BREVES NOUVELLES SUR
LA SITUATION EN CENTRAFRIQUE
« La
paix soit avec vous !», Jn
20, 19
Chers
confrères, amis,
À
l’occasion de la joyeuses Fête de Pacques, après
avoir partagé avec les confrères Gabriel Myotte Duquet,
Paul Flamm en Conseil provincial, six mois de ministère auprès
des déplacés de la crise centrafricaine, je sens utile
de vous envoyer des nouvelles sur l’évolution de la
situation en Centrafrique. Le peuple centrafricain accueille avec
joie ce souhait de paix comme message centrale de Pâques que
nous avons à accueillir et à annoncer dans la foi. Je
reviens d’un voyage à l’Est du pays à
Bangassou-Niakari où quatre confrères sont engagés
dans la pastorale et la promotion humaine auprès des
populations en milieu de très grande pauvreté. Ils
annoncent le message évangélique accompagné des
œuvres concrètes dans les domaines de l’éducation
des enfants, l’alphabétisation des adultes et de la
santé à Niakari situé à 15 kms de
Bangassou par la traversée du bac sur la rivière Mbari.
C’est vraiment le prototype de la mission spiritaine en ce
lieu.
Bac de
Niakari (à 15 Km de Bangassou)
École
primaire Daniel Brottier de Niakari
Exposition
des balais confectionnés par les élèves de
Niakari à l’occasion de la fête de Daniel Brottier
du 28 février 2015 (page ci-dessou).
Centre
de santé spiritain de Niakari
Qu’en
est-il de l’évolution de la situation du pays.
Évolution
de la situation en Centrafrique
Après
la série d’enlèvement d’humanitaire,
religieux et personnalité politique, les braquages et vols de
véhicules et motos, la sécurité tente de revenir
progressivement à Bangui. Mais nous sommes loin de gagner le
pari de la paix. Le pays tout entier a été marqué
par la tempête de la rébellion séléka et
les milices anti-balaka formées en réaction aux
atrocités commises par la séléka. Par la suite,
elles ont aussi commis leur part de crimes odieux. La sécurité
ne se réduit pas à Bangui. Les ex-rebelles et les
milices tiennent encore plusieurs régions du Nord et du
centre-sud du pays privant ainsi les populations de libre circulation
des biens et des personnes. Les services humanitaires au secours des
populations déplacées ou isolées dans les
villages œuvrent dans des conditions sécuritaires
dangereuses.
L’autorité
de l’État, le redéploiement de l’administration
dans les provinces se font très lentement et péniblement.
Les forces internationales sont déployées sur le
terrain mais en nombre insuffisant par rapport à la vaste
étendue du pays. On peut constater qu’à Bangui
comme à l’intérieur du pays, les populations sont
toujours exposées à la violence meurtrière des
groupes armés parfois sous l’œil passif des forces
internationales. Des problèmes éthiques graves se
posent de plus en plus avec la dépravation des mœurs,
des jeunes filles qui tombent enceinte ou se livrent à cause
de la précarité et la misère généralisée
dans le pays.
Les sites
des déplacés se réduisent progressivement avec
le retour de la sécurité dans certains quartiers de
Bangui. Certains déplacés sur les sites essaient de
rentrer chez eux mais ils ont tout perdu. Comment reconstruire leurs
maisons, se réinsérer sans soutien ? Le Site du
Grand séminaire St Marc de Bimbo qui regroupait encore en
octobre 2014 environ 7600 déplacés ne compte plus que
3200 aujourd’hui. On estime à 18 000 déplacés
aujourd’hui sur le site l’aéroport de Bangui
M’poko.
On
constate qu’aujourd’hui, beaucoup de déplacés
peuvent aller et venir, sortir facilement pour faire leurs affaires à
l’extérieur des camps.
Anthony,
un journaliste d’Oust-France qui loge en ce moment à St
Charles, de retour hier sur la nationale 1 (Bangui-Boali, Bossembélé,
Yaloké) témoigne qu’il n’y a plus aucune
barrière d’anti-balaka en route. Il avait acheté
plein de cigarette pour distribuer sur les barrières aux
anti-balaka pour laisser passer mais il a ramené tous ses
paquets. Les anti-balaka sont toujours là mais ils ne sont
plus très actifs comme avant. A Boda, la gendarmerie nationale
a arrêté un grand chef d’anti-balaka qui semait la
terreur dans le coin.
En gros,
tout avance très très lentement dans le pays. Quand il
s’agit de mener des actions communes, le résultat est
parfois insignifiant voire décevant. C’est comme si
les gens se laissent gagner par la résignation. Il y a trop de
demande d’assistance de l’extérieur. Beaucoup de
gens n’ont pas encore saisi le sens de l’ampleur de la
crise pour se mettre au travail, se prendre en main, prendre en main
le destin de leur pays. Cela nécessite beaucoup de
détermination et de volonté de s’en sortir en
prenant les choses au sérieux. La mentalité de beaucoup
de personnes donne l’impression que la situation d’assisté
perdure. Les gens vous sollicitent pour tout comme si vous aviez des
solutions à tout par un simple claquement des doigts et que
l’argent vous tombe du ciel. C’est très décevant
pour l’avenir du pays. La solution ne viendra de nulle part que
par la prise en main de son propre destin. Malgré la misère
dans le pays, on peut noter chez certains la paresse, le manque de
courage et de détermination à se reconstruire et
reconstruire un pays. On attend beaucoup de l’extérieur
alors qu’une telle crise devrait réveiller les
consciences et redonner du courage pour rebondir.
Il faut
ajouter à cela la Peur.
Certains personnes ayant rejoint la rébellion pensant trouver
le bonheur pourraient rentrer au village cultiver la terre ou vaquer
à leurs occupations mais ils ont peur des représailles.
Il est difficile de rentrer chez soi après avoir été
dans le camp des bourreaux et des vaincus. Cela peut se comprendre
dans le contexte de l’insécurité ambiante et le
risque des vengeances.
Toutes
ces interrogations posent la question de la réinsertion et de
la reconstruction d’un pays par la base. Comment aidez ces gens
à se réinsérer et avec quels moyens ?
Les
défis
Il y a un
nombre impressionnant des ONG qui œuvrent aujourd’hui en
Centrafrique. De retour avant-hier de Bangassou avec l’avion de
l’UNHAS, on peut compter une trentaine. Ils remplissent les
restaurants de Bangui. Cela provoque la flambée des prix sur
le marché en défaveur des pauvres gens. Sans
sous-estimer les efforts que déploient certaines ONG surtout
dans le domaine de la santé, on peut se demander dans quelle
philosophie œuvrent-elles ? Dans quelle mesure leurs
interventions incitent à une prise de conscience citoyenne à
la responsabilité ? Ce ne sont pas les humanitaires qui
vont apporter des solutions durables à la crise en
Centrafrique. Le humanitaires vont de l’émergence. Il y
a le danger que la misère suive l’émergence. Il y
a nécessité de couplage entre l’émergence
et le développement durable qui engage les populations comme
actrices de croissance.
Nous
soulignions plus haut le constat de la paresse, la mentalité
d’assisté. Comment insuffler chez les populations ce
dynamisme, cette détermination de prendre son destin en main,
la volonté de reconstruction de leur pays en lambeaux ?
Quel mécanisme de coordination, de synergie de ces différentes
ONG entre elles, entre elles et les tous les autres acteurs de
développement ainsi que les destinataires de leurs actions
humanitaires ?
L’éducation,
la formation à la base restent les défis majeurs pour
forger une nouvelle génération en Centrafrique si on
veut rompre avec les pratiques antérieurs qui ont plongé
le pays dans le chaos. L’école demeure le chemin de la
vraie libération. Faut-il encore améliorer la qualité
des enseignements et des enseignants. La nouvelle école doit
épouser les valeurs de la rigueur, l’effort dans le
travail, l’honnêteté intellectuelle et pratique,
la ponctualité, le civisme, la conscience professionnelle. La
culture de la tolérance, de la paix, de la salubrité et
le dialogue interreligieux sont plus que jamais indispensables dans
les programmes scolaires.
En vous
souhaitant une joyeuse fête de Pâques, je tiens à
remercier les uns et les autres pour votre union de prière et
vos soutiens multiformes pour nous aider à participer aux
efforts de reconstruction et d’aides aux démunis. Merci
à Gabriel Myotte Duquet et à Paul Flamm pour leur
disponibilité et pour les services rendus auprès des
déplacés et sinistrés malgré les
conditions sécuritaires, la collaboration difficiles. Nous
verrons comment poursuivre autrement ce ministère dans nos
différentes insertions pastorales.
Patrick Omer MBEA, C.s.sp
Provincial