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du P. Armel Duteil


QU’EST-CE QU’UN THEOLOGIEN ?


Au cours de mon voyage en Guinée, je retrouve trois de nos étudiants en théologie et un de nos jeunes prêtres. Nous nous demandons qu’est-ce qu’un théologien ? Au grand séminaire, leurs mémoires sont souvent de la compilation. On enfile des citations et des extraits des lectures : « comme l’a dit Y. selon la conception de Z. et ce qu’avait déjà dit X ». etc…Je trouve que la réflexion personnelle et la recherche originale font souvent défaut. On risque ainsi de s’enfermer dans les répétitions et dans le passé. De plus ces citations sont souvent des citations d’auteurs occidentaux et donc la réflexion n’est adaptée ni à notre culture ni à nos problèmes. Ils me répondent qu’il faut tenir compte du passé, qui nous enrichit et qui nous instruit. C’est un moyen d’enseignement et de formation. Je leur dis que je suis tout à fait d’accord à condition de saisir l’esprit dans lequel les gens ont écrit, leur but et leurs orientations. Et de voir comment vivre leurs réflexions et cet esprit dans les situations actuelles, car le monde avance et les choses changent. Comme le dit un proverbe « on ne peut pas arroser le riz d’aujourd’hui, avec les pluies d’autrefois » et « quand le rythme du tam-tam change, le pas de la dance doit aussi changer ». Sinon on risque de s’enfermer dans des répétitions stériles. Ou au moins inadaptées.

Pour moi, le théologien c’est d’abord quelqu’un qui vit et qui est enraciné dans une communauté, qui voit le positif et les pistes d’espoir que cette communauté vit. C’est quelqu’un qui est capable d’analyser ce qui est caché (sous-jacent), et de comprendre ce qui est vécu en profondeur avec un regard positif. Quelqu’un qui est capable de faire découvrir ce qui est en jeu, et de proposer des chemins qui répondent aux situations et aux besoins actuels, et qui sont des routes d’avenir. Cela ne peut se faire qu’en étant vraiment enraciné dans une communauté, en voyant le positif de ce qu’elle vit, en sachant lire les signes des temps comme nous l’a d’ailleurs demandé le Concile Vatican 2. Et surtout en écoutant ce que l’Esprit, qui parle non seulement aux théologiens, mais à tous les membres de la communauté.

C’est d’ailleurs là la condition d’une véritable inculturation de l’Evangile, dont on parle tant et que l’on pratique si peu : vivre l’Evangile incarné dans les valeurs culturelles actuelles du milieu, sans se limiter aux danses liturgiques et aux processions d’offertoire qui, d’ailleurs, par leur longueur déforment complètement le sens du sacrifice eucharistique. Et sans rêver à un passé qui n’existe plus, et sans l’idéaliser. Comme le dit Pierre : « Nous espérons un ciel nouveau et une terre nouvelle où la justice habitera » (2ème Pierre 3, 13).

Armel Duteil


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