ETINCELLES..
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Groupe Espoir
Comment terminer
Etincelles
en beauté?
Il faut atteindre le
N° 100
Il faut une grande
gerbe finale!
Etre missionnaire
est une prenante et belle aventure humaine et chrétienne.
Cette aventure
commence pour moi en 1950. Elle me mène jusqu'à cet
aujourd'hui du mois de Mars 2012, où à Paris, dans
notre maison de la rue Lhomond, je rédige ce texte, et elle
continuera jusqu'à mon dernier jour car, que je sois à
Bangui où que je sois n'importe où, maintenant, après
plus de soixante ans de présence et de vie en Afrique je suis
profondément lié à la terre, aux hommes, et à
l'Eglise de ce pays de Centrafrique.
J'ai donc eu la
chance d'assister à la naissance de la jeune nation
Centrafricaine et je peux également dire que j'ai participé
à l'édification de l'Eglise Catholique en cette terre
africaine.
Or, par une curieuse
coïncidence, j'ai fait récemment quelques rangements et
je suis tombé sur tout un stock de photos accumulées
depuis des années; je les trie. Elles ne sont plus pour moi de
simples images, mais des souvenirs très vivants qui
jaillissent en tous sens, tout un passé, une vie qui vient me
bousculer, avec ses pages heureuses et ses moments difficiles. Que
d'évènements qui remontent en surface et surtout les
visages de tous ceux qui ont croisé ma route ou avec lesquels
j'ai vécu quelques années. Chaque personne soulevant un
tas de souvenirs. J'ai dans les mains des photos de toute une vie.
Laissons toutes
celles de mon enfance et même celles du Grand Séminaire
de Versailles, celles de Cellule le petit village d'Auvergne où
se vivait l'année de noviciat et encore celles de Chevilly où
devenu Spiritain, j'ai terminé le cycle des études
préparatoires au sacerdoce par trois années de
théologie. Je m'intéresse ici, avant tout, aux photos
prises sur la terre africaine et je vais essayer d'en faire parler
quelques unes qui me paraissent particulièrement
significatives.
Maintenant, face à
ces photos, place à quelques souvenirs. Les trois derniers
numéros seront des Etincelles-souvenirs. Je veux aussi
continuer à me faire écho de la vie du Groupe Espoir à
Bangui. Il vit pour le moment grâce à votre générosité
dont il a toujours grand besoin. Je vous redonne en bas de page nos
coordonnées.
Et lançons«
Etincelles98»
Pour étoffer
ces dernières rencontres, j'ajouterai à chaque numéro
d'Etincelles deux «flashs» en pièces
jointes. Ces flashs sont de courtes histoires vraies :
la
vie à Bangui :
des
évènements très divers,
croqués, sur le vif.
Yves Gautier: 30 rue Lhomond
75005 Paris.
email vvesgautier@.hotmail.com
CCP La poste La Source
N° du Compte 39 384 27 P clé RIP : 033
Pour recevoir un reçu
fiscal: intitulez votre chèque à « Procure des
Missions ». Spécifiez « pour le père yves
Gautier ». Notre service est très fiable
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FLASH
Quand
on dit « fauché » ! !! Un mandat à la
Poste.
Une
nouvelle bien agréable: le Père Henri vient de
m'envoyer un don de 2.000 francs français, soit 200.000 francs
CFA. C'est très généreux et j'en suis fort
heureux, mais je constate avec désolation que s'il a bien
inscrit sur l'ordre de virement le numéro de mon compte
Chèque-Postal à Paris, la somme, en fait, arrive par
mandat à Bangui. Je dois aller toucher l'argent en espèces
sonnantes et trébuchantes à la Grande Poste de la
ville. Je connais le problème, ce n'est pas triste.
Depuis
longtemps les circuits financiers de 1"Administration des Postes
et Télécommunications ne sont plus tout à fait
normaux, et à l'exemple des autres administrations
centrafricaines, les caisses de la Poste, et en particulier celles du
Bureau
Principal de Bangui, une ville de 600.000 ou 700.000 habitants, sont
complètement vides.
Dans
mon cas, il reste un seul espoir: arriver au moment où le
guichet vient de faire une recette pour bénéficier de
cet argent tout fraîchement rentré et récupérer
mon dû, mais évidemment il convient que le préposé
reconnaisse qu'il a reçu un peu d'argent, et qu'il veuille
bien me faire la faveur de me servir avant tous les autres clients
qui sont dans la même attente que moi.
J'ai
fait deux premières visites d'exploration: à qui ai-je
à faire, sont-ils prêts à honorer leur dette, me
connaissent-ils? Je passe de la responsable du guichet à son
chef de service, puis à un directeur qui se fait apporter les
pièces justificatives et reconnaît qu'effectivement les
Postes Centrafricaines me doivent 200.000 CFA. C'est beaucoup ! Mais,
présentement, ses services sont dans l'impossibilité de
me les donner. Conclusion de cette seconde démarche :«
Nous sommes lundi, revenez jeudi vers 10h »
Jeudi
10 h. Guichet N°4. J'ai l'impression qu'on m'attendait dans la
liste des « clients favorisés ». En effet, «voici
déjà un premier versement de 30.000 francs et, vous le
savez, nous ne pouvons faire plus; il y a tant d'autres mandats à
servir. Nous en gardons un peu pour les autres... ». Je signe
un reçu; je ne commente pas, je remercie simplement. Je sais
que c'est une faveur mais je calcule aussi, qu'au mieux, à ce
rythme, il me faudra encore me présenter six fois au Bureau
Principal avant de récupérer mes 200.000 francs en leur
totalité et il y en aura pour plus d'un mois si rien
n'accroche jusqu'au dernier versement!
J'étais
pessimiste car en définitive je n'ai fait que huit démarches
pour toucher les générosités du Père
Henri. Les postiers ont mis leur point d'honneur à me verser
le montant du mandat jusqu'au dernier centime et le plus vite
possible. Ils m'ont même expliqué combien il leur était
difficile de travailler dans de pareilles conditions.
Ici
en Centrafrique, on parle d'une nation fauchée, mais fauchée
à ce point là, on en reste muet.
Je
garde aussi en souvenir la gentillesse de tous.
Flash
36
Yves
Gautier
Février 2000
En
mémoire de Soeur Marie-Odette Abamutake-Pombo
Marie Odette, je
pleure.
Elles
sont deux, deux soeurs de la Congrégation des Soeurs de la
Charité de Jésus et Marie, elles sont parties de nuit
pour ne pas courir de risque. En plein jour, on ne sait jamais ce qui
peut arriver sur les 380 kilomètres qui séparent Bangui
de Bambari. On ne compte plus les actions des zaraguinas, les
coupeurs de route, depuis l'une de leurs premières attaques
restée mémorable, il y a quatre ans déjà,
celle de Monseigneur Michel Maitre à 20 Kilomètres de
Grimari.
Nos
Soeurs sont prudentes. Beaucoup d'entre elles, dont Soeur
Marie-Odette, viennent d'un Zaïre déchiré, et
elles savent tout ce que recouvre de tragique le petit mot «
insécurité ». Elles ont même récemment
décidé de quitter la mission de Kongbo du Diocèse
de Bangassou pour celle de Saint Jean à Bambari, croyant y
trouver un isolement moins grand, une sécurité plus
assurée.
Il
est 3 heures du matin, depuis des heures, elles roulent. Il reste
encore une centaine de kilomètres pour être enfin chez
soi, à la Mission Saint Jean. On ne croise plus âme qui
vive; aucune autre lumière que celle des phares, qui pénètre
une immensité verte plongée dans les ténèbres.
La route se déroule, longue et monotone qui demande, surtout
la nuit, beaucoup d'attention. Soeur Marceline est au volant toute
absorbée par la conduite, Soeur Marie-Odette à coté
d'elle. Une vingtaine de Kilomètres avant Grimari, c'est le
drame.
Une
rafale de mitraillette, Soeur Marie-Odette est restée bien à
sa place, légèrement courbée vers le volant. On
lui parle, elle ne répond plus, elle ne répondra plus.
Marie Odette est morte; deux balles en plein corps. Et les zaraguinas
ont continué le pillage des voitures, peu gênés
par le cadavre de leur victime. Une voiture de passage a transporté
les rescapés jusqu'à Bambari.
A
Bangui ce samedi matin la nouvelle de cet assassinat passe de Mission
en Mission. C'est le choc, la consternation, l'indignation: un
forfait aussi gratuit, des bandes d'assassins si faciles à
repérer qui agissent en toute liberté, personne ne
cherche vraiment à les mettre hors d'état de nuire.
Dans
l'après-midi du dimanche, toutes les Soeurs présentes à
Bangui nous invitent à une marche silencieuse et à une
veillée de prière. Le groupe en marche est précédé
de cette supplication écrite en grandes lettres: «
Respectez la vie ». Toutes les Soeurs de Bangui sont là;
et, joints à elles, quelques amis. Je compte dans les trois
cents participants, et nous avançons lentement vers la
Cathédrale, petit groupe un peu perdu sur cette immense avenue
des Martyrs, mais démarche assez singulière pour poser
question à tous. La marche sur plus de 5 kilomètres se
conclut par une longue prière à la Cathédrale.
« Seigneur
prend pitié... »
Le
lendemain, la dernière messe en présence du corps de
Soeur Marie-Odette, dans la grande Eglise Notre-Dame d'Afrique. «Ma
petite soeur, nous te donnons au Seigneur. Toi, ma Soeur, depuis le
moment de ta mort, tu as rencontré la Vie, nous en sommes
certains, forts de notre foi. Tu es entrée dans la
Résurrection. Mais nous restons cependant si tristes de te
voir partir ainsi massacrée ». Puis le convoi prend
encore la route de Bambari où notre soeur doit être
enterrée.
On
hésite à écrire la simple vérité
sur la suite des événements: ce convoi fut, lui aussi
et encore, attaqué et pillé..!
Quelques
jours ont passé et Soeur Léontine, infirmière,
elle aussi de la Congrégation des Soeurs de la Charité
de Jésus et Marie, l'une des compagnes de Marie-Odette, vient
solliciter quelques médicaments pour les malades de Bambari.
Elle est toute heureuse d'en récolter un bon carton, elle
savoure déjà la joie de tous ceux qui en profiteront,
de leur retour à la santé. Elle est là, sur le
pas de ma porte, elle me regarde, me remercie et ajoute, en toute
simplicité, ces quelques mots qui me bouleversent. « Je
pars demain vers Bambari, par la route, au matin, vers 6 heures. A la
grâce de Dieu! ».
Elles
sont ainsi nos Soeurs. !
Yves
Gautier
Bangui
Février 2000