Les billets    
du P. Armel Duteil


Jeudi 8 Octobre 2015:

Retour à la prison des femmes de Rufisque. Cela me manquait. Après 3 mois d’absence, l’accueil est extraordinaire. J’en suis vraiment très ému. J’apprends la libération de certaines , et je fais la connaissance des nouvelles venues. J’en avais déjà rencontré certaines il y a 2 ou 3 ans, quand j’étais dans une autre paroisse et que j’allais à la Maison d’arrêt. Je suis particulièrement attentif aux petits enfants et à leur mère. Je commence à accueillir et à écouter les femmes qui ont le plus de problèmes. A part mon amitié, je n’ai pas grand-chose à leur apporter, surtout que certains bagages ne sont pas arrivés mais je peux au moins remettre un savon à chacune. Et je repars avec toute une liste de numéros de téléphone pour appeler leurs familles, partout dans le Sénégal mais aussi à l’étranger : Afrique du Sud, Colombie, Nigéria, Hollande, Philippines, Guinée Bissao, etc… Le fait de parler un certain nombre de langues me rend bien service. Je prends aussi le temps de parler avec le personnel pénitentiaire. Je n’ai plus de bic, la responsable du Service Social me donne le sien. Je luis promets des habits pour son bébé. C’est ainsi que nous nous rendons service mutuellement. Et les détenues m’invitent à rester manger avec elles !

(Vous avez dû recevoir un compte-rendu sur mon travail à la prison).


Mardi 13 Octobre :

Tôt le matin, après la messe, je prends mon vélo pour aller en ville, reprendre contact avec amis et associations. D’abord, je passe à la prison centrale où j’intervenais jusqu’à il y a deux ans. Je n’ai pas de rendez-vous et la directrice a changé. Mais la nouvelle me reconnaît, après quelques hésitations. En effet, nous avons travaillé ensemble à la prison de Saint-Louis, dans les années 90. Je peux donc revoir mes « anciennes » encore là et qui attendent d’être jugées, comme je peux aussi parler avec celles que je suis venu voir.


Jeudi 22 Octobre :

Après l’accueil et les premiers contacts, départ pour la prison des femmes, comme chaque semaine. Je n’arrive pas à rencontrer toutes celles qui veulent me voir, surtout qu’un bon nombre viennent d’arriver.

La prison est surchargée : il n’y a plus de matelas à mettre par terre, ni de place d’ailleurs pour les poser. Et nous sommes en pleine saison de chaleur. La vie en commun s’en ressent évidemment. Les nouvelles arrivées me demandent de prévenir leurs familles et de leur chercher des produits de première nécessité : savon, dentifrice, etc….


Jeudi 5 Novembre :

Comme chaque jeudi, je pars à la prison des femmes de Rufisque. Mais je dois attendre plus d’une heure avant de pouvoir les rencontrer, car il manque du personnel pour la surveillance. De ce fait, je n’ai pas le temps de recevoir toutes celles qui voulaient me parler. Des nouvelles détenues sont arrivées, aussi la prison est-elle surchargée. Et de plus la grande chaleur actuelle entraîne beaucoup de tensions. Je parle avec elles pour essayer de calmer les gens et d’apaiser le climat.



Jeudi 19 Novembre :

Visite hebdomadaire à la prison des femmes. Ces jours-ci, j’ai reçu un colis avec des savons, dentifrices et des médicaments. Cela va faire des heureuses. J’amène aussi une partie des lunettes que j’ai rapportées de France. Et surtout des messages reçus par Internet, et par téléphone, aussi bien pour les Sénégalaises que pour les étrangères. Leur grande souffrance à toutes, c’est d’être séparées et sans nouvelles de leurs enfants. J’essaie de remédier le mieux possible à cette souffrance. Et aussi à créer des liens entre elles, pour diminuer les tensions. Je suis frappé par leur volonté de s’entendre et de vivre ensemble, malgré les difficultés. En effet, la prison est absolument surpeuplée, car de nombreuses nouvelles sont arrivées. Elles dorment plusieurs dans le même lit, ou plutôt sur un matelas par terre. Et il fait encore très chaud, ce qui n’arrange pas les choses. A midi, je n’ai pas pu voir toutes celles qui voulaient me rencontrer, mais je dois m’arrêter, c’est le règlement. Avant de partir, je prends un moment pour parler avec la directrice et les gardiennes. Nous entretenons d’excellentes relations et j’apprécie aussi leur comportement très humain avec les détenues, malgré leurs conditions de travail difficile et le manque de moyens.


Jeudi 26 Novembre :

Visite à la prison des femmes. Aujourd’hui, c’est un peu compliqué d’inscrire les femmes, car un nouveau système de contrôle est mis en place. La directrice me fait part du coup de fil d’une directeur d’une autre prison des hommes, un peu plus éloignée. Il souhaite que j’intervienne dans son établissement également. Je vais commencer, mais il faudra mettre en place une équipe pour cela, aussi rapidement que possible. En attendant, ici, avec les femmes, je consacre cette visite spécialement aux étrangères pour leur donner les messages reçus par Internet et recueillir ce qu’elles veulent dire à leur famille. On se débrouille pour se comprendre en anglais ou en espagnol/portugais, sauf avec les Guinéennes dont je parle plusieurs langues, et les plus anciennes qui ont eu le temps d’apprendre le ouolof. J’essaie surtout de les aider à s’intégrer (ce qui n’est pas facile !), à comprendre la culture sénégalaise et à se faire des amies. Avec les musulmanes, nous parlons du grand pèlerinage de la Confrérie Mouride à TOUBA (Nord-Sénégal).


Jeudi 10 Décembre :

Comme chaque jeudi, je pars à la prison des femmes. Je dois attendre un bon moment car on est en train de régler la question des pécules. C’est important. En effet, les femmes ont un certain nombre d’activités (couture, teinture, tissage, tricot) : les produits sont vendus et cela leur procure un peu d’argent. Et en même temps elles se forment à des petits travaux, ce qui les aide à s’en sortir lorsqu’elles quittent la prison. Une bonne nouvelle : samedi, on va ouvrir un atelier de formation à la coiffure.


Au retour, je prends contact avec les responsables des aumôneries des autres prisons, pour prévoir une rencontre afin de coordonner nos actions.

Samedi 19 Décembre :

Visite à la prison des femmes. Nous sommes très heureux de nous revoir. Le point essentiel, ce sont les contacts avec les familles pour les fêtes de Noël et de fin d’année. Je vais avoir beaucoup de coups de téléphone à passer !

Nous anticipons la fête de Noël. Je suis venu accompagné de membres de la Caritas et deux jeunes spiritains en formation. Nous prenons le temps de nous saluer, puis je célèbre l’Eucharistie, à laquelle même la plupart des musulmanes assistent. Jésus et Marie sont souvent cités dans le Coran. De plus, nous sommes amis depuis longtemps maintenant, et elles savent bien que nous respectons leur foi. Et nous faisons tout ce que nous pouvons pour améliorer leur vie, les soutenir, les encourager et les conseiller Elles y participent, avec beaucoup de piété. Cette prière contribue vraiment à faire l’unité entre toutes.

Après la messe, les détenues nous présentent deux théâtres, dont l’un sur l’histoire d’une arrestation. Une façon de faire sortir leur souffrance et leur tristesse de leur cœur. Elles nous font revivre nos seulement leurs problèmes mais tout ce qu’elles font pour améliorer leur vie, se soutenir, s’encourager et se conseiller.

Nous anticipons Noël, en collaboration avec une association « Tendre Enfance » qui soutient les bébés et leurs mères en prison. En effet, quand une femme enceinte, ou avec un bébé, est arrêtée, son enfant reste avec elle jusqu’à 3 ans. Bien sûr, ce n’est pas un lieu de vie pour un bébé. Nous faisons ce que nous pouvons pour eux.

Enfin, nous remettons des cadeaux aux mamans pour leurs enfants. Ce ne sont pas des jouets, mais plutôt des savons, des couches, des habits et autres produits de première nécessité. Ensuite, nous partageons le repas tous ensemble et nous continuons dans la joie, les danses et la fête. Tout au long de la semaine, les activités continuent : accueil, soutien, visites

Jeudi 7 Janvier :

Après l’accueil de deux migrants et le nettoyage de ma chambre (elle en a bien besoin), je pars pour la prison comme chaque jeudi. Nous sommes heureux de nous revoir, car à cause des fêtes cela fait trois semaines que je n’étais pas venu. Donc les joies mais aussi les problèmes se sont accumulés. Je vais voir comment les solutionner peu à peu .




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