certes, «  pétillent » de jeunesse parce que constituées essentiellement d’étudiants venus de presque tous les pays d’Afrique subsaharienne, mais jusqu’à quand ? Pourtant de jeunes religieuses ou de jeunes prêtres africains seraient sans doute mieux adaptés. Ainsi à Sidi Bel Abbès, Chrislain, mon jeune confrère brazzavillois, est plus à l’aise que moi dans ce milieu estudiantin. D’autre part, ces jeunes chrétiens, dans leurs cités et aux cours, vivent au moins autant que nous la proximité avec le monde musulman algérien ou avec beaucoup de leurs compatriotes musulmans, mais on comprend que le dialogue ne soit pas toujours leur principale préoccupation. Enfin, nos communautés chrétiennes reçoivent aussi le renfort de travailleurs internationaux des grands chantiers. Nous avons à Sidi Bel Abbès un groupe d’Italiens qui construit de toutes pièces la nouvelle ligne de chemin de fer rapide d’Oran à Tlemcen.

Nous ne lâchons pas pour autant les « plates-formes de rencontre » que sont les bibliothèques, les cours, les centres de formation féminine. Notre bibliothèque fait de la résistance contre les cybercafés des alentours… Depuis septembre nous sommes assaillis par les demandes de cours de français et d’anglais : j’ai une centaine d’adultes à 3 niveaux (3 heures par semaine chacun), et cela entre les « courses » et les préparations du repas de midi : Vive (pas « vivement ») la retraite ! Je n’ai pas parlé de l’essentiel : le temps passé à la rencontre avec le Seigneur, seul ou en communauté.

 

Serge BALLANGER (Inde)

Second séjour en Inde. Je continue mes découvertes dans cet immense pays, si divers par sa culture et ses religions. Précisément, je suis dans le Sud du Tamil Nadu, près d’une ville de 600 000 habitants ou plus, Dindigul, accueilli par les responsables du diocèse.

Nous préparons de jeunes Indiens à notre charisme religieux missionnaire. Et déjà nous avons  5 séminaristes, dont 3 ont été envoyés en Afrique de l’Est pour un stage missionnaire (l’un d’eux est au noviciat de Tanzanie), et 2 sont dans des séminaires en Inde. Nous avons d’autres demandes de jeunes Indiens orientés par des prêtres vers notre Congrégation. Notre travail se veut être présence aux prêtres, présence dans les paroisses et discernement auprès des jeunes que nous recevons. Nous projetons de louer une maison dans la banlieue de Chennay, la grande ville, près du grand séminaire interdiocésain. Ainsi nous pourrons vivre notre charisme en communauté et accueillir des jeunes pour un discernement.

Je voudrais souligner l’accueil des prêtres et des communautés chrétiennes.  Le Père Arochiasamy, vicaire général de Dindigul, nous fait sans cesse des propositions de visites communes dans les paroisses et dans diverses réunions. Il a étudié le français et a été missionnaire pendant 3 ans en Côte d’Ivoire. Il ne cesse de parler de la mission comme tâche de l’Église de l’Inde. J’ai donc la possibilité de parler de ce que fut ma mission chez les Bassari et des différentes Églises de l’Afrique de l’Ouest que j’ai appris à connaître.

Avec Gaby Myotte Duquet, nous croyons à notre présence auprès des prêtres et évêques, présence toute simple, faite d’écoute des espérances et des difficultés, essayant d’encourager, de souligner les aspects positifs que nous découvrons dans la vie des paroisses, témoignant des richesses des Églises d’Afrique et d’Europe. C’est ce qui constitue notre charisme Spiritain qui fut depuis toujours de former des prêtres et d’établir l’Église du Christ dans différentes cultures.

Le fait d’être français est une aide certaine ! Vu de l’extérieur de la France, je mesure encore plus l’importance, dans l’histoire de la mission, du mouvement missionnaire venue de France du 17ème au 19ème. En Inde, le travail des Jésuites de la Province de Toulouse et celui des Missions Étrangères de Paris sont déterminants pour l’évangélisation. Les hauts lieux chrétiens comme Lourdes, Lisieux ou Ars sont « chéris » des chrétiens de l’Inde.

 

Jean SIBOUT (Guinée Conakry)

Dans cette région de la Guinée forestière où je me trouve maintenant, l’année a été bien arrosée…par l’eau du ciel ! La pluie, régulière et abondante, a débuté le 3 mars pour ne s’achever que le 3 décembre. Cela a permis aux autochtones Kissi de bénéficier d’une bonne récolte de riz (d’abord du riz de « montagne » suivi du riz de rizière). Ils abordent cette nouvelle année avec un visage plutôt paisible et souriant !

La période creuse pour les activités pastorales (difficulté de déplacement sur des routes très boueuses, gens accaparés par les travaux champêtres) nous a permis, à mon confrère Victor et à moi-même, de confectionner des documents en langue locale (kissi) pour les catéchistes.

Maintenant, les routes redevenant praticables, nous reprenons les tournées de brousse : alors que l’un reste à Mongo, mission centrale, l’autre passe la semaine dans une des cinq zones et parcourt les différentes communautés (25 au total). Il faut toujours rencontrer les villageois, faire le point avec le catéchiste et le bureau de la communauté, contrôler l’école maternelle et faire le suivi avec l’éducateur, encourager la prière et administrer les sacrements…

Tout est simple, ordinaire et se déroule normalement. Ce serait parfait s’il n’y avait pas le problème des communications. N’ayant pas de réseau téléphonique, nous ne pouvons appeler qu’en nous rendant en ville à une vingtaine de kilomètres. De plus, depuis le mois d’août, Internet est en panne (il est difficile de recevoir les messages et impossible d’en envoyer !).

Cette vie simple partagée avec les Kissi me replace devant l’essentiel : la rencontre de l’autre et de l’Autre. Que cette année 2012 soit pour tous une bonne année, même excellente, dans la recherche du bonheur et de l’essentiel ! Que chacun trouve sur sa route non seulement les moyens, mais surtout les raisons de vivre heureux.

 

Pierre Juveneton (Paraguay)

A lire Province et Mission, souvent j'ai le pieux désir d'envoyer un mot pour remercier et de temps en temps pour féliciter, quand l'éditorial m'inspire... Mais habituellement les occupations font que ce pieux désir va paver le chemin des bonnes intentions. Aujourd'hui, je vais donner quelques nouvelles.

Cette année, pour la « Fiesta patronal », la nouvelle municipalité s'est chargée de toute la partie ‘fête populaire’. La partie religieuse commence avec notre "Vierge pèlerine" qui visite les communautés voisines et se terminera par la procession et une messe solennelle...Pendant un jour de la neuvaine, la prédication a été assurée par un Pasteur mennonite...Je pense que nous sommes la seule paroisse à recevoir un pasteur pour partager l'Évangile... entouré de nombreuses statues des Saints des différentes communautés voisines.

Dans l’Église, nous sommes en pleine Mission Continentale Permanente. En fait tout ce mouvement semble déjà pas mal s’essouffler. Au niveau national, on annonce la création de 2 Archevêchés et de quelques nouveaux diocèses, ce qui ne manque pas de surprendre, car plusieurs diocèses n'ont pas d'évêque mais un administrateur apostolique. Au niveau Spiritain, c'est assez tranquille. Depuis le départ de mon confrère mexicain Juventino, je n'ai pas vu grand monde. Mais nous nous retrouverons pour la retraite annuelle.

Autre nouveauté : depuis hier, j'ai 3 "franciscas" brebis que San Francisco m'a envoyées comme tondeuses à gazon écologiques !

Avec toute mon amitié.

 

Raymond GONNET (Algérie)

Un vrai temps de Noël ! En ce 5 Février, fête du Mouloud, célébration de la naissance de Mohamed, les collines de Mascara sont recouvertes d’un manteau blanc, dans un silence inhabituel, car bien peu de voitures osent prendre la route : quelques enfants se lancent des boules de neige !

La veille du Mouloud, les Musulmans se rassemblent pour une soirée de prière. J’ai donc visité 3 groupes d’amis que je rencontre depuis 15 ans. Nous avons prié ensemble. Comme chaque fois, ils m’ont demandé de parler : je leur ai dit que je suis heureux avec eux, car je sens dans leurs cœurs des sentiments de paix et d’amour. Ce qui veut dire que les frontières qui séparent les peuples ne sont pas celles de la langue ou de la religion mais celles des sentiments qui nous habitent. Dans chacune de nos sociétés, il y a des gens ouverts et accueillants mais aussi d’autres qui sont arrogants et intolérants. Nous devons tous militer, sans relâche, pour créer ces liens fraternels. Et quand une Main Invisible réunira toutes ces pièces dispersées, elle déroulera sous nos yeux émerveillés un Patchwork flamboyant de fraternité !

Il y a cette année quelques nouveaux étudiants. A la messe dominicale que nous célébrons le vendredi, ils sont une dizaine en moyenne. Ils savent prendre en charge la messe avec une foi profonde et dans la bonne humeur… Pour les Rameaux, on organise à Alger des JAJ, réplique locale des JMJ, pour 600 étudiants. En juillet, on fera cette année 2 sessions d’une semaine en lien avec Taizé, avec une centaine d’étudiants par session.

Inutile de vous dire que vous êtes présents dans ma prière, spécialement quand, avec ma petite communauté, matin et soir, nous nous retrouvons à la chapelle pour célébrer.


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