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LA NOUVELLE
EVANGELISATION
J’ai
été invité par une association de femmes
catholiques à réfléchir avec elles sur la
nouvelle évangélisation. D’abord nous nous sommes
demandés qu’est-ce que l’évangélisation.
Je ne vais pas reprendre ici tout ce que nous avons dit, je vous en
ai déjà souvent parlé, je me contente de vous
renvoyer à l’un de mes documents sur cette question. En
résumé, ce que nous avons dit à ce sujet c’est
que Jésus a aimé tous les hommes, sans rejeter
personne. Il est mort pour tous et l’Evangile est pour tous.
Dans la ligne de ce que Paul disait :
« le Christ ne m’a pas choisi pour baptiser mais
pour évangéliser » (1èreCor
1, 15-17) et il explique: « j’ai reçu la
grâce d’être ministre de Jésus Christ pour
les nations païennes, avec la fonction sacrée d’annoncer
l’Evangile de Dieu, pour que les païens deviennent eux
aussi une offrande acceptée par Dieu et sanctifiée par
le Saint Esprit ».
Cela veut dire qu’évangéliser ce n’est pas
baptiser. C’est permettre à tous ceux qui le veulent de
vivre les valeurs de
l’évangile,
de vivre à la manière de Jésus Christ, sans
distinction de race, de culture ni de religion. Cela ne fait pas par
des paroles et des discours, mais en vivant avec les autres dans
l’amitié, et en travaillant ensemble. A ce moment-là,
nous pouvons nous dire les uns les autres quelles sont les valeurs
qui nous font vivre. Et ainsi nous bâtissons ensemble le
Royaume de Dieu. A ce moment-là, les gens des autres religions
ne sont pas baptisés, mais ils sont évangélisés.
Ils ne sont pas dans l’Eglise, mais ils sont dans le Royaume de
Dieu. Jésus Lui-même le dit dans les Béatitudes
(Matthieu 5, 3-12) : « Heureux
les pauvres de cœur, le Royaume de Dieu est à eux.
Heureux ceux qui construisent la paix, ils sont enfants de Dieu ».
Et alors nous pouvons être heureux ensemble, comme les
Béatitudes nous le proposent.
Nous
nous sommes demandés ensuite : qu’est-ce
que la nouvelle évangélisation ?
On peut comprendre ce mot dans trois directions : 1) La nouvelle
évangélisation, cela peut être évangéliser
les chrétiens qui ont oublié le chemin du Christ, et ne
vivent plus l’Evangile.
2)
On peut la comprendre comme évangéliser des personnes
nouvelles qui n’ont pas encore entendu parler de Jésus
Christ.
3)
Enfin, on peut comprendre la nouvelle évangélisation
comme chercher des nouvelles manières de faire vivre
l’Evangile, plus adaptées à notre situation
actuelle. Pour éclairer les nouveaux secteurs de vie qui sont
apparus dans la vie moderne. Car le monde a changé et la
société avance.
Saint Jean Paul II a dit : « La
commémoration du demi-millénaire d'évangélisation
de l’Amérique Latine aura sa pleine signification dans
la mesure où elle est un engagement [...] non de
ré-évangélisation, mais d'une nouvelle
évangélisation : nouvelle
en son ardeur, dans ses méthodes, dans son expression »,
Pour
évangéliser notre société,
nous avons noté d’abord qu’il est important de
participer aux actions
sociales qui sont
mises en place par le gouvernement C’est dans ces actions que
le Royaume de Dieu grandit, et que les gens peuvent acquérir
une dimension sociale qui va avec l’esprit de l’évangile.
Cela veut dire participer aux actions contre la violence, la drogue,
la prostitution. Participer aussi au plan du gouvernement pour la
formation des jeunes filles, contre le chômage et pour
l’emploi des jeunes, pour le développement du monde
rural etc. Nous formons aussi les gens pour qu’ils s’inscrivent
à la CMU (Couverture Médicale Universelle) mise en
place par l’Etat, pour prendre en charge les consultations, les
opérations, les soins et les médicaments. Et pour que
tous puissent également profiter des soins gratuits pour les
césariennes, pour les enfants de 0 à 5 ans, les
handicapés (carte d’égalité des chances),
les personnes âgées (Plan Sésame). Sans oublier
les bourses familiales pour les familles nécessiteuses. Tous
ces programmes vont dans le sens de l’Evangile. Mais nous
savons bien que souvent ces projets ne sont pas mis en place
effectivement. Ou que les avantages sont récupérés
par quelques personnes privilégiées, qui sont bien
placées ou qui sont du côté du parti au pouvoir.
L’évangélisation ce sera donc agir pour que
toutes ces actions de l’Etat soient vraiment au service de
tous. Et également pour que les actions menées par les
commissions sociales des mairies, les commissions pour les jeunes et
les commissions pour les femmes cherchent à aider vraiment les
plus nécessiteux, ceux qui en ont le plus besoin :
qu’elles soient effectivement mises en place et qu’elles
ne soient pas détournées. Il s’agira aussi de
travailler en lien avec les dispensaires publics et les écoles
publiques, et pas seulement avec nos dispensaires ou nos écoles
catholiques.
La
nouvelle évangélisation nous demande également
de travailler avec les
ONG présentes dans
nos quartiers pour l’éducation à la santé,
la défense des femmes et des enfants victimes de violences,
l’alphabétisation, la transformation et la conservation
de nos produits agricoles et animaux. Tout cela fait partie de la
construction du Royaume de Dieu et de la nouvelle évangélisation.
Il s’agira de travailler également avec les
associations de
jeunes des
quartiers, les équipes de sport, les associations
socio-culturelles ASC, les groupes de thé et les organisations
de toutes sortes. Et de travailler avec les
associations féminines
non-chrétiennes, les syndicats, les organisations d’agents
de la santé et de l’éducation, les partis
politiques… C’est dans la mesure où nous sommes
vraiment présents dans ces différents groupes que nous
pourrons évangéliser. Jésus nous dit bien « Vous
êtes le sel de la terre »,
pas seulement le sel de la paroisse, « Vous
êtes la lumière du monde », du
monde tout entier, pas seulement de l’Eglise. Nous devons être
le levain dans la pâte, dans la société, et non
pas seulement entre nous chrétiens, ni à l’écart.
Nous veillerons à travailler en particulier avec les imams de
nos quartiers et les différentes organisations
musulmanes pour
travailler ensemble. Par exemple pour l’éducation, la
santé, la propreté des quartiers et l’environnement
et tant d’autres choses possibles.
Dans
le débat,
nous avons été amenés à parler de
beaucoup de choses. Si nous voulons évangéliser,
d’abord il est important que
nous vivions nous-mêmes
le mieux possible de l’Evangile, en commençant dans nos
familles et dans nos maisons, ensuite dans nos quartiers et dans nos
lieux de travail, sans oublier les loisirs et partout où nous
allons. Nous ne cherchons pas à faire des discours, ni à
convaincre les gens. Nous leur demandons d’abord de ce qu’ils
pensent de la façon dont nous vivions. C’est à
partir de là que nous pourrons ensuite expliquer nos raisons
de vivre, et nos raisons d’agir comme nous le faisons. Notre
Eglise est souvent
trop sacramentelle,
centrée sur elle-même et pas suffisamment engagée
dans la société.
Il
nous faut réfléchir
sérieusement aux actions menées.
Les jeunes se contentent trop souvent de fêtes (khawaré,
nguèl, yendoo, soirées dansantes etc…), même
dans les mouvements d’action catholique. Au niveau de la
paroisse, la fête patronale est souvent le sommet de l’année
avec beaucoup de dépenses. Il est important que nous
réfléchissions aussi au rôle des femmes
catholiques qui sont trop souvent utilisées pour des fêtes
et des manifestations, l’achat de tenues et des danses, au lieu
de réfléchir à ce qui se passe et d’agir
dans la société.
Une
des choses sur lesquelles nous devons chercher à intervenir
c’est la
violence. Cela
commence par l’éducation de nos propres enfants à
la maison, pour arrêter les violences verbales, les insultes,
les moqueries. C’est par cela que la violence commence. Cela
pose toute la question de l’éducation
chrétienne de nos enfants.
Non seulement venir avec eux à la messe le dimanche, mais les
aider à vivre en chrétien dans toute leur vie, en paix
et en union avec les jeunes des autres ethnies et des autres
religions.
Pour
une véritable nouvelle évangélisation, il nous
faudra également réfléchir à la vie et à
l’action de nos
CEB. Ce sont des
communautés de quartier qui devraient donc être engagées
dans les quartiers, avec tous. Elles se réduisent souvent à
de simples réunions de prières où l’on
récite le chapelet, sans s’occuper de ce qui se passe
autour de nous, et sans voir les pauvres et ceux qui souffrent.
Malgré les nombreuses formations données. Et les
prêtres aumôniers des CEB se contentent souvent d’aller
y célébrer l’eucharistie de temps en temps, au
lieu d’animer la CEB en lien avec le bureau des laïcs.
Il
s’agit aussi d’évangéliser
nos cultures, en
particulier pour les différentes étapes de la vie.
Souvent on attend le baptême pour prier ensemble pour les
bébés, on ne se rencontre pas en CEB au moment de la
naissance. La famille se limite aux rites
traditionnels de naissance,
sans même une prière et une lecture de la Parole de
Dieu. De même, quand un jeune homme et une jeune fille décident
de vivre ensemble, on attend plusieurs années pour prier
ensemble avec eux, jusqu’au moment où ils vont célébrer
le mariage religieux. On ne prie pas au moment des mariages
traditionnels, ni
du mariage civil. De même, quand il y a une mort, on se limite
à la veillée de prière et à
l’enterrement. Sans voir comment est vécu le
deuil dans la
famille touchée : comment évangéliser les
pratiques traditionnelles pour cesser les accusations, les disputes
et les recherches de responsable de cette mort ? Comment est
vécu le deuil, le partage de l’héritage et des
biens, et la situation de la veuve et des orphelins. Et comment prier
pendant tout ce temps, dans la maison du ou de la défunt(e).
On laisse souvent la famille toute seule : les chrétiens
ne la prend pas en charge ni personnellement ni en groupe et ne les
visitent même pas (CEB, Légion de Marie, Femmes
Catholiques…)
Nos
paroisses et nos groupes et associations se financent souvent à
partir des khaware et soirées dansantes. C’est l’alcool
qui fait vivre notre Eglise. Il est absolument nécessaire de
trouver d’autres
moyens pour
l’évangélisation et pour l’aide et le
soutien des pauvres. Et aussi réfléchir très
sérieusement à l’utilisation de l’argent
gagné, qui est la plupart du temps dépensé dans
les tenues, repas, sorties,, cotisations pour les manifestations des
autres groupes. Mais pas pour des formations, des petits projets de
développement, des actions pour Caritas et Justice, Paix et
Intégrité de la Création (JPIC) demandées
avec insistance par notre Eglise.
Les
CV-AV (mouvement des enfants) :
Les premiers évangélisateurs des enfants ce sont les
enfants eux-mêmes. Ce qui nous demande de les éduquer
dans la foi, de réfléchir avec eux pour savoir quels
sont leurs camarades, où ils se retrouvent et qu’est-ce
qu’ils font ensemble. Mais le mouvement ne sort pas pour agir
dans le quartier. On se retrouve seulement à la paroisse, et
plus pour faire de la catéchèse que pour former des
enfants missionnaires qui vont évangéliser leur milieu
de vie : famille, école et quartier. Les mouvements
d’action
catholique (JOC,
JEC…) n’existent pratiquement plus. Il n’y a
pratiquement pas d’action catholique adulte, mais seulement des
amicales, ce qui n’est pas du tout la même chose. Dans
quelle mesure ces amicales ont-elles le souci de l’évangélisation
de leurs différents milieu de vie ? Le scoutisme n’est
pas vraiment un mouvement d’éducation et d’engagement
dans la société et auprès des autres jeunes. Il
se contente souvent de rassemblements sans fin, de chants d’amusement
et non pas formateurs et animateurs et de services d’ordre. La
B.A., la loi scoute, l’engagement et la progressions (promesse,
étapes …) sont souvent oubliés. (J’en
ai parlé en détail plusieurs fois dans mes différents
envois)
Pour
l’association des femmes
catholiques, il est
absolument nécessaire de dépasser les fêtes et
les manifestations, et de se lancer dans l’action et les petits
projets : pas seulement gagner de l’argent pour
elles-mêmes mais pour aider ceux qui sont dans le besoin autour
de nous. Avec une attention spéciale pour les personnes âgées,
les femmes renvoyées et en difficulté, les jeunes
filles…
Le
Concile Vatican 2 a demandé de mettre en place dans chaque
paroisse une commission
Justice et paix.
C’est l’un des moyens essentiels pour une véritable
évangélisation : la justice, la paix et le respect
de la création. Mais ces commissions n’existent
pratiquement pas dans nos paroisses.
Cependant,
beaucoup de personnes et de groupes divers agissent avec beaucoup de
générosité. Mais ce qui manque souvent c’est
la formation, le choix des objectifs et des orientations,
l’organisation et la coordination des actions menées et
l’évaluation. Nous avons donné de nombreux
exemples de coopération
entre nos organisations chrétiennes, les organisations
sociales et ONG et les organisations musulmanes, comme par exemple :
le suivi et le soutien des gens qui se sont tombés dans la
drogue, avec l’association SOPPI DJIKO. On a donné aussi
l’exemple d’une paroisse qui a un représentant
officiel auprès de chacune des mairies. Ce qui permet une
collaboration dans les deux sens. Les Journées Mondiales de la
Jeunesse (JMJ) ont été une grande occasion cette année
pour travailler ensemble avec les autorités, les maires et les
imams, les jeunes des quartiers, les associations laïques ou
musulmanes. Il ne faut surtout pas arrêter ce courant qui est
absolument essentiel.
En
conclusion, nous avons rappelé non seulement les paroles mais
le témoignage de vie de
notre pape François qui,
par sa lettre LOUE SOIS-TU nous demande de travailler pour
l’environnement; qui nous demande d’aller vers ceux qui
sont loin, jusqu’aux périphéries comme l’évangile
nous le demande; d’avoir le souci de soutenir les pauvres et
les petits et de lutter contre la civilisation du déchet qui
traite souvent les gens comme des ordures. Le Pape François
nous demande souvent également de construire des ponts qui
unissent les hommes, et non pas des murs qui les séparent.
(On pourra lire en
complément la fin du document : « comment
vivre l’Avent », que j’ai envoyé vers
le 9 décembre, la quatrième partie : nous
accueillons le Royaume de Dieu. Bonne lecture à tous !)
Père Armel Duteil
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