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LANGONNET

Frédéric LE V A V A S S E U R 1811 – 1882

Abbaye de Langonnet – 2 Février 2011

par Paul Uzel


Cette année, les Spiritains célèbrent le deuxième centenaire de la naissance du Père Frédéric Le Vavasseur. Il fut le treizième Supérieur Général de la Congrégation du Saint-Esprit. Il eut surtout le mérite d’être, avec Eugène Tisserant, l’initiateur du projet de l’Œuvre des Noirs et le coopérateur de la Fondation des Filles de Marie à la Réunion. En ce 2 Février 2011, jour béni de la mémoire du Vénérable Père Libermann, nous nous faisons une joie de nous rappeler le souvenir d’un des plus chers de ses fils.

J e u n e s s e

Frédéric Le Vavasseur naît à la Réunion, île Bourbon, perle de l’Océan Indien, le 25 Février 1811, de Jacques Le Vavasseur et de Sidonie de Sigoyer. Il est baptisé à St-Denis. A cette époque, après la Révolution, l’état religieux est assez déplorable. Né dans une famille peu pratiquante, Frédéric ne reçut pas d’éducation religieuse. Il grandit en contact du monde des esclaves et fut sensible à leur domesticité au sein de sa famille. L’enfant, quoique doué, se laisse aller à la facilité et à l’indiscipline. A l’image de son pays, il fait montre d’un tempérament riche, sensible et volcanique avec lequel il aura toute sa vie du fil à retordre.

Heureusement, la première grâce du ciel fut son éducation au Collège Royal de St-Denis où il est pensionnaire. M. Gallet assure son éducation religieuse. Non seulement il se montre un bon élève, mais il excelle dans la piété. A 14 ans, Frédéric est admis à la première communion : prenant au sérieux sa foi, il fait montre de franchise et de générosité.

Il faut faire ici le parallèle avec John Henry Newman qui, en1816, vécut une telle grâce. Voici ce que dit Irène Fernandez de l’Assentiment du jeune homme : « On sait combien l’engagement radical du Moi dans la vie de foi était vital pour un homme, convaincu depuis l’âge de quinze ans de la « lumineuse » existence de deux êtres : son créateur et lui. « Myself and my Creator » : cette expression célèbre ne signifie pas qu’il se croit seul au monde, mais que le face-à-face de l’amour est le secret fondement de la foi ».

On ne saurait trop insister sur la nature centrale ou fondatrice de cette grâce pour Frédéric : cette expérience de Dieu n’est pas séparable de l’expérience de soi. Son assentiment à la foi, comme certitude absolue et instantanée, devient la boussole intérieure ou l’étoile polaire pour toute sa vie. Ainsi, dans sa profession de foi, Frédéric fait de manière passionnée l’expérience mystique de la véracité de la foi. Ses progrès dans la piété le poussent à convertir sa sœur et à catéchiser les esclaves de ses parents. Il s’esquive des réunions mondaines, au grand dam de son père.



Départ en métropole

En 1829, la famille envoie le jeune homme en France poursuivre ses études. Frédéric rêve de devenir un grand savant. En outre, il tient beaucoup à sa foi et garde une pratique religieuse exemplaire, fidèle aux sacrements et à la lecture de la Bible. Il fréquente la paroisse St-Louis à Paris, tout en suivant les cours à l’Ecole Polytechnique.

Mais il se dit « à quoi bon ces études par rapport aux bontés de Dieu ? ». On comprend qu’un jour l’idée de la prêtrise lui vienne, ce que lui confirme l’évêque de Versailles. Mais sa famille s’y oppose : un ami lui conseille de choisir la médecine, métier de dévouement, ce qui rassure son père. A l’occasion des examens de fin d’années, Frédéric fait du surmenage intellectuel qui le conduit à l’échec.

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En 1830, une Sœur Rosalie le reçoit à Paris et le met en rapport avec les Jésuites. Il poursuit des études de droit. Il apprend la ruine de ses parents et continue de penser à la prêtrise. En 1831, le P. Génesseau le fait entrer au Collège Stanislas où il donne des cours et prépare un Baccalauréat ès Lettres : puis il fait part à ses parents de sa décision irrévocable. Ceux-ci, rapprochés de la religion depuis leur faillite, acceptent. Leur fille vient d’épouser un Boyer de la Girodais qui les sauve de leur mauvaise situation.

Retour à Bourbon

Admis au séminaire, Frédéric retourne au pays natal, en 1835, revêtu de la soutane. Cela lui donne une dignité dont les parents sont fiers. Mais il impressionne surtout ses deux cousines qui sont d’une grande piété, Aimée et Anne-Marie Pignolet de Fresnes : il les encourage. En 1834, les esclaves de l’Ile Maurice sont affranchis : cela travaille le cœur du jeune séminariste. Après quelques mois, il reprend le bateau pour la France.

Chez les Sulpiciens d’Issy-les–Moulineaux

En 1836, Frédéric Le Vavasseur reçoit la tonsure : il est confié à M. Libermann qui anime les groupes de spiritualité et fait de la direction spirituelle. C’est là que M. Eugène Tisserant de St-Domingue et M. Le Vavasseur de Bourbon le consultent à propos d’un projet : « l’œuvre des Noirs » pour l’évangélisation des nègres en pays créoles.

En 1837, Libermann part à Rennes pour la reprise du Noviciat des Eudistes qui cherche un Père Spirituel. Il garde le contact avec les deux séminaristes créoles. Frédéric ira passer les vacances de 1838 à Rennes.

MM. Le Vavasseur et Tisserant ont d’ailleurs pris contact avec l’Archiconfrérie de Notre-Dame des Victoires où l’Abbé Desgennettes fait prier pour le projet : le 1er Février 1839. Le projet est maintenant dans les mains de Marie en laquelle Libermann a d’ailleurs une confiance filiale. Cependant, à Rennes, la Providence éprouve son serviteur qui est repris par son épilepsie et passe surtout par un calvaire intérieur.

Tandis que les liens se détériorent avec le Supérieur des Eudistes, le projet de l’Oeuvre des Noirs prend une place plus grande dans le cœur de Libermann. Devant sa nullité intérieure, Libermann prend la décision de quitter Rennes. Libéré de toute attache, le 28 Octobre 1839, il décide envers et contre tout d’aller porter à Rome le projet de l’œuvre : il est pris pour un fou, mais sa confiance en Dieu est totale.

Sur le chemin de Rome, il s’arrête à Lyon et prie aux pieds de Notre-Dame de Fourvières. A Rome, il est rejoint par M. de la Brunière, mais peu après, celui-ci l’abandonne. Libermann passe à Rome près d’une année. La Propagande est impressionnée par le projet, mais voudrait que le pauvre Libermann reçoive la prêtrise. Tandis que les affaires traînent, Libermann écrit, dans sa mansarde, un Commentaire de l’évangile de St-Jean.

Libermann entreprend un pèlerinage à Lorette où il reçoit une grâce intime : il a la conviction que la fondation du projet lui est confiée. Puisque Dieu travaille pour lui, il revient à Rome en toute confiance. Il écrit d’ailleurs au curé de Notre-Dame des Victoires que, refusant toute intrigue près des autorités romaines, il est heureux que le Saint-Cœur de Marie ait tout mené à bon terme. D’ailleurs, contre toute espérance, le diocèse de Strasbourg lui propose de l’ordonner. L’horizon se dégage et il reçoit le diaconat en Octobre 1850. Là il fait connaissance avec les frères Schwindenhammer, Jérôme et Ignace, qui rejoindront le Saint-Coeur de Marie dès leur ordination.


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La fondation du Saint-Cœur de Marie

Le 20 Septembre 1841, Libermann est ordonné par l’évêque d’Amiens : le 27 Septembre, il célèbre une messe d’action de grâce à Notre-Dame des Victoires, tandis que Le Vavasseur est ordonné le 28. Puis s’ouvre le Noviciat de la Neuville-lès-Amiens que rejoint Frédéric. Pour ce dernier, l’installation trop luxueuse et non conforme à l’esprit de pauvreté.

Deux tempéraments vont se polir et s’affronter : la mansuétude et la douceur de Libermann avec la fougue de la nature riche et indomptée de Frédéric, ici victime de son perfectionnisme. De Pinterville arrive l’abbé Jacques Désiré Laval, médecin devenu prêtre dans le diocèse d’Evreux. Il se présente pour la mission et dès 1842, il est le premier missionnaire du St-Cœur de Marie à partir pour l’Ile Maurice.

Mais au Noviciat, la brouille se fait entre le Supérieur et Frédéric : celui-ci va faire retraite à N.D. des Victoires. Mais la ferveur généreuse triomphe de la hargne caractérielle de l’ardent prêtre qu’est Frédéric. Cette tempête mémorable se termine par une réconciliation qui honore l’humilité fondamentale de notre cher Frédéric.

Le Séjour à Bourbon

Est-ce la sagesse du P. Libermann ? En tout cas, en Février 1842, le P. Le Vavasseur s’embarque sur « La Sarcelle » pour l’Ile Bourbon où il séjourne 7 ans. A Bourbon, on s’attendait à l’émancipation des esclaves noirs. L’Apôtre arrivait exalté et devra faire bien des efforts pour affronter les événements.

Il fallait se dévouer à l’instruction des noirs. L’implantation d’une Congrégation pour l’Oeuvre des Noirs ne va pas sans créer de difficultés avec le clergé séculier et surtout avec les autorités civiles qui voient Le Vavasseur non agréé et sans permission de l’Etat. Avec sa fougue habituelle, le Père se débat et en appelle au Vicaire Apostolique. Frédéric entre dans une crise intérieure et entretient avec Libermann une correspondance houleuse.

En 1843, les Pères Collin et Blampin sont envoyés à Bourbon. On fait la guerre aux missionnaires pour les rendre dépendants des Curés. Le P. Le Vavasseur doit répondre à des réquisitoires du directeur de l’Intérieur. Cependant l’Œuvre des Noirs se continue. L’émancipation allait chavirer bien des oppositions. On attendait les Pères de St-Alban et Jérôme Schwindenhammer. La lenteur du courrier usait aussi le tempérament de Frédéric qui entre en conflit avec Libermann avec l’intention d’entrer chez les Jésuites : mais après une retraite, il demande humblement pardon au Vénéré Père.

En 1846, le P. Le Vavasseur fait une visite à Maurice où le P. Laval était toujours seul. Cela lui fait le plus grand bien. Des femmes de Maurice, désireuses de servir l’Eglise, désirent une formation spirituelle et l’on suggère la création d’une congrégation locale pour satisfaire à la demande de ces vocations possibles. La perspective de l’émancipation des noirs est dans l’air du temps : elle est réalisée à Maurice depuis 1834. Le Père revient à Bourbon encouragé et édifié par le travail de l’Apôtre de Maurice.

Pour le Saint-Cœur de Marie se préparait la fusion avec les Messieurs du St-Esprit dont le nombre était de plus en plus réduit. Mais 1848, c’est l’effondrement de la Monarchie de Juillet avec la révolution en Février. Or le 4 Mars 1848, le nouveau gouvernement décide l’abolition de l’esclavage, dont Victor Schoelscher reste une figure de proue. A Paris, la fusion entre les deux instituts se réalise et permet de garder les liens avec le ministère des Colonies. Le P. Le Vavasseur est d’abord très sceptique sur ce qu’il redoute comme une « confusion ». Encore une fois, son esprit d’obéissance le sauve.


A Bourbon, les missionnaires se font un devoir de prévenir les noirs pour que les choses se passent au mieux. L’influence de l’Abbé Monnet contre balance les mauvaises volontés. Le 8 Juin 1848, la République fut proclamée à Saint-Denis et Bourbon prend le nom de La Réunion. Le P. Le Vavasseur fut élu en tête d’un Conseil de Notables, mais il refuse un honneur, car il redoute un piège qui aurait pu le compromettre aux yeux des noirs. La promulgation de la libération des esclaves est décidée pour le 20 décembre 1848.

L’arrivée providentielle du Frère Vincent, de retour d’une mission qui a échoué en Australie, permet de lancer une école agricole à la Rivière des Pluies. Cela provoque des jalousies, mais les protestations du P. Le Vavasseur lui attirent la bienveillance du nouveau Commissaire de la République qui le félicite de son réalisme.

La fondation des Filles de Marie

Depuis 1835, date du premier retour à Bourbon de Frédéric, l’Esprit travaillait le cœur d’une âme d’élite, Marie Françoise Aimée Pignolet de Fresnes, née le 2 Juin 1810. La perspective de la libération des esclaves l’avait motivée à entreprendre l’instruction et l’éducation chrétienne des futurs émancipés. De 1846 à 1849, Le P. Le Vavasseur préparait avec ardeur la fondation des Filles de Marie.

Depuis son retour de Maurice, le P. Le Vavasseur engageait Aimée et Anne-Marie dans la folle entreprise de la nouvelle congrégation. Le rayonnement du Saint-Cœur de Marie pouvait susciter l’éclosion des Filles de Marie dont Aimée, sous le nouveau nom de Marie Magdeleine de la Croix, devenait la fondatrice. Ainsi, sans prévenir l’autorité civile, la fondation eut lieu le 19 Mai 1849, soit cinq mois après l’émancipation officielle des esclaves noirs. La fondatrice, la première, prononça ses vœux entre les mains du Père.

C’est dans l’esprit de pauvreté et d’humilité que les Filles de Marie de la Réunion allaient se mettre à évangéliser les pauvres. Le Commissaire Général, M. Sarda Garriga, par intérêt pour sa réputation, en courage favorablement l’instruction et la moralisation des affranchis. Si la libération s’était passée au mieux à la Réunion et en Martinique, il n’en fut pas de même à la Guadeloupe.

En 1852, M. Hubert Delisle facilita l’acquisition de terrains près de St-Denis en vue de l’établissement d’un hôpital où l’on soignerait même les lépreux. La tâche de la nouvelle congrégation était ardue. Cette même année les premiers vœux était prononcée. Marie-Anne ne fit ses vœux qu’en 1853 et prit le nom de Marie-Thérèse de Jésus. Chez les Filles de Marie, il n’y avait pas de distinction de races et ce témoignage de catholicité était fort.

Les Filles de Marie devaient connaître une forte expansion : à Maurice, à Madagascar, au Zanzibar. C’est dans un héroïsme absolu que la Mère Marie Magdeleine de la Croix gouverna sa congrégation pendant 40 ans, avec la même abnégation que le P.Laval. Ses épreuves de santé rappellent le chemin de croix du Vénérable Libermann : il y a vraiment une parenté entre les Spiritains et les Filles de Marie. Elle devait mourir en 1889, tandis que la Sœur Marie-Thérèse de Jésus avait déjà rejoint la maison du Père en 1868. Son biographe, M. Prosper Eve, nous dit : « Accablée par les épreuves de la souffrance, Mère Marie Magdeleine de la Croix, femme de conviction, d’action et de passion, débordant d’audace, d’énergie autant que d’amour, est une missionnaire marquante de l’Eglise de la Réunion. Au lendemain de l’abolition de l’esclavage, à l’heure où les affranchis sont encore couverts d’opprobre par la plupart des anciennes personnes libres, elle ose aller à contre-courant des idées et des moeurs de son temps, en prônant l’égalité au sein de la congrégation religieuse qu’elle fonde. Ce n’est pas son seul mérite. Cette visionnaire innove en conduisant des actions caritatives non seulement dans son île natale, mais aussi dans la zone de l’Océan Indien. »

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Retour en France du P. Le Vavasseur

En Juin 1849, le P. Le Vavasseur rejoint la France et laisse au P. Collin le soin des Filles de Marie. Il trouve le P. Libermann très éprouvé au plan de la santé. Il le rejoint à la rue Lhomond où il exerce les fonctions de Supérieur Général. Chargé du Séminaire du St-Esprit, Frédéric veut entreprendre la réforme de celui-ci avec une ardeur excessive.

Libermann se trouve engagé dans l’érection des futurs diocèses coloniaux. Dans ces pays, l’autorité ecclésiastique est trop à la remorque de l’autorité civile. Dès la fusion, en 1848, Libermann comprend ce qui manque dans les colonies : l’établissement d’une hiérarchie régulière, liée au St-Siège, hors du cadre de l’ordonnance de 1781 alors en cours.

En 1850, la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe sont enfin érigés en diocèses sous la juridiction de l’Archevêché de Bordeaux : ils ont respectivement comme évêques Mgr. Duprez, Mgr. Le Harpeur et Mgr. Lacarrée. Le succès de l’opération est dû à la diplomatie du doux et patient Libermann. C’est ce que le P. Le Vavasseur écrit au P. Blampin.

Auprès du Père Libermann

Frédéric remplace le P. François qui peut enfin partir en mission. Il se trouve chargé du Séminaire des Colonies dont il poursuit la réforme. Il doit faire un travail pénible de recrutement dans les diocèses. La réputation du « St-Esprit » n’est pas oubliée, mais la fusion avait ses opposants dans le clergé, notamment un M. Hardy qui avait été exclu du séminaire.

La maladie étreint de plus en plus celui que l’on appelait déjà le « Vénéré Père ». Au début de 1852, Libermann s’arrête. F. Le Vavasseur devient son garde-malade, filialement dévoué. La gravité du mal est révélée : Libermann vit ses derniers jours. Frédéric, égal à lui-même, lui annonce : « Cher Père, le Bon Dieu vous appelle : il faut partir, c’est l’avis du médecin » - « Dieu soit béni », répond le mourant.

Une pensée obsède le P. Le Vavasseur : Qui succèdera au bon Père ? Craignant d’être obligé de lui succéder, il interroge Libermann : « Abandonnez-vous à la volonté de Dieu ». Frédéric insiste : « Laissez-moi deux jours de réflexion et de prière ». Le 28 Janvier, Libermann voit le P. Schwindenhammer : « C’est vous qui devez vous sacrifier ». Soulagement pour Frédéric, mais résignation pour l’autre : respectueuse et unanime soumission par la Famille Religieuse.

Le 2 Février 1852, pendant le chant du Magnificat, le Vénéré Père remet son âme au Seigneur après avoir dit : « Pauvre Guinée » - « Dieu, c’est tout : l’homme, c’est rien » - « Ferveur – Charité – Sacrifice, mais surtout la charité ». Frédéric Le Vavasseur a le privilège douloureux de lui fermer pieusement les yeux.

Avec le T.R.P. Ignace Schwindenhammer

Dans l’existence du P. Le Vavasseur se poursuit l’union de deux natures opposées. Ignace Schwinderhammer, né en 1818, est un homme au tempérament froid et réservé, sans manquer de jugement et de charité. Frédéric va d’abord le remplacer à Notre-Dame du Gard au Noviciat des clercs et des frères.

Le projet de Sœurs Missionnaires le hantait pour répondre aux familles chrétiennes des colonies, à l’attente et à la formation de sœurs indigènes. Il entretient des relations avec les Sœurs de l’Immaculée Conception, les Sœurs Bleues de Castres, mais sans suite immédiate. Il reste en lien avec les Sœurs de Cluny et les Filles de Marie de la Réunion. La Providence fait surgir un Institut des Soeurs Missionnaires du St-Esprit avec ses statuts, mais sans lien avec les Spiritains.

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L’ Assistant Général, dont nous connaissons la nature ardente et généreuse,

reste exubérant et volcanique : sa vie spirituelle le garde dans l’obéissance. D’ailleurs la charge s’alourdit. De retour à Paris, il est nommé Provincial et Visiteur des Maisons de France. Le Père complète bien le P. Schwinderhammer par ses qualités plus avenantes. Il est aussi chargé de recueillir les documents pour une vie du Vénéré Père. C’est à Dom Pitra que l’on confie le soin de rédiger la première Vie du P. Libermann. Il fait aussi les dépositions au procès de béatification du Fondateur. Bref, Le P. Le Vavasseur s’avère un homme de relations à la sensibilité chaleureuse.

Vers l’Abbaye de Langonnet

En vue de la formation des Frères, le P. Le Vavasseur contacte à Ploërmel l’Institut de Jean-Marie Lammenais qui a déjà envoyé des Frères au Sénégal et aux Antilles. M. Collin s’aperçoit que la Bretagne pouvait être une terre de vocations. Or il y avait à Gourin un Abbé Maupied, ex professeur en Sorbonne. Il y avait fondé un petit collège dont il voulait se défaire. Après pourparlers avec la Société de Sainte-Marie de Gourin, les Pères du Saint-Esprit obtiennent le droit de préemption sur l’Abbaye de Langonnet.

Aussitôt le P. Le Vavasseur est chargé de l’affaire. Le Haras de chevaux qui occupait l’Abbatiale serait transféré à Hennebont. D’accord avec l’Abbé Maupied et la Préfecture de Vannes – car Langonnet est dans le Morbihan – l’affaire commencée en 1854 se termine en 1857 par un Décret Impérial autorisant la Congrégation à s’installer à l’Abbaye de Langonnet.

La Congrégation ouvre un collège donnant suite à celui de Gourin, que l’on appellera « école apostolique ». On y installe aussi le Scolasticat de Philosophie et le Noviciat des Frères. Puis vint l’acquisition de la ferme Kerlorois, l’hôtel Tourne-Bride, l’Etang de Priziac et la colline de Kermainguy, lieu du futur Saint-Michel.

Le Pénitencier de Saint-Ilan

En 1855, Le P. Le Vavasseur était déjà sur l’affaire du pénitencier de Saint-Ilan. Les Frères Léonistes qui en avaient la charge acceptent de s’intégrer aux Spiritains. Le Ministère de l’Intérieur est impressionné par la réputation du Père dont la compétence en matière de réforme de l’enfance coupable étonne. On le fait même siéger à la Commission des Colonies Pénitentiaires. Notons que plus tard, le pénitencier aura une annexe à St-Michel de Priziac.

Le P. Le Vavasseur n’oublie pas son île de la Réunion pour laquelle il obtient pour un contrat de 25 ans l’ouverture d’un pénitencier et d’une école professionnelle, au Quartier Butor à St-Denis. Mais des émules de l’anticléricalisme pillèrent l’œuvre. Le Père intenta en vain un procès à l’Administration. La Congrégation porta l’affaire au Conseil d’Etat et la Colonie fut condamnée : mais l’œuvre ne se relèvera pas.

Les Missions et les Oeuvres

Dans les années 1852-1854, La Maison-Mère a des démêlés avec Mgr. Kobés, Vicaire Apostolique de Dakar. Celui-ci porte son effort uniquement sur la mission, sans se soucier de la vie communautaire des missionnaires et de l’obéissance qu’ils doivent à la Congrégation. Cela avait été la cause de la fameuse lettre de Libermann en 1847 à la communauté de Dakar : « Faites vous nègres avec les nègres pour les gagner à Jésus-Christ ». Car si l’on sacrifiait la vie de la communauté à l’action apostolique, il y aurait un péché originel.

Le P. Schwindenhammer était préoccupé d’assurer l’autorité du Supérieur Général. Le P. Le Vavasseur fut mêlé à ces malentendus : Mgr. Kobès s’obstinait dans son point de vue et les rapports étaient de plus en plus tendus.

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Il fallait fortifier la Congrégation en France et en Europe, former de nouveaux membres tout en respectant ses fins apostoliques. En 1850, Le P. Le Vavasseur s’occupe de la mission de Guyane qui commence par un échec : le premier spiritain meurt de la fièvre jaune sitôt arrivé. On voit s’ouvrir St-Pierre et Miquelon, le Collège de Port-au-Prince, le Collège St-Charles de la Réunion et celui de Maurice. En France, s’ouvre l’orphelinat de Cellule (Puy de Dôme) auquel s’ajoute un Noviciat des Frères et une école apostolique.

En 1868, le P. Schwinderhammer tombe gravement malade. Et pendant quelques mois, Frédéric doit assurer la charge. En 1870, la guerre franco-allemande vient compliquer les choses avec l’évacuation de Chevilly – acquis depuis 1864 - vers la Bretagne. Le 4 Septembre, c’est la proclamation de la III° République. Durant la Commune, il y a perquisition de la Maison-Mère : Mgr. Darbois est exécuté avec quarante prêtres.

Le P. Le Vavasseur aura donc eu, en France, une activité débordante. Quoi qu’il en soit de son caractère, son humilité et son obéissance sont à louer : la grâce compose toujours avec la nature. Notons aussi que le Père prêcha beaucoup de retraites pour ne pas oublier son don d’exceptionnel orateur. Il ne reverra ni Bourbon, ni l’Afrique, mais son zèle est aussi éloquent.

Vers une éternité de bonheur

En Octobre 1880, le sursis accordé au P. Schwindenhammer s’achève après 28 ans de loyaux services. Avec lui, l’Institut fondé par le Vénérable Libermann est devenue une Congrégation Religieuse avec les trois vœux de pauvreté, chasteté et obéissance.

Le 11 Janvier 1881, il reçoit l’extrême-onction et il meurt le 6 Mars. Dès le 10 Mars, l’élection de P. Le Vavasseur se fait à l’unanimité, confirmée par Rome au mois d’Août suivant. Les PP. Collin et Emonet, son futur successeur, sont ses Assistants.

Mais dès Octobre 1881, la maladie terrasse le nouveau Supérieur Général. On lui confère l’extrême onction avant Noël : « Je meurs content et heureux », dit-il. Le 27 Décembre, on lui apprend le décès de sa chère maman qui vivait à Maurice. Son agonie dure jusqu’à la mi-janvier et il exhorte encore la communauté : « Voilà le véritable amour de Dieu : amour du sacrifice, amour de la croix.. »

Dans la nuit du 16 au 17 Janvier 1882, le Très Révérend Père Le Vavasseur entre dans son repos éternel. Sa dépouille mortelle rejoindra à Chevilly celles du Vénéré Père et de son prédécesseur. Comme les trois disciples, François Libermann, Ignace Schwindenhammer et Frédéric Le Vavasseur ont gravi le Mont de la Transfiguration par la ferveur, la charité et le sacrifice. Nous, leurs fils, nous en rendons grâce en attendant de les retrouver dans la gloire : Dieu en soit loué à Jamais.

P. Paul UZEL.



B i b l i o g r a p h i e

  • Mgr. Alexandre LE ROY : Le T.R.P. Frédéric Le Vavasseur.

  • Père Albert DAVID : Notre-Dame de Langonnet. (Vermault – 1936)

  • Professeur Prosper EVE : Du torchis à la pierre.

: Mère Marie Magdeleine de la Croix.

: Dialogue avec Marie Françoise Aimée.

: Le Chemin de Perfection (Notes intimes)




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