Flash infos.   

 

Rapport de la visite de Roland Rivard,
Assistant général

La visite que j’ai faite en Haïti du 16 au 21 avril 2010, au nom du Conseil Général, avait comme but d’étudier avec nos confrères les urgences et priorités de reconstruction pour la Fondation d’Haïti. Je reprends ici en grande partie le rapport fait au Conseil Général et quelques orientations qui en ont surgi.

 

Sans vouloir redire ce qui a déjà été vu et entendu à la télévision, il est bon de rappeler quelques conséquences du tremblement de terre du 12 janvier 2010 pour mieux prendre conscience de la difficulté de reconstruction à Port-au-Prince.

 

Dans le centre ville, la partie la plus endommagée de la ville, il  reste très peu de maisons ou édifices utilisables. La plupart des palais du gouvernement sont complètement détruits; par exemple, celui du département des impôts, où étaient réunis au moment du séisme le Directeur général et les directeurs d’impôts d’Haïti; tous, sauf un qui était absent, sont morts dans l’effondrement du bâtiment. Tout y était informatisé. C’est une perte totale; rien n’a pu être récupéré. L’hôpital général et la plupart des bâtiments de l’Université, l’école pédagogique sont tombés ou sont inutilisables. On m’a dit que le gouvernement aurait déjà acheté des terrains à la périphérie de la ville pour y reconstruire l’Université et l’hôpital universitaire (que la France reconstruirait). D’ailleurs, le Président continue à parler de reconstruire en partie en dehors de la ville. Presque toutes les églises sont tombées. Les célébrations se font donc dehors.

 

La tâche avant même la reconstruction apparaît immense. Il faut d’abord enlever les décombres. Pour le moment, on voit à divers endroits des équipes, engagées par l’État, enlever les débris avec, comme seul instrument, une petite pelle à main. Puis, un camion passe pour charger ce qui a été mis dans la rue. À ce rythme, il faudra sûrement des années pour seulement enlever les décombres.

 

L’État s’est préoccupé d’abord de faire enlever les décombres sur les terrains des écoles et des hôpitaux. On a commencé à le faire aussi au Palais national. Pour ce travail, il utilise des grues et des pelles mécaniques. Au cours de mon séjour, je n’ai vu que très peu de pelles mécaniques pour le travail de déblaiement.

Partout on voit des tentes ou des abris de fortune. Tout ce qui était terrain libre a été utilisé pour en monter.  On a envahi toutes les cours possibles, dont des cours d’écoles, on en voit aussi dans des rues. J’en ai même vu sur le terre plein entre les deux directions de la route qu’on avait commencé à construire entre Port-au-Prince et Léogane. À voir à quel rythme on travaille au déblayage, j’ai l’impression que beaucoup devront vivre ainsi pendant des années. On a demandé à une femme qui restait à son lieu de travail le plus longtemps possible pourquoi elle le faisait; elle a répondu : « À la maison, c’est la vie sous la tente ». Il suffit de voir cette multitude de tentes montées dans des champs, les unes contre les autres et un peu partout entre les maisons, sur la rue même. Il ne doit pas être facile de s’y laver, de préparer la nourriture… Cette vie sera encore pire durant la saison des pluies.

 

Il est difficile d’imaginer toutes les destructions et leurs conséquences : presque tous les bâtiments de l’État, presque toutes les écoles, les églises, la plupart des commerces. Entre 200.000 et 300.000 morts, plus de 350.000 blessés qui ont besoin de réhabilitation physique et psychique. L’État n’a presque plus de revenus, beaucoup de commerçants ont tout perdu, presque plus rien ne fonctionne. Comment payer les agents de l’État, le personnel des hôpitaux, des écoles. Les gens n’ont presque rien, la plupart sont sans travail. Il faudra sûrement plus de 10 ans pour que le pays s’en remette…, à condition que l’aide étrangère se maintienne.

 

Maisons et œuvres spiritaines

 

            Maison Senghor

 

Elle est située dans la Commune de Delmas. Le rez-de-chaussée est très endommagé : dans toutes les pièces on a mis des piliers temporaires pour soutenir l’étage supérieur. Trois ingénieurs amis des Spiritains y sont passés pour évaluer les dommages : ils croient possible de la réparer en renforçant et réparant le rez-de-chaussée. Par contre, les inspecteurs de l’État y sont aussi passés. Ils y ont apposé la cote 4, pour dire qu’elle doit être complètement démolie. Mais une ingénieure a fait un plan de réparation qu’elle essaie de faire approuver.  On garde l’espoir qu’il soit possible de sauvegarder l’étage du haut, ce qui coûterait sûrement beaucoup moins cher qu’enlever toute la maison et la reconstruire à neuf.

 

Actuellement, les Spiritains dorment sous des tentes et se servent des pièces de l’étage du haut pour déposer leurs affaires personnelles, pour aller à la salle de bain et prendre les repas. Ils y sont régulièrement 6 prêtres et 9 étudiants, ou plus nombreux quand il y a des confrères de passage. Le rez-de-chaussée est inutilisé.

           

 Petit Séminaire-Collège Saint-Martial

 

Le bâtiment où étaient réunis l’école primaire, le kinder et, à l’étage du haut, la maison de formation spiritaine, a été complètement détruit. L’école secondaire restait debout, mais était inutilisable. La Résidence spiritaine, où se trouvaient aussi la bibliothèque haïtienne et divers autres services pour les élèves, ne peut plus servir. Le gouvernement a fait enlever les décombres des bâtiments scolaires, mais a laissé en place la Résidence, qu’il faudra à tout prix raser. On a fait faire une estimation de ce que ça coûterait : 86.000 US$. Le père Arismé a appris par la suite que le gouvernement pourrait faire faire le travail plus tard.

D’autres bâtiments sont encore bons ou pourront être sauvés :

  La chapelle, monument historique, que le gouvernement veut sauver, même si elle a sérieusement été ébranlée;  il serait même prêt à en faire la restauration.

    Des bureaux à un étage, construits par la Coopération française, qui servaient pour l’informatique; il sont utilisés comme bureaux pour les écoles. Les ordinateurs ont été sauvés, mais il n’y a pas d’informatique pour le moment.

    Une annexe à la Résidence pourrait encore servir; il faut la faire examiner.

    La Résidence des Sœurs, qui appartient aux Spiritains, a besoin de réparations mais pourra être aménagée pour servir de résidence aux Spiritains ou de maison de formation.

 

Tout de suite après le séisme, les Spiritains se sont mis au travail pour sauvegarder ce qui pouvait l’être, dont principalement la Bibliothèque Haïtienne qu’on a mis dans des boîtes déposées temporairement dans la chapelle, en attendant de trouver des containers organisés pour maintenir une bonne température pour la conservation de livres.

 

Il faut refaire les murs de clôture du complexe. On a temporairement mis des murs de tôles pour éviter les vols et on a recommencé à reconstruire les murs de ciment.

 

Autre problème très urgent : acheter de grands réservoirs d’eau pour les besoins de l’école. Ceux qu’il y avait ont été détruits. Comme l’eau courante n’arrive que rarement aux maisons, il faut l’acheter en faisant venir des camions-citernes (on espère qu’une entreprise allemande en finance l’achat et l’installation).

 

Le gouvernement a fait pression pour que les écoles des Congrégations religieuses recommencent l’enseignement, car cela entraînerait aussi la réouverture des écoles publiques (il faut savoir qu’en Haïti 80% des écoles sont privées). Dans ce but, le gouvernement a fait enlever les décombres des bâtiments détruits; il a fourni des tentes ou fait construire des sortes de hangars temporaires pour servir de classe : bon pavement en ciment, murs en panneaux de bois, toit de tôles. Ce ne sera pas aussi confortable que dans une bonne salle de classe, mais on pourra y donner les cours, en attendant de pouvoir reconstruire.

 

Les Spiritains ne voulaient pas recommencer tout de suite, car ils ne savent pas comment ils vont trouver l’argent pour payer le personnel (41.825,09 $US par mois). Ils ont dû le faire comme toutes les autres Congrégations religieuses. Le gouvernement aidera-t-il à payer les salaires? On ne le croit pas. Qu’est-ce que les parents pourront payer? Beaucoup ont tout perdu et/ou n’ont pas de travail. Certains n’avaient rien payé depuis le début de l’année. On m’a répété que, depuis la reprise du Collège en 1995, ce ne sont pas les riches qui le fréquentent, mais les pauvres. Il y a une organisation, en lien avec les Anciens du Collège (dont le président est Simon Dominique, cousin de notre confrère défunt Max), qui cherche à trouver des bourses pour les enfants dont les parents ne peuvent pas payer les frais scolaires.

 

L’ouverture des classes s’est faite le lundi 19 avril avec la présence d’à peu près 80% des élèves; ce qui est apparu comme un excellent résultat.

 

Pour les spiritains d’Haïti, le Petit Séminaire-Collège Saint-Martial a une importance particulière. C’est une école très liée à leur histoire. Le collège leur avait été donné par l’archevêque de Port-au-Prince en 1871 pour leur payer une dette. C’est dans ce  Collège qu’ils refusaient de courber la tête devant la dictature de Duvalier, raison pour laquelle ils furent expulsés en 1969. Il est parmi les œuvres d’éducation les plus importantes et les plus renommées. C’est sans doute pour cette raison que le ministre de l’Éducation et la première Dame ont tenu à s’y présenter pour la reprise des classes le 19 avril.

 

On a déjà commencé à penser à la reconstruction de Saint-Martial. Des Anciens du Collège offrent leurs services pour en faire les plans. Les Spiritains pensent que, pour le reconstruire, il serait illusoire de compter sur l’aide du gouvernement : il a déjà trop de problèmes.

  

Maisons Saint-Martin

 

Ce sont les seules maisons qui ne semblent pas avoir de dégâts graves. Mais la cour de jeu est pleine de tentes et, à l’intérieur des murs, il y a actuellement deux organismes qui donnent des services à la population: Médecins du Monde et Catholic Relief Service.

  

AUTRES ŒUVRES OÙ TRAVAILLENT DES SPIRITAINS

 

Paroisse du Perpétuel Secours, à Côte-Plage, Carrefour

 

            Les Spiritains n’y ont pas de maison depuis l’érection de la paroisse en 2000. Ils louaient celle où ils logeaient; elle a été très secouée par le tremblement de terre; le toit est retenu par des piliers qu’on y a installés après le séisme. Les Spiritains dorment sous des tentes dans la cour près de cette maison. La propriétaire ne semble pas vouloir la réparer.

            Nous sommes allés voir une maison à vendre, à quelques pas de l’église; elle paraît en très bon état, avec plusieurs chambres et surtout un grand espace qui permet des développements ultérieurs. Les Spiritains voudraient l’acheter. On la vendrait pour 130.000 US$, mais on pourrait signer le contrat en avançant 20.000 US$.

 

            Furcy

 

            Je ne suis pas allés jusqu’à Furcy. On m’a dit que la maison où vivent les Spiritains a grandement besoin de réparations, sans que soit en cause le tremblement de terre. Elle n’appartient pas à la Fondation; c’est la maison de la paroisse que les Spiritains desservent. Pour le moment, le père Simon Habens y vit seul; un autre confrère ne pourrait pas y vivre jusqu’à ce que l’on fasse les réparations.

            Le père Habens nous a informé, photos à l’appui, que deux des trois églises avaient été complètement détruites par le séisme. Il avait avec lui un plan de reconstruction très simple, fait par un architecte; le coût en serait d’à peu près 33.000 US$. Il avait aussi un plan de réparation de la maison où il vit, mais sans estimation de coûts.

 

Les projets du Père Joseph Philippe

 

            J’ai été étonné de voir sur un calendrier 2010 le nombre de lieux sur tout le territoire d’Haïti où se trouve implantée FONKOZE, une sorte de banque de petits crédits pour les pauvres, qui s’adapte à ce que chacun est capable de faire et qui l’accompagne.  FONKOZE a été aidé pour son implantation par une femme américaine, Anne Hasting, qui y travaille toujours. Elle et Joseph Philippe ont reçu à Cartagena (Colombie), le 8 avril, un prix de reconnaissance de la schwab foundation for social entrepreneurship, the voice of Social innovation. Pour la même œuvre, Joseph recevra aussi un diplôme honoris causa de Docteur en Lettres, le 22 mai 2010, à l’Université jésuite de San Francisco.  

 

            Le Père Joseph a aussi créé à Fondwa , en 1988, l’Association des Paysans de Fondwa, qui a mis sur pied plusieurs services de base pour la population de la petite ville de 8.000 habitants : service de santé, de financement, formation à l’agriculture, école primaire, école secondaire, Université de Fondwa, etc. Presque tout a été détruit par le tremblement de terre. On a repris une grande partie des activités. Vous pouvez trouvez plus d’informations au site suivant : http://www.apfhaiti.org/index.php.

 

            Joseph m’a parlé du dommage que peuvent parfois faire les ONG étrangères qui arrivent en Haïti pour aider, mais à partir de leurs conceptions des besoins, avec des projets précis, sans avoir écouté les Haïtiens eux-mêmes. Les conséquences, selon lui, pourraient être à long terme plus mauvaises que le séisme lui-même, puisque ça amène une déresponsabilisation de la population. Il m’a donné l’exemple d’une ONG qui s’est récemment installée à Fondwa; elle donne à ses employés le double du salaire que peuvent donner les organisations locales, une concurrence déloyale à leur égards.

  

URGENCES ET PRIORITÉS

  

         A.      Pour les maisons et œuvres spiritaines

 

            Suite à ce rapport, le Conseil Général pense qu’il y a trois priorités pour lesquelles les Spiritains devraient aider le plus rapidement possible nos confrères spiritains d’Haïti : avoir un logement, le financement de l’année de noviciat en France pour 5 novices haïtiens et la reprise des activités au Collège Saint-Martial.

 

Malheureusement, il n’a pas encore été possible de nous envoyer toutes les estimations de coûts.

 

1.      Aider les Spiritains de Port-au-Prince à avoir le plus rapidement possible un logement :

 

D’abord la réparation et l’aménagement de ce qu’on appelle la Maison des Sœurs, située à l’intérieur de l’enceinte du Collège Saint-Martial, maison qui appartient aux Spiritains et que les Sœurs n’utilisaient plus. Les inspecteurs l’ont visitée : elle nécessite des réparations, mais elle est habitable.

 

Réparation rapide de la Maison Senghor, si elle s’avère possible, ou sa reconstruction à plus long terme. Il faut attendre la décision finale du gouvernement.

 

2.     Financement d’une année de noviciat (en 2010-2011) de 5 novices haïtiens en France :

 

Le budget établi pour cette année de noviciat est de 80.000 €. Les Provinces d’Europe ont déjà promis 27.000 €. Il manque donc 53.000 €.

 

3.     Aider à la reprise des activités au Collège Saint-Martial

 

La reconstruction du mur autour du complexe Saint-Martial est urgente. L’estimation du coût de cette reconstruction est de 86.134, 31$US.

 

Aider pendant quelques mois le Collège à payer les salaires du personnel, qui est de 41.825,09 $US par mois.

 

On a tout de suite besoin de vos dons pour ces besoins, qui peuvent être envoyés soit à l’Économat général de Rome, soit à l’Économat de la Province des États-Unis ou à la Procure de la Rue Lhomond à Paris.

 

De toute façon, nous vous demandons d’informer l’Économat général des dons que vous faites.

 

Suite à l’appel à la solidarité de la Congrégation pour la Fondation d’Haïti, lancé le 18 mars 2010, dans le N0 247 de Brèves Nouvelles Spiritaines, l’Économat général a été informé de dons qui s’élèvent jusqu’à maintenant à 83.756 €. Par ailleurs, nous avons appris que les Provinces d’Amérique du Nord feraient des dons qui dépasseraient les 200.000 US$. Vu l’immensité des besoins, il est à espérer qu’il sera possible de dépasser ces sommes.

 

4.     Reconstruction du Collège Saint-Martial

 

Nous sommes conscients que notre congrégation n’aura pas les moyens financiers de reconstruire le Collège Saint-Martial. Mais, nous pourrions aider à sa reconstruction en invitant les élèves des écoles secondaires et supérieures spiritaines et autres, ainsi que leurs parents, à se solidariser avec cette institution. Pour aider à l’organisation d’une levée de fonds, nous avons demandé aux responsables du Collège de préparer un dossier que nous pourrons vous transmettre.

 

 

         B.      ŒUVRES OÙ TRAVAILLENT DES SPIRITAINS

        

Le Conseil Général nous invite aussi à aider les Spiritains d’Haïti à trouver des bienfaiteurs pour d’autres œuvres où travaillent certains d’entre eux:

 

 

1.   Réparations de la maison de Furcy

 

Cette maison n’appartient pas aux Spiritains, elle est de la paroisse dont ils ont la charge. Mais, les Spiritains doivent s’occuper de sa réparation, qui est urgente.

 

  1. Trouver 20.000 US$ comme premier paiement pour acheter une maison à Côte-Plage, maison qui a déjà au moins 4 chambres et qui permet des développements ultérieurs. Elle servirait de maison pour les deux confrères en charge de la Paroisse du Perpétuel Secours, qui dorment actuellement sous la tente. Elle permettrait plusieurs aménagements très utiles dans une paroisse. Pour nos confrères haïtiens, c’est une aubaine et il faudrait signer le contrat avant qu’une autre personne l’achète.

 

  1. Aider à reconstruire les œuvres de l’Association des Paysans de Fondwa

 

 Réflexion d’une femme

 

Le jour de la rentrée scolaire au Collège Saint-Martial, nous avons salué une femme qui y revenait pour reprendre son travail. Au lieu de répondre à notre salutation, elle n’avait qu’une chose à dire : Il faut maintenant redoubler d’effort, Dieu nous a permis de vivre encore, il faut que ça serve... Une foi qui peut paraître naïve, mais qui permet de déplacer des montagnes.

 


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