billet.   

NOTE SUR LES PRISONS AU SENEGAL

Il y a 37 prisons au Sénégal. Elles sont toutes très anciennes et donc dans un mauvais état. On promet de les réhabiliter, mais cela ne se fait pas rapidement. Même la nouvelle prison de Sébikhotane promise depuis longtemps, n’est toujours pas en état de fonctionnement.
Les conditions de vie dans les prisons sont très difficiles : surpeuplement, promiscuité, nourriture insuffisante, mauvais suivi médical, etc. malgré les efforts qui sont faits. Les députés ont voté une augmentation du prix attribué pour la prise en charge des prisonniers par jour, qui passe de 1000 frs à 1023 frs (tout compris : nourriture, santé etc.)
Des efforts sont faits pour la formation du personnel pénitentiaire et dans la pratique on constate davantage de respect des droits des détenus. Il est très important pour cela que le personnel pénitentiaire soit formé dans une école à part, et non pas dans une école de police ou une école militaire, car il s’agit d’éduquer et non p>as de réprimer comme cela est inscrit à l’entrée de la prison des hommes de Liberté 6 (camp pénal).
réinsertion qui devrait être préparée à l’avance pendant que le détenu est encore en prison. En particulier préparer son retour dans la famille car certaines familles refusent de les recevoir. Et plus de moitié des détenus libérés deviennent récidivistes, et rapidement se retrouvent à nouveau en prison.
Il serait important de revoir également les peines qui sont attribuées. Ainsi, je trouve absolument anormal que l’on mette en prison des femmes qui ont avorté, même si ce qu’elles ont fait est évidemment très grave. Les mettre en prison ne peut qu’augmenter leur souffrance et les pousser à la délinquance, en les faisant vivre avec d’autres criminelles. Si une femme a avorté ce n’est pas par plaisir, c’est parce qu’elle avait des problèmes graves. Elle a plus besoin de soutien que de punition et aussi d’éducation.
De même il faudrait revoir la proportionnalité des peines par rapport à la drogue. Suite à la loi Latif Guèye, on a criminalisé la vente et la consommation du yamba (marijuana, canabis). Il y a une très grande différence entre le yamba, même si c’est effectivement une drogue, et les drogues dures comme l’héroïne et la cocaïne. C’est normal que l’on mette en prison les grands dealers qui utilisent des « mules » pour vendre ces drogues dures. Mais même si on pénalise l’usage et la vente du yamba, ce n’est pas normal de le criminaliser. Ni de mettre en prison pour des mois et des années des femmes qui, à cause de la pauvreté, ont vendu du yamba, ou des jeunes qui ont été arrêtés parce qu’ils étaient en train de fumer. Il vaudrait certainement mieux leur faire payer une amende : ce serait plus efficace, il y aurait moins de conséquence pour eux et pour la société, et en plus ce serait rentable.
Je ne trouve pas normal non plus que l’on mette les homosexuels en prison, même si je suis contre l’homosexualité. Ils ont besoin de soutien, de réflexion et d’éducation et non pas d’une punition. Les mettre en prison risque simplement d’augmenter les rapports homosexuels avec les autres détenus. Et par rapport à ce problème, il faudrait autoriser l’utilisation du condom pour ne pas développer le sida en prison, ni ensuite à leur sortie.

L’une des questions importantes est la mise en pratique de peines alternatives : travaux d’utilité publique, amendes etc. On en parle beaucoup mais cela n’est pas mis en œuvre. Il semble que pour les juges, il est plus facile d’envoyer les gens en prison. Le gros problème est évidemment le temps de durée en prison avant les jugements. Ce n’est pas normal que des personnes attendent deux ou trois ans et même plus avant d’être jugées, pour être ensuite reconnues innocentes ou condamnées à quelques mois, alors qu’elles ont fait des années en détention préventive.
Il faudrait aussi revoir la question des avocats. Certains avocats demandent à leur client une somme importante, généralement autour de 500 000 francs, et ensuite ils changent de numéro de téléphone et ils disparaissent. Les détenus n’ont plus aucun contact possible avec eux. C’est du vol pur et simple.
Lorsque j’assurais l’écoute à Liberté 6, en accord avec la direction, nous avons organisé des rencontres entre les chefs de chambre, le poste de garde, les assistantes sociales et la direction de la prison, pour des échanges sur leurs conditions de vie. Cela se passait très bien et était très positif. Nous avons aussi organisé chaque mois une rencontre des différentes ONG intervenant dans cette prison. Et également des temps de réflexion avec le personnel.

L’écoute et les contacts personnels sont essentiels. Un directeur de prison nous a dit qu’ils n’ont pas tellement de problèmes au niveau collectif et de l’organisation, mais plutôt au niveau du suivi personnel des détenus. Pour l’écoute et la réinsertion, mais aussi pour les relations avec les familles, la satisfaction de petits besoins comme habits, complément alimentaire, médicaments courants, produits d’hygiène, lunettes, piles et écouteurs de radio, etc.. Et également d’envoyer et de recevoir des nouvelles de leurs familles, et surtout de leurs enfants pour les femmes.
Père Armel Duteil


Page précédente           Accueil site