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L’INCULTURATION
Notes prises au cours d’une
émission à la télévision sur ce thème
Qu’est-ce
que l’inculturation ?
Le mot inculturation comprend deux parties : « in »
et « culture ». (In), cela veut dire (dans).
L’inculturation c’est donc faire entrer quelque chose
dans la culture. Pour nous chrétien, l’inculturation
c’est faire
entrer l’Evangile dans les cultures
pour les éclairer à partir de la Parole de Dieu. Dans
l’Eglise, l’inculturation va dans les deux sens. Il
s’agit d’enraciner l’Evangile dans la culture. Mais
aussi d’éclairer et de transformer la façon de
vivre l’Evangile à partir des valeurs culturelles, dans
un milieu déterminé. Enrichir la façon de vivre
l’Evangile par les cultures locales.
Qu’est-ce
que la culture ?
La culture c’est plus que les coutumes ou les façons de
vivre d’un peuple ou d’une société. C’est
le but de la vie, et le sens que l’on donne à ce que
l’on vit, et aussi la conception de la mort. Cela est marqué
par la façon de vivre ensemble et surtout par les valeurs.
Ainsi, il y a ce qu’on appelle les valeurs traditionnelles :
le sens de l’honneur, le sens de la communauté,
l’accueil de l’étranger, etc.C’est donc tout
l’ensemble des idées qui font la vie en société,
ce que l’on peut appeler aussi la civilisation.
Le
fondement de l’inculturation c’est Jésus Christ
lui-même.
Jésus a été un homme de son peuple, un vrai
juif, respectant non seulement sa religion mais aussi sa culture et
même ses coutumes traditionnelles. Mais en même temps,
quelqu’un qui a transformé en profondeur la culture à
partir de l’Evangile. Il n’a pas eu peur d’affirmer :
« les
anciens vous ont dit, moi je vous dis ».
Et de donner un sens beaucoup plus profond aux dix commandements de
Dieu, dans le Discours sur la montagne (Matthieu 5 à 7). Et
aussi par exemple pour retrouver le vrai sens du mariage, dans sa
discussion avec les pharisiens (Matthieu 19). Les pharisiens lui
disent : Moïse a permis à l’homme d’écrire
une lettre de divorce, pour renvoyer sa femme. Jésus défend
la dignité et le respect de la femme. Et Il le fait en
renvoyant aux origines donc aux valeurs traditionnelles en disant :
« Au
commencement, il n’en était pas ainsi ».
Il revient donc à la Parole de Dieu depuis le début du
monde. Et à ce que Dieu a voulu pour le mariage. La nouvelle
façon que Jésus propose de vivre toutes les cultures,
ce sont bien sûr les Béatitudes (Matthieu de 5 à
12). Jésus nous appelle donc à être des hommes et
des femmes pleinement de notre peuple, vivant
le mieux possible notre culture mais dans l’esprit de
l’Evangile.
Et en cherchant ce que Dieu a voulu profondément pour nous.
-Une
question : Est-ce
que la culture est une bonne terre, pour la Parole de Dieu ?
Oui bien sûr, puisque c’est Dieu qui a créé
l’homme. Et Il a créé l’homme pour vivre en
société. La culture vient donc de Dieu. Mais la société
est marquée par le péché. C’est pourquoi,
l’homme a besoin de se convertir, de changer son cœur et
sa façon de vivre. Et la culture a besoin d’être
transformée en profondeur par l’Evangile.
Comment
vivre les valeurs traditionnelles dans le monde actuel ?
Et pour les chrétiens, en vivant le mieux possible l’Evangile.
En effet, nous ne vivons plus comme autrefois. Le problème
c’est de voir d’abord comment vivre nos valeurs
culturelles dans le monde moderne actuel. Par exemple, pour
l’hospitalité et la dimension communautaire. Lorsqu’on
habitait au village on avait de la place, on avait une grande cour,
on pouvait accueillir une cinquantaine de personnes sans problème.
Mais lorsqu’on habite au 4ème
étage dans un deux pièces cela n’est plus
possible. De même, un proverbe dit :
« Quand tu reçois un étranger ou un parent,
tu le nourris le premier jour. Le deuxième jour, tu lui donnes
une houe pour qu’il vienne travailler au champ avec toi ».
Cela était possible autrefois, lorsque tout le monde était
paysan. Mais si maintenant tu es par exemple chirurgien, tu ne peux
pas amener ton neveu avec toi pour faire des opérations à
l’hôpital : il va tuer tout le monde. Pourtant, nous
ne pouvons pas vivre sans avoir une culture, et il est essentiel de
garder les valeurs traditionnelles qui sont les nôtres. Alors
comment garder, par exemple, l’hospitalité, le respect
de l’étranger et le sens communautaire dans le monde
actuel ? Comment
être de vrais sénégalais qui garaent nos valeurs
traditionnelles, mais des sénégalais modernes, ouverts
aux valeurs actuelles. Et en même temps des sénégalais
chrétiens, lorsque c’est le cas. Nous n’avons pas
de solution toute faite. Autrefois, il suffisait de vivre comme ceux
qui nous avaient précédés, il n’y avait
plus de problème. Mais maintenant le monde a changé, on
ne peut plus vivre comme autrefois. Alors, que faire ?
Il nous faut chercher ensemble. Nous n’avons pas
de modèle à suivre. C‘est pourquoi beaucoup
de gens se sentent perdus, et ne savent plus comment vivre. Ce
sont d’ailleurs plutôt des valeurs rurales. Elles étaient
vécues également dans les autres continents, dans le
monde rural. Ce serait donc important de vivre cette recherche,
ensemble avec les autres pays du monde.
Une
première étape, c’est déjà de vivre
ensemble nos valeurs traditionnelles africaines.
Car, par exemple au Sénégal, il y a plusieurs cultures,
une propre à chaque ethnie : diola, sérère,
ouolof, toucouleur, mancagne, peulh, bambara etc. Mais il y a quand
même une base commune, des valeurs qui sont reconnues par
chacun, et des proverbes que l’on rencontre dans ces
différentes ethnies. Il est donc possible de vivre ensemble
des valeurs que l’on appelle africaines. Pour vivre ensemble
les valeurs des différentes cultures du pays, l’un des
premiers moyens pour
les chrétiens c’est la CEB,
la Communauté Ecclésiale de Base. En effet, dans la
communauté chrétienne de quartier, on retrouve des gens
des différentes ethnies qui se retrouvent ensemble, prient
ensemble et cherchent ensemble à répondre à la
volonté de Dieu. Il y a là une base très
importante pour vivre nos valeurs traditionnelles inter africaines
dans la foi. Mais cela demande bien sûr le respect de l’autre,
dans sa culture et dans sa différence.
Nous
ne pouvons pas rester enfermés dans notre culture
particulière. Car maintenant nous vivons au niveau
international, aux dimensions du monde. Nous sommes marqués
par le monde extérieur,avec
tout ce qui nous arrive par la radio, la télévision,
les artistes mais aussi le développement économique. Il
y a deux choses à faire. D’abord faire un tri, voir
ce qu’il y a de positif
et de valable pour nous, pour l’accueillir. Mais rejeter ce qui
nous semble négatif, et peut nous ramener en arrière ou
casser notre culture. Cela demande un effort de réflexion
important. Dans une deuxième étape, voir comment
vivre ces valeurs dans notre société à
nous,selon notre
propre culture, donc à notre manière. Il ne s’agit
pas de copier matériellement, et même bêtement les
façons de vivre de l’Europe, de l’Asie ou de
l’Amérique. Mais très souvent, pour raisons de
facilité, par laisser aller ou par soif du pouvoir et de
l’argent, on a souvent tendance à prendre dans les
autres cultures, non pas ce qu’il y a de meilleur car c’est
exigeant, mais ce qu’il y a de moins bon. C’est dans ce
sens que j’ai parlé de tri, sur ce qui vient de
l’extérieur. Il est donc important de rentrer en
soi-même. Cela est vrai en particulier pour les jeunes,
spécialement au moment de l’adolescence. Ils tendent à
copier ce qui vient de l’extérieur : les manières
de s’habiller, de chanter, de danser et de vivre. Il s’agit
de réfléchir sérieusement, de descendre en
profondeur jusqu’au fond de notre cœur pour nous
demander, qu’est-ce que nous cherchons vraiment ? Et
qu’est-ce qui va nous rendre vraiment heureux ?
Il
n’est pas question de faire de l’ »anthropologie »
ou du retour en arrière, pour vouloir vivre comme autrefois.
D’ailleurs la vie moderne a beaucoup d’avantages, dont il
est important de profiter. Il ne faut pas non plus rêver,
ou idéaliser
le monde traditionnel. Ainsi, on dit souvent qu’en Afrique on
respecte la vie. Mais on voit qu’actuellement, il y a de
nombreux avortements et même des infanticides. De même,
on disait que la femme était respectée, mais il y a
beaucoup de violences contre les femmes, et de viols sur les jeunes
filles, et même les femmes mariées. On ne peut donc pas
se contenter d’incantations et de grands discours sur les
sociétés traditionnelles, il s’agit de chercher
comment éduquer,
responsabiliser et conscientiser les gens :
qu’ils vivent ces valeurs traditionnelles dans le monde actuel
et luttent contre tout ce qui tend à tuer ces valeurs
traditionnelles. Pourtant, ces valeurs restent au fond de notre cœur,
c’est le désir profond de ce que nous cherchons. Ce
qu’il faut c’est les réveiller, et voir comment
les vivre aujourd’hui.
Pour
les chrétiens, c’est là que nous retrouvons
l’importance
de la prière.
Non seulement réciter des prières, mais écouter
le Saint-Esprit dans notre cœur. Et Lui demander de nous
montrer comment vivre en homme de notre temps, mais aussi en homme de
notre peuple, et en vrai chrétien d’aujourd’hui,
comme Il le désire. Jésus disait : « Je
suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jean
14,6). EtIl ajoutait : « La
Vérité vous rendra libre »(Jean
8,2).Prenons
un seul exemple. Dans la société traditionnelle, les
rêves ont une
très grande importance. Faut-il tenir compte de ces rêves,
et comment les interpréter ? Paul nous en donne les
moyens quand il parle des fruits de l’esprit (Galates 5, 22) :
« ce que
l’Esprit Saint produit c’est l’amour, la joie, la
paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la fidélité,
la douceur et la maîtrise de soi. »
Si je fais un rêve, je me demande : est-ce que ce rêve
m’apporte la paix ? Ce qu’il me demande, est-ce
l’amour ? Est-ce qu’il me donne la maîtrise de
moi-même, ou au contraire il me conduit dans la peur, les
accusations des autres ou des mauvaises choses ? S’il me
demande l’amour, et m’apporte la paix et la maîtrise
de moi, il vient de Dieu. Je cherche alors à faire ce à
quoi ce rêve m’appelle, en essayant de l’interpréter
selon la volonté de Dieu. Mais s’il m’enlève
la paix et la maîtrise de moi, s’il me demande des choses
qui sont contre l’amour, alors ce rêve ne vient pas de
Dieu. C’est ainsi que dans les différents domaines, la
Parole de Dieu nous permet de faire la vérité,
d’éclairer notre culture et de savoir comment nous
conduire.
Inculturer
nos communautés chrétiennes : Depuis
le Concile Vatican 2, on parle de l’inculturation. Le Pape Jean
Paul II en particulier y a beaucoup insisté, mais en faisant
remarquer qu’il faut beaucoup de sagesse pour y arriver, et
beaucoup de temps. Car c’est un chemin difficile. Jusqu’à
maintenant,l’inculturation se limite trop souvent aux chants et
aux danses dans la liturgie. Est-ce qu’on ne doit pas aller
plus loin ? L’inculturation doit se vivre d’abord
dans la CEB, la
communauté chrétienne de quartier. Il est important de
tenir nos réunions, comme les anciens nous l’ont appris
dans le palabre, en donnant la parole à tous, en donnant leur
place aux sages et aux conseillers, et en organisant l’animation
de la CEB. C’est ainsi que nous avons mis en place une équipe
d’animation de la CEB composée de quatre personnes, et
non pas seulement un président. Quelles sont ces quatre
personnes ? Ce sont un homme et une femme, un jeune homme et une
jeune fille. Pourquoi cela ? Pour respecter l’organisation
traditionnelle en classe d’âge,
et aussi la séparation sexuelle traditionnelle des hommes et
des femmes. Pour que chaque groupe puisse apporter ses propositions
et s’organiser pour prendre ses responsabilités.
Pour
en revenir à l’Eucharistie, j’ai connu au Congo la
mise en place de ce qu’on a appelé ensuite le rite
zaïrois, c’est-à-dire la célébration
de l’Eucharistie en suivant la démarche de la rencontre
traditionnelle au village, et en famille. Dans
les rencontres traditionnelles au village,
d’abord on se salue, puis on se donne les nouvelles, ensuite on
se réconcilie. C’est seulement ensuite que l’on
offre le sacrifice traditionnel aux ancêtres, et que l’on
mange ensemble l’animal sacrifié. Les rites zaïrois
et congolais reprenaient cette démarche. D’abord
l’accueil au début de l’Eucharistie, avec le « Je
crois en Dieu », pour se rappeler notre foi et pourquoi on
est là. Ensuitele partage de la Parole de Dieu. Et seulement
après, la prière pénitentielle, la
réconciliation, à partir de cette Parole de Dieu que
l’on a entendu. Lorsqu’on s’est réconcilié,
alors on peut offrir le sacrifice.
Au
Congo, j’ai également participé à la mise
en place des scholas populaires. Qu’est-ce que c’est ?
Il ne s’agit pas de chorale chantant à la messe des
chants polyphoniques, mais des
chorales populaires
composées de gens pour la plupart analphabètes. Ils
chantent tous ensemble par cœur, des chants composés
spécialement pour animer les rites de naissance, les mariages
traditionnels, les veillées mortuaires, les levées de
deuil, et autres cérémonies traditionnelles. Cela dans
le but d’évangéliser. Et de remplacer, par
exemple, les chants traditionnels au moment de la mort, qui étaient
des chants d’accusation pour rechercher les coupables de cette
mort, par des chants de confiance, de paix et de foi. Ces scholas
populaires ont énormément travaillé pour le
changement de mentalités, l’évolution de la
culture, et l’évangélisation. Et pour faire
grandir la foi.
Dans
les CEB, il est important également de faire un véritable
partage de la Parole
de Dieu. Alors que
trop souvent ce que l’on appelle partage d’évangile
est remplacé par un discours ou une conférence du
président, faite en français. Ce dont il s’agit,
c’est que chacun puisse dire ce qu’il comprend de la
Parole de Dieu du jour, quel que soit son âge. Et dans
sa propre langue,
s’il ne possède pas bien le français. Là
aussi se situe le problème. Par exemple, je ne comprends pas
qu’à Dakar il n’y ait pratiquement pas de messe en
wolof. On ne peut pas célébrer la messe dans les
différentes langues du Sénégal,mais le wolof est
devenu la langue populaire de tout le monde, alors que beaucoup de
gens ne possèdent pas vraiment le français. Pourquoi
continue-t-on à célébrer les messes seulement en
français ?
Et
pas seulement les messes, mais aussi
les sacrements.
Ainsi on célèbre les baptêmes, les mariages et
les enterrements non seulement en français, mais avec le
rituel français, en oubliant, et donc en méprisant
totalement nos rites et nos traditions, et toutes nos richesses
culturelles. Alors que des choses très simples pourraient déjà
se faire. Ne serait-ce qu’au lieu de mettre un tissu noir sur
le cercueil, mettre un pagne mandjaque, si c’est quelqu’un
de cette ethnie. Mais nous restons à l’extérieur
des choses. C’est pour cela que souvent, au
moment des enterrements
même chrétiens, on passe d’abord à la
maison. On y fait un sacrifice traditionnel où l’on tue
un animal, lorsque ça ne va pas jusqu’aux accusations et
à la recherche de celui qui est le responsable de la mort,
avant de venir à l’église. Que signifie alors
notre célébration ? Après l’enterrement,
les gens viennent aux condoléances. Et quand ils ont fini de
manger, ils s’en vont en laissant la famille non seulement très
appauvrie à cause de toutes ces dépenses énormes,
mais aussi abandonnée à elle-même. Comme si ces
chrétiens ne faisaient pas partie de la famille chrétienne,
qu’est la CEB. Et ce sont souvent là aussi les disputes
pour l’héritage, les souffrances imposées aux
veuves, les enfants qui sont renvoyés, etc. Nous avons demandé
à nos CEB d’envoyer l’une ou l’autre
personne chaque jour après l’enterrement, pour prier,
parler et consoler les personnes en deuil. Pour qu’elles
puissent vivre ce deuil dans le respect de leurs traditions, mais en
rejetant ce qui est contre l’amour et la paix. Et en vivant ce
deuil comme l’Evangile nous le demande. Cette réflexion
n’est pas vraie seulement pour les CEB, mais pour tous
les groupes et mouvements chrétiens. Ainsi,
nous avons lancé un groupe de réflexion au sujet des
veuves, en lien avec le Conseil Paroissial et l’Association des
Femmes Catholiques (malheureusement, il n’y a pas d’Association
des Hommes Catholiques !). Car même si les coutumes sont
différentes d’après les ethnies, dans la plupart
des ethnies on fait souffrir les veuves. Il est important de
christianiser et de faire évoluer ces coutumes.
De
même, au moment du mariage,
nous demandons à chaque famille d’introduire les futurs
mariés un par un dans l’Eglise, mais aussi de leur
donner des conseils et ensuite leur donner la bénédiction
traditionnelle dans leur propre langue. Pour bien montrer qu’ils
acceptent ce mariage et qu’ils vont le soutenir. Car le mariage
ce n’est pas seulement l’union d’un homme et d’une
femme, c’est l’union de deux familles. Il est important
que l’alliance traditionnelle faite au moment du mariage
coutumier soit reconnue, valorisée et évangélisée,
et donc bénie et consacrée, au moment du sacrement de
mariage. De même à l’offertoire, nous demandons au
mari de remettre une calebasse à sa femme, avec un certain
nombre d’objets qu’il a mis dedans, pour montrer sa
volonté de prendre en charge sa femme et de l’aimer. Et
ensuite, la femme va déposer cette calebasse au pied de
l’autel, pour montrer qu’ils veulent vivre leur mariage
dans la foi. Il y a ainsi de nombreux gestes simples et rites
traditionnels pleins de sens, que l’on peut reprendre. Et qui
enrichiraient énormément notre liturgie et lui
donneraient un sens beaucoup plus profond, et plus parlant à
tous (voir l’autre
document).
C’est
pour cela que nous avons composé également un
livre de célébration
pour la naissance, le mariage coutumier et les fiançailles,
les prières pour les malades, les enterrements, les prières
pour les veuves, etc. Car la plupart de temps, les chrétiens
célèbrent la naissance selon les rites traditionnels de
leur ethnie, sans même lire une Parole de Dieu, et sans une
prière chrétienne. Et sans inviter la famille
chrétienne du quartier (la CEB). Pourtant nos évêques
aux cours des 2 synodes spéciaux pour l’Afrique ont bien
insisté, en disant que l’Eglise est une famille, la
famille des enfants de Dieu. On attend le baptême pour prier
pour l’enfant, alors que parfois il a déjà trois
à quatre ans, et qu’il n’a été ni
béni à la naissance, ni éduquer dans la foi.
C’est la même chose pour le mariage traditionnelle :
il n’y a pas de rencontre chrétienne, la CEB n’est
pas présente, ni même au moment des fiançailles.
Il n’y a pas de prières, ni d’enseignement à
partir de la Parole de Dieu, Les fiancés vivent selon leurs
coutumes. Et c’est seulement quand ils seront prêts à
faire le mariage religieux, souvent après plusieurs années,
qu’on va voir comment christianiser leur vie de couple et leur
vie de famille. C’est trop tard, ils ont déjà
pris leurs habitudes.
A
cause de ce manque d’inculturation, les chrétiens ne
comprennent pas non plus le sens du
sacrifice de la messe.
Alors que le sacrifice a une place très importante dans la
religion et la vie traditionnelle. Pourtant l’épître
aux Hébreux est claire à ce niveau-là. Dans le
sacrifice traditionnel on tuait un animal, on offrait le sang aux
ancêtres parce que la vie vient des ancêtres, et on
mangeait l’animal ensemble en signe de communion. N’est-ce
pas important que les chrétiens comprennent que manger le
poulet, la chèvre ou la vache sacrifiée ensemble peut
remplir notre ventre, mais que ce qui peut nourrir notre cœur
et notre vie, c’est seulement le Corps du Christ. Et que c’est
seulement le Corps du Christ, qui peut mettre une vraie communion
entre nous. De même que le sang qui était versé
dans les sacrifices traditionnels, comme d’ailleurs dans les
sacrifices d’Israël juif autrefois, ce sang-là ne
peut pas nous laver de nos péchés. Mais seulement le
sang que le Christ a versé sur la croix. Le sacrifice qui nous
sauve c’est le sacrifice de la mort et de la résurrection
de Jésus-Christ, l’Eucharistie. Mais faut-il encore
comprendre que l’Eucharistie est un sacrifice, et le sacrifice
de Jésus lui-même. Pour beaucoup de chrétiens, la
messe c’est seulement une prière, où certains
privilégiés reçoivent la communion. Ce n’est
pas un sacrifice.
L’enseignement
de l’Eglise :
Pour une véritable inculturation, il serait important de voir
comment vivre la Doctrine Sociale de l’Eglise, à la fois
dans notre culture traditionnelle et dans notre société
africaine actuelle. Et ne pas se contenter de citer des textes venus
de Rome, sans les adapter, les inculturer et les enraciner. Cela est
vrai d’abord pour la
catéchèse,
surtout lorsqu’elle est enseignée dans les écoles
avec des interrogations et des compositions, comme une matière
scolaire semblable au français ou à la géographie.
Alors que la catéchèse doit être une initiation,
dans une classe d’âge, et une découverte de Jésus
Christ pour l’aimer et vivre avec Lui. C’est bien pour
cela que le Concile Vatican 2 a rétabli les étapes du
baptême. Encore faudrait-il chercher comment les valoriser
davantage, et les vivre dans notre culture, pour que la catéchèse
soit une véritable initiation, qui était essentielle
dans nos cultures et la vie de la société. Et non pas
comme un simple enseignement et une simple connaissance. Cela suppose
bien sûr que
la CEB soit responsable
de cette initiation, et pas le catéchiste tout seul, comme un
enseignant. L’initiation était vécue par toute la
communauté traditionnelle. L’initiation chrétienne
doit être vécue dans la CEB, les catéchumènes
participant aux réunions de CEB, étant conseillés
et soutenus par les membres de la CEB, et en particulier les parents,
les parrains et les marraines. Et ce sont les membres de la CEB qui
doivent aussi les admettre aux étapes et aux sacrements. Et
non pas les catéchistes seuls, à partir d’une
interrogation écrite. Etant bien évident que les
parents et les parrains participent aussi à la vie et aux
activités de cette CEB.
Bien
sûr, encore une fois il y aura des choses à changer et à
faire évaluer, et surtout à évangéliser.
Par exemple, les bénédictions sont traditionnelles dans
le monde culturel africain. C’est le signe d’une certaine
confiance en Dieu, mais qui peut aller jusqu’au manque
de responsabilité.
Trop souvent on dit : « si Dieu le veut »,
ou bien : « c’est Dieu qui l’a voulu ».
Mais même dans la culture traditionnelle, il y a des choses sur
lesquelles nous pouvons nous appuyer, pour sortir du fatalisme ou de
la passivité. Un proverbe ouolof dit : « Ne
te contente pas de demander à Dieu, cultive ton champ ».
Et un autre dit : « Si tu veux que l’on t’aide,
on doit te trouver au travail ».
De même souvent, dans nos mouvements et nos associations, c’est
un seul qui veut diriger en disant : je suis le chef. Mais dans
la culture traditionnelle, le chef ne commandait jamais tout seul. Il
était toujours entouré d’un conseil des anciens,
dont il tenait compte. Ce sont des choses comme cela qui sont
importantes, et qu’il faut retrouver dans l’Eglise, pour
éviter le cléricalisme. Pas seulement des prêtres,
mais aussi de certains catéchistes, et responsables de CEB ou
de mouvements. Il y aurait encore beaucoup trop de choses à
dire. A chacun de continuer sa réflexion en communauté,
avec les autres.
Enracinement et
ouverture,dont
parlait le président Senghor. Prenons quelques exemples :
au niveau de l’amitié, des jeunes dès le CM2
cherchent à avoir leur
copain et leur copine.
D’un côté, cela permet de découvrir une
amitié mixte, et donc de se préparer à une vie
de couple vécue dans un véritable échange entre
mari et femme : partage des idées et soutien dans les
actions. Mais d’un autre côté, limiter ses
relations à un copain ou une copine au moment de
l’adolescence, n’est-ce pas un appauvrissement et une
perte de la dimension communautaire, qui est tellement importante
dans le reste de la vie. C’était la raison des classes
d’âge.Beaucoup de jeunes actuellement utilisent Face
Book. C’est
un progrès, cela permet des relations et une ouverture au
monde. Mais pourquoi trop souvent l’utilisent-ils ? Je ne
parle pas ici de pornographie, mais c’est trop souvent pour
envoyer des messages superficiels : salut, comment ça va,
j’aime, amen, sois béni etc. Et non pas pour un
véritable partage des idées. Ou simplement pour faire
passer des photos, où l’on se montre comme des stars
pour avoir l’air le plus beau possible, et se faire admirer.
Avec comme réponse, des commentaires admiratifs absolument
faux et creux. Les réseaux sociaux peuvent être une
opportunité très bonne, à condition que l’on
sache les utiliser aussi pour un enrichissement, et en gardant nos
valeurs. De même pour l’éducation
sexuelle.
Actuellement on parle partout de la sexualité,sans rien cacher
et même souvent sans respect. Dans la société
traditionnelle, par respect justement, on ne parlait pas de ces
choses-là. Ne faudrait-il pas unir les deux attitudes :
donner une véritable éducation sexuelle, pas seulement
une information, et qu’elle se fasse dans le respect, comme
dans la tradition. Bien sûr, cette éducation sexuelle se
faisait au niveau de l’initiation, dans les classes d’âge.
Et aussi souvent dans la famille par les oncles, les tantes ou les
grands-parents, pas par le père et la mère. Il faut
qu’ils s’y mettent ! Il y a certainement là
quelque chose de nouveau à chercher.Il y aurait encore
beaucoup trop de choses à dire. A chacun de continuer sa
réflexion en communauté, avec les autres. A la lumière
de l’Esprit Saint.
Père Armel Duteil
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