Vénérée
Mère Marie magdeleine de
la Croix
Marie Françoise Aimée
Pignolet de Fresnes
( 1810 – 1889 )
par Paul Uzel
Au
temps de l’esclavage à l’Ile Bourbon, une jeune
Réunionnaise, Mademoiselle Aimée Pignolet de Fresnes,
se dévoue pour l’instruction religieuse et les soins des
esclaves vivants sur des habitations de colons. L’Esprit ayant
touché cette âme, Aimée commence l’apostolat
de la présence et de la compassion près des pauvres
esclaves dont la dure condition la bouleverse.
Sans
formation spirituelle poussée, la jeune apôtre exerce
dans la simplicité et le dévouement une action bien
surprenante. Effectivement douée d’un charisme de
compassion, elle se met au service des esclaves noirs dont elle
cherche à soulager les misères et les souffrances. Une
grande affection les attache alors à cette humble servante du
Seigneur.
Aimée
de Pignolet exerce la grâce d’une authentique maternité.
Sa ferveur est soutenue par sa dévotion aux Saints Cœurs
de Jésus et de Marie, selon la spiritualité de
l’époque. Ce mot de l’évangile révèle
toute l’empreinte de sa vie intérieure : « Venez
à moi, vous tous qui souffrez et pliez sous le fardeau et,
Moi, je vous soulagerai ...Apprenez de moi que Je Suis doux et humble
de cœur »
(Mt. 11, 28).
Si
les esclaves de l’Ile Maurice sont émancipés en
1834, ceux de la Réunion ne le sont qu’en 1848. C’est
lors des années d’apostolat du P. Frédéric
Le Vavasseur, de 1845 à 1848, qu’Aimée, sa sœur
Anne-Marie et Maria préparent avec ardeur la fondation d’une
congrégation pour le service des noirs émancipés.
L’abolition
de l’esclavage a lieu le 20 Décembre 1848 pour la
Réunion. La fondation
des Filles de Marie
stupéfie tout le monde le 19
Avril 1849 :
la fondatrice, Aimée de Pignolet, prend le nom de Marie
Magdeleine de la Croix.
Les Filles de Marie participent ainsi à l’Œuvre
des Noirs
dont le P. Le Vavasseur avait eu le projet pour le Saint-Cœur
de Marie.
Les Filles
de Marie de la Réunion ont ouvert leur congrégation à
des esclaves affranchies et sont critiquées par la société
créole, mais elles tiennent bon pour montrer la
valeur de toute personne humaine aux yeux de Dieu.
L’héroïcité de la Mère Marie
Magdeleine lui permet de gravir un Calvaire de souffrances. L’œuvre
de l’Esprit en elle fait de son existence un don
sans retour,
un « tout
pour Jésus »,
qui la confirme dans la sainteté et l’humilité de
la Servante.
La vie
d’union au Christ fait de Mère Marie Magdeleine un être
crucifié à la sainte Croix. L’Esprit de Dieu l’a
introduite dans un combat acharné contre les forces du mal et
l’a vouée à l’œuvre de libération
des pauvres esclaves. Plongée dans l’affliction d’une
telle situation sociale, elle s’est donnée à
cette race d’hommes humiliés pour les embraser de
l’amour de Dieu.
La Mère
Marie Magdeleine, plongée dans l’humilité,
s’estime la dernière de tous. L’Esprit fait brûler
en elle une telle ardeur que son amour va sans distinction à
tous les hommes. Revêtue de l’armure royale, elle se
jette éperdument dans le combat. Le secret de son énergie
se trouve dans la contemplation de son très bon Jésus.
C’est
ainsi que dans la fidélité quotidienne, la grâce
établit cette âme consacrée dans une
compréhension et une sagesse sans pareille. Le Saint-Esprit
lui confère une connaissance
profonde sur les mystères
que ni la langue ni la bouche ne peuvent exprimer.
La
grâce de l’union au Christ fait d’elle une
épouse spirituelle du Verbe fait chair.
La charité produit en elle des fruits variés et l’unit
à la
sainte volonté de Dieu
par une fidélité de tous les instants. Au milieu des
tous les tracas, en quarante ans de vie consacrée, l’âme
de cette Fille de Marie a pu triompher par la plénitude de la
jouissance spirituelle de son union au divin époux. Paradoxe
du « sacrifice
de louange » !
Marie
Magdeleine de la Croix a porté à bout de bras sa
famille religieuse, « espérant
contre toute espérance ».
Son exemple nous invite à entrer dans la voie de la
sainteté pour accomplir la volonté de Dieu.
Que la sainteté de Marie Magdeleine de la Croix nous obtienne
la grâce d’une libération pour ce qui nous empêche
d’appartenir « tout
à Jésus ».
Qu’elle nous obtienne de ne pas rester, comme le disait le
Vénérable Libermann, des « amateurs
de nous-mêmes ».
Cette
femme, brûlant de l’amour de Dieu, s’inscrit dans
une grande
lignée de mystiques
qui furent efficaces et pratiques. Elle fut la Scholastique, sœur
de St-Benoît, du P. Le Vavasseur. Ils évoquent ensemble
ces rencontres spirituelles qui font chanter l’histoire de
l’Eglise : François d’Assise et Ste Claire,
Thérèse d’Avila et St Jean de la Croix et surtout
François de Sales et Ste Jeanne de Chantal.
Ces amitiés
spirituelles montrent bien que la
vie mystique
ne fait pas des saints des êtres désincarnés,
mais qu’elle consacre
à la paternité et la maternité
ceux qui font les
vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.
La pauvreté fait entrer dans le mariage mystique de la foi.
La chasteté engage, homme et femme, dans la paternité
spirituelle d’une sexualité consacrée à la
charité.
L’obéissance engage dans l’absolu de la liberté
dont la virginité est le point culminant de l’espérance.
Aujourd’hui,
plus que jamais, l’Esprit invite à la mission les
chrétiens qui veulent donner un sens à leur vie. Si
l’Eglise
a sa place au cœur du monde,
c’est pour répondre aux appels pressants qu’il
nous envoie. Les grandes misères nous interpellent : les
guerres déchirent des populations, la tyrannie du plaisir
favorise des drames en séries du divorce à la
délinquance, de la prostitution au sida, de l’alcoolisme
à la drogue.
L’Evangile
nous montre combien l’annonce du Royaume de Dieu s’accompagne
du ministère
de guérison opéré par Jésus.
Comme Marie Magdeleine de la Croix, Mère Térésa
de Calcutta et Sœur Emmanuelle du Caire nous désignent
le champ d’apostolat qui demande des engagements vitaux et
absolus au service de l’humanité. L’appel de Dieu
retentit à travers les événements, comme nous
l’ont rappelé les prophètes d’Israël.
C’est
dire combien l’Evangile
est d’actualité
et que Jésus de Nazareth n’est pas le doux rêveur
qui arrache un sourire condescendant pour les chrétiens bien
braves avec leur charité. Les appels de l’Abbé
Pierre sont encore vivants et demandent aux chrétiens de
rejoindre Jésus sur le chemin d’Emmaüs. Marie
Magdeleine est passée de son habitation à la Rivière
des Pluies, du Torchis à la Providence en s’inscrivant
dans la
lignée des fous de Dieu :
qu’elle suscite les jeunes pour la moisson et pour la vigne du
Seigneur.
Chronologie de la vie de Mère
Marie Magdeleine de la Croix
. 1810
(2 Juin) : Naissance de
Marie Françoise Aimée Pignolet de Fresnes au Désert,
St-André.
. 1812 : Confiée à sa tante et
installation à Niagara, Ste-Suzanne.
. 1817 : Confirmation
par Mgr. Perrocheau, Vicaire Apostolique de Su-Tchen (Chine).
. 1818 : Achat de deux tableaux de Jésus
portant sa croix et crucifié.
. 1823 :
Première communion
le 18 Mai.
. 1829 : Migraines et démangeaisons -
Agrégation à la Confrérie
de Sacré-Cœur de Jésus.
. 1832 : Faillite de son oncle. Installation à
St-André. Port du Scapulaire
du Carmel.
. 1833 :
Catéchisme à une esclave.
Nouvelle maladie.
. 1835 : Rencontre de Frédéric Le
Vavasseur séminariste. Retour au Désert.
. 1836 : F. Le Vavasseur entre au Séminaire
de St-Sulpice et rencontre François Libermann.
. 1837 : Maladie et
mort de sa tante, Mme Mézières de Lépervanche.
. 1838 : Longue maladie.
. 1840 :
Maladie de son père qui revient à la piété :
au décès de celui-ci, le 15 Octobre,
Aimée
fait le vœu de se consacrer totalement à Dieu.
Elle reprend le catéchisme
pour les esclaves.
. 1842 : Mariage de
sa nièce Maria de Lépervanche à Léon de
Villèle en Mai.
Arrivée
du Père Le Vavasseur, de l’Institut missionnaire du
St-Cœur de Marie, 10 Juin.
Aimée
se donne un premier règlement de vie. Maladie pulmonaire en
Octobre.
Elle garde la robe noire de deuil portée
après la mort de son père.
. 1844 : Idée de création d’une
maison pour les infirmes et les vieillards. Mort de L. de Villèle.
. 1845-1848 :
rencontre à Quartier-Français à partir de ce
projet avec le P. Le Vavasseur, mais
Avec Marie-Anne, Maria et
Aimée, germe l’idée d’une congrégation
religieuse.
. 1848 :
Abolition de l’esclavage
décrétée pour le 20 Décembre.
Le P. Le Vavasseur veut ouvrir cette
maison pour le mois d’octobre.
. 1849 :
Décision de l’installation d’Aimée à
la Rivière des Pluies.
Le 21 Février, elle en fait part
à sa famille et
le 15 Avril, elle quitte le Désert et s’installe, le 16,
au nouveau Couvent.
Le
19 Mai 1849 FONDATION des FILLES de MARIE : Aimée
prononce ses vœux devant
Mgr. Poncelet et
prend le nom de MARIE MAGDELEINE de la CROIX pour la vie.
Juin-Juillet :
voyage du P. Le Vavasseur à l’Ile Maurice avant de
rejoindre la France.
Le P. Collin assure la direction spirituelle des
Filles de Marie.
. 1850 : Erection des
Diocèses Coloniaux sous juridiction de l’Archevêque
de Bordeaux.
. 1851 : Arrivée
de Mgr. Julien Florian Desprez, évêque de Saint-Denis.
Visite du couvent par
Mgr. Vérolles, Vicaire apostolique de Cochinchine.
1er
Novembre, profession religieuse des premières
novices des Filles de Marie.
. 1852 : Fondation de
la première Communauté à Bel-Air, le 25 Mars.
Marie-Anne entre au couvent le 14 Décembre.
. 1853 : Vœux
de Marie-Anne, le 17 Janvier, sous le nom de Mère
MARIE-THERESE de JESUS.
Le
20 Mai, le P. Collin part pour la France : le P. Blampin lui
succède.
En Juin, installation de la Communauté de
Saint-Gilles.
. 1854 : le P. Jaouen
(jésuite) demande des Sœurs pour La Ressource :
projet sans suite.
Mgr. Collier demande des Filles de Marie pour
Maurice.
. 1855 : Visite du P. Laval au couvent de la
Rivière des Pluies.
. 1856 : Soins aux
engagés malgaches au Butor. Installation à St-Bernard
de la léproserie.
23 Novembre : pose
de la première pierre du couvent de La
PROVIDENCE.
10 Décembre : fondation de la Maison de
Bethléem à Saint-Benoît.
. 1859 :
8 Septembre, transfert de la Maison-Mère à la
Providence de Saint-Denis. Arrivée
A pied à 2 heures du matin. 16 Octobre :
bénédiction solennelle de la Maison-Mère.
. 1860 : 30 Novembre, envoi
de Filles de Marie pour Zanzibar où
elles arrivent le 22 décembre.
. 1862 : Mère Marie Magdeleine perd sa
maman le 9 Février.
. 1863 : Arrivée des Sœurs
Réparatrices à Saint-Denis.
. 1864 : 8 Janvier,
Voyage à Maurice en vue de l’implantation d’une
communauté.
Visite de Mère Marie-Thérèse
de Jésus à Zanzibar (Août) et à Maurice
(Octobre).
. 1865 : Difficultés pour l’installation
des Filles de Marie à Grand-Port (Maurice).
. 1868 : Mort de Mère
Marie-Thérèse de Jésus le 2 Avril.
. 1870 : Mgr. Maupoint remet au Pape 5 pièces
d’or données par les Filles de Marie.
. 1873 : Paludisme en Mars et chute en Novembre.
. 1874 : Nouvelle crise de fièvre. –
25° anniversaire de la Fondation : 19 Juin.
. 1875 : reçoit les derniers sacrements,
23 Janvier. Trombe d’eau et dégâts à la
Providence.
. 1876 : persistance de la fièvre…des
années douloureuses.
. 1881 : Le P. Le Vavasseur, 3° Supérieur
Général des Spiritains.
. 1882 : 16 janvier, mort
du P. Le Vavasseur.
. 1887 : Scission
entre les communautés de Maurice et celles de la Réunion.
Conflit entre Mgr. Meurin et la Mère
Générale.
. 1889 :
27 Janvier, mort de la Mère Marie Magdeleine de la Croix.
31 Janvier, service
solennel à St-Jacques par Mgr. Fuzet.