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du P. Armel Duteil


ANIMATION DES PRISONS A DAKAR

Présentation de notre équipe

– Nous travaillons à Dakar au Camp Pénal des hommes (détenus déjà condamnés), à la Maison d’Arrêt des Femmes (en attente de jugement) et au Centre des mineurs. Nous avons mis en place différentes commissions de manière à répondre le mieux possible aux besoins des prisonniers. En effet, dans le passé, il n’y avait qu’une petite équipe autour d’un prêtre qui allait dire la messe chaque semaine pour les catholiques. Mais nous avons senti la nécessité de soutenir les détenus dans toute leur vie et de répondre au maximum aux besoins de tous, sans distinction . Nous avons donc fait appel aux personnes volontaires et nous sommes actuellement une cinquantaine de bénévoles qui travaillent dans les différentes commissions suivantes.


  1. L’ASSISTANCE JUDICIAIRE

  2. L’ASSISTANCE MATERIELLE ET SOCIO-ECONOMIQUE

  3. L’ASSISTANCE SPIRITUELLE ET LA FORMATION CONTINUE

  4. LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET LA REINSERTION

  5. LA CULTURE ET LA COMMUNICATION

  6. LA COMMISSION SANTE


Nous voulons ainsi répondre aux besoins divers de tous les détenus, dans tous les domaines et à tous les niveaux.

1.D’abord leurs conditions de vie et leur nourriture.

Cela implique un très lourd travail de la part de la Commission économique et sociale pour trouver des fonds, en particulier nourriture, habits et couvertures, produits d’entretien et d’hygiène, médicaments etc. Nous organisons pour cela des activités génératrices de revenus (AGR) et faisons appel à la générosité de nos amis et voisins. Nous devons dire que ces personnes sont vraiment généreuses, ce qui fait que nous arrivons à travailler, d’abord en comptant sur nos propres forces et en nous appuyant sur les possibilités locales. Mais bien sûr nous ne pouvons pas satisfaire tous les problèmes matériels, et d’ailleurs nous ne le voulons pas. C’est au gouvernement et à l’administration pénitentiaire de prendre leurs responsabilités dans ce domaine, mais un soutien est très important.


2. Au niveau santé, les besoins sont énormes. A l’infirmerie il n’y a pas de médecin, mais seulement un infirmier, et pratiquement pas de médicaments. Nous cherchons donc à nous procurer des médicaments en ville, et à trouver des médecins qui peuvent venir faire des consultations régulières bénévolement. Nous avons lancé le même type d’activités pour les soins dentaires. Nous sommes appelés régulièrement pour prendre en charge les kits nécessaires pour les opérations chirurgicales (environ 100 euros à chaque fois). Nous organisons aussi des rencontres de formation à la santé avec les détenus : hygiène, prévention, éducation sanitaire et formation par rapport aux maladies : sida, tuberculose etc.


3. Pour l’assistance judiciaire : depuis l’arrestation jusqu’aux différents jugements (appel, obtention de libération conditionnelle, de réduction de peines, de grâce etc.). Beaucoup de détenus n’ont pas les moyens de se payer un avocat. Nous avons contacté un certain nombre d’avocats qui acceptent de prendre en charge bénévolement l’un ou l’autre détenu dont le dossier est plus délicat et difficile, et qui n’a ni ressource ni soutien.Il n’est pas rare qu’après avoir fait plusieurs mois et même plusieurs années, en attente de jugement, on s’aperçoive que l’accusé est innocent et qu’il a été arrêté injustement.


4. Nous avons également mis en place un soutien psychologique à travers des rencontres personnelles et des séances d’écoute régulières. Et une animation culturelle : projections de film, conférences suivi de débats, alphabétisation et formations diverses.


5.La réinsertion

Nous préparons les détenus à leur sortie par une série de rencontres, pour voir comment ils vont pouvoir recommencer leur vie et travailler à l’extérieur. Nous préparons également leurs familles à les accueillir, ce qui n’est pas toujours facile. Nous cherchons enfin à mettre en place une réconciliation entre les détenus et leurs victimes. Mais cela est beaucoup plus difficile et nous n’y arrivons pas toujours. Les grandes distances ne facilitent pas non plus les contacts.


6.Le soutien aux familles :

Quand les détenus sont en prison, ceux qui souffrent le plus en fait, ce sont leurs familles. En effet quand le chef de famille est en prison, sa femme et ses enfants n’ont souvent plus rien pour vivre. Ils ne peuvent plus payer leur loyer et sont chassés de leur maison. Les enfants sont renvoyés de l’école car ils ne peuvent pas se procurer les fournitures et payer les cotisations diverses. Il n’y a pas d’argent pour leur acheter des médicaments et les soigner en cas de maladie. Nous avons mis en place une organisation pour trouver du travail aux femmes, filles et nièces des détenus, selon leur compétence, pour qu’ils puissent avoir le minimum pour vivre.

Dans ce domaine, une autre chose qui nous préoccupe, c’est le divorce. Un certain nombre de femmes abandonnent leur mari quand il se retrouve en prison. Nous essayons donc de parler avec ces femmes de détenus pour maintenir la stabilité des familles.


7.La formation professionnelle :

Dans la prison, il y a déjà des petits ateliers pour des détenus formés. Cela les occupe d’une façon utile et leur fournit un petit pécule, même s’ils ont parfois de la peine à récupérer leur argent à la sortie. Nous cherchons à faciliter les commandes et la vente de leurs produits. Mais pour nous poursuivons surtout un autre but. En effet dans les prisons, il y a un certain nombre de détenus qui ne connaissent pas de métier. Nous voudrions donc utiliser le temps qu’ils passent en prison pour leur donner la chance de se former, et ainsi trouver un travail à la sortie. Nous avons demandé à une association amie (Appel détresse) de nous trouver le petit outillage nécessaire pour démarrer cette action. Ils vont nous envoyer un container et la ministre de la justice nous a déjà promis l’exonération, pour ne pas avoir à payer les frais de douane. Nous n’avons pas les moyens de payer des formateurs pour ces ateliers que nous voulons lancer, mais des détenus compétents sont déjà volontaires pour former les autres prisonniers, par petits groupes et par métier.Pour démarrer nous pensons à 11 ateliers : soudure, électricité, petite mécanique générale, mécanique moto, reliure, sérigraphie, menuiserie, couture, sculpture, informatique et œuvres d’art (statues, tableaux, etc…). La prison prendra en charge l’électricité et l’eau ainsi que tous les produits et matériels de nettoyage et l’entretien des ateliers, de même que le mobilier nécessaire. Ce qui est déjà un très gros effort, vus la situation économique du pays et le budget plus que limité pour le secteur pénitentiaire. Nous voulons commencer par le Camp Pénal situé à Dakar, quartier Liberté 6. D’abord parce que c’est une prison où les détenus sont là pour une durée assez longue, ce qui leur donne le temps de se former suffisamment et sérieusement.


8.La communauté chrétienne

Nous avons aussi des rencontres spécifiques avec les chrétiens pour des partages d’Evangile, la catéchèse et la célébration de l’Eucharistie. Ces chrétiens se retrouvent en plus entre eux à l’intérieur de la prison les dimanches pour une célébration de la Parole et pour des prières et des formations religieuses. Mais nous parlons aussi avec eux de la vie en prison et des autres problèmes qui se posent, de même que de la vie du pays et du monde tout entier. En effet, il nous semble important qu’ils restent ouverts à ce qui se passe dans le monde. Nous cherchons avec eux comment ils peuvent être le sel de la terre et la lumière du monde à l’intérieur de la prison, en se soutenant mutuellement et en faisant de la vie en prison une occasion de réflexion et même de conversion. Ces chrétiens se retrouvent en plus entre eux à l’intérieur de la prison les dimanches pour une célébration de la Parole, pour des prières et des formations religieuses et des rencontres amicales.


De nombreux détenus nous disent, au moment de leur libération, combien ce séjour en prison a été pour eux un temps de réflexion, de reprise en main et le début d’une vie nouvelle.Voici ce que m'a écrit un prisonnier à sa sortie :" J'ai acquis une autre dimension spirituelle dans cette prison. Me voilà libre à présent et je voudrais mettre à profit mon temps libre au service des nécessiteux, à savoir faire partie des gens qui soient capables de rendre visite au nom de Justice et Paix  aux malades et aux détenus. Je suis disponible pour accomplir la catéchèse. Pour cela, je reste à votre entière disposition ».


– Nous avons aussi des rencontres avec les responsables religieux et les croyants musulmans et nous travaillons en coordination avec les autres groupes chrétiens. A Noël et à Pâques, nous célébrons ces fêtes, de même que les musulmans célèbrent les leurs, en prison. Nous responsabilisons chaque fois une paroisse à tour de rôle pour qu’ils trouvent les fonds nécessaires pour cela et qu’ils envoient une de leurs chorales pour animer la fête. Après l’Eucharistie pour les chrétiens, les détenus musulmans viennent nous rejoindre pour un repas suivi de partage, de chants, de danses et de théâtre préparés par les détenus eux-mêmes. C’est l’occasion, dans les discours, de faire comprendre un certain nombre de choses, mais aussi de donner la parole aux détenus devant les autorités et tous les invités.

9.Un travail en commun

Pour toutes ces activités, nous travaillons toujours en coordination avec les responsables, le service social et le personnel de la prison. Nous rencontrons également régulièrement les techniciens et conseillers du ministère de la Justice et de l’administration pénitentiaire et la ministre elle-même. Et aussi la direction des droits humains, les Assises nationales, la Société civile et un certain nombre d’ONG. Mais nous n’arrivons pas encore à travailler en coordination avec les autres ONG intervenant en prison, certaines associations voulant garder jalousement leur indépendance et certains responsables préférant « diviser pour régner », et profiter des uns et des autres, au détriment des détenus. Ce n’est pas toujours simple !

Nous rencontrons aussi régulièrement les chefs de chambre, pour un temps de discussion et de prises de décision. Généralement le personnel pénitentiaire traite les détenus d’une façon humaine. Le problème étant plutôt celui de la recherche de l’argent et de la corruption. C’est surtout dans les commissariats, au moment de l’arrestation, que les personnes sont frappées et traitées sans respect.


10.La formation

Nous sommes tous des bénévoles et cette action demande des connaissances. Nous cherchons donc à utiliser nos diverses compétences au maximum et nous organisons des formations régulières, en particulier sur les questions judiciaires et la formation à l’écoute. Nous avons aussi des temps de prières et de récollection entre nous pour reprendre notre action dans la prière et au niveau de la foi, et pour voir comment continuer l’action du Christ dans les prisons : « J’étais prisonnier et vous m’avez visité… Tout ce que tu fais au plus petit de tes frères, c’est à moi que tu le fais « (Matthieu 25, 36) ». « L’Esprit de Dieu repose sur moi, Il m’a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle de l’Evangile aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils vont être délivrés, que les aveugles vont voir et que les écrasés seront libérés pour annoncer une année de grâce de la part du Seigneur. C’est aujourd’hui que cette Parole de Dieu se réalise » (Luc 7, 14-21). Comme le disait une animatrice aux prisonniers le jour de Noel : »Il ne faut pas nous remercier d’être venus vous voir. En vous, nous avons rencontré Jésus Christ. C’est nous qui devons vous remercier !»

Armel Duteil


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