Homélie
du Père Gilles Pagès pour la clôture du Forum
missionnaire dans la grande chapelle de Chevilly
Venir.
Demeurer. Partir.
Venir. Au
commencement était le Verbe. Et le Verbe s’est fait
chair. Il est venu chez lui. J’entends raisonner dans cet
Evangile de Pentecôte, cet autre page du même Evangile,
au tout début : le Verbe qui est venu parmi les siens.
Aujourd’hui, Jésus vient parmi ses disciples. Au
commencement, il y avait les ténèbres. Mais les
ténèbres n’ont pu saisir la Lumière. Au
soir du premier jour de la semaine, après la mort de Jésus,
il y a les portes verrouillées, la peur et l’enfermement.
Autres ténèbres. Mais la peur a laissé place à
la joie. Désormais la peur ne peut retenir la joie
prisonnière. Venir. La joie est venue. Elle est venue en ce
monde pour que le monde croie.
Demeurer. Au
commencement était le Verbe. Et le Verbe à campé
parmi nous. Lumière qui écarte les ténèbres.
C’est désormais le jour de Dieu. Aujourd’hui,
Jésus vient et il est là au milieu de ses disciples,
présent dans le lieu où ils sont réunis. Joie
qui écarte la tristesse. C’est désormais la joie
de Dieu. Jésus est là au milieu de ses amis. Homme
parmi les hommes avec ses mains et son côté, ses
blessures et son amour. Mais Christ ressuscité qui tient sa
gloire du Père : Dieu parmi les siens. Dieu avec nous. Il
répand son souffle et c’est désormais ainsi qu’il
habitera chez nous. Ce souffle de vie sera sa présence en
nous. Demeurer. Il demeure en nous pour que le monde croie.
Partir. Nul n’a
jamais vu Dieu mais le Fils Unique, l’Envoyé du Père,
lui, nous l’a fait connaître. En ce jour de Pentecôte
Jésus dit de nouveau à ses amis : « comme le Père
m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». A tous
ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir
enfants de Dieu. Aujourd’hui, à tous ceux qui
l’accueillent il donne le pouvoir de remettre les péchés
et de faire de toute personne de bonne volonté une personne
sauvée et pardonnée, un enfant de Dieu. Désormais
il s’agit de partir proclamer, chacun dans sa langue, les
merveilles de Dieu. Partir annoncer au monde la Bonne Nouvelle pour
que le monde croie.
Venir,
demeurer, partir. Ce qu’il advint avec Jésus qui est
venu en ce monde, qui a demeuré parmi les siens, lui l’Envoyé
du Père, ne cesse désormais d’advenir avec
l’Esprit. L’Esprit vient aujourd’hui en chacun de
nous. Il habite en nous. Forts de sa présence, il nous envoie
partager avec tous ceux que nous rencontrerons, cette joie qui ne
finit pas. Venir rencontrer, prendre le temps de partager, repartir
annoncer. Voici le commencement. Au commencement, il y a l’Esprit.
Venir. Nous
sommes venus à Chevilly, avec nos encombrements, nos mondes
clos, enfermés dans nos nuits et nos peurs, tournant en rond
dans l’espace de nos frontières. Mais nous sommes aussi
venus avec la richesse de notre histoire et l’inépuisable
de notre bonne volonté. Sinon, nous ne serions pas venus.
Surtout, nous sommes venus parce qu’un jour le Christ est venu
en ce monde et parce qu’il ne cesse de venir si nous laissons
venir en nous son Esprit. C’est lui qui vient. Nous ne faisons
que venir le rencontrer.
Demeurer. Nous
avons pris le temps, ces trois jours durant, de rester ensemble,
d’apprendre à mieux nous connaître, d’échanger
sur ce que nous vivons, sur ce que nous voulons, sur ce que nous
espérons. Nous l’avons fait dans l’effort de la
rencontre qui est toujours source de joie. Tous différents,
jeunes et vieux, consacrés, engagés ou interrogés,
marqués par les lointains mais intéressés par
les prochains, nous avons communiqué nos expériences,
passé, transmis aux autres ce qui nous motive et nous fait
avancer. Nous n’avons pas fait tomber nos frontières.
Les frontières forment notre identité. Elles précisent
notre histoire, elles cerclent notre expérience, elles
dessinent autour de nous ce qui fait chacun de nous. Les frontières
sont nécessaires. Elles ne sont pas faites pour tomber. Elles
sont faites pour être franchies. C’est le principe même
de la rencontre. Mais nous avons passé, franchi la frontière
de notre frère et nous nous sommes rendus compte qu’il y
a encore bien d’autres frontières à passer parce
qu’il y a bien d’autres frères à
rencontrer. Surtout, nous avons pris ce temps de rester ensemble, de
demeurer ensemble parce que le Christ ne cesse de prendre du temps
avec nous, de demeurer avec nous ; parce que son Esprit nous donne la
joie et la patience de la rencontre. C’est lui qui demeure
quand nous acceptons de demeurer avec lui.
Partir. Nous
repartons maintenant. Avec joie pour communiquer la paix de Dieu à
tous ceux que nous allons rencontrer. Nous sommes envoyés,
enhardis je l’espère, pour franchir les barrières
qui nous retiennent encore ou celles qu’on nous oppose. Le
souffle de l’Esprit fait de nous des missionnaires. Des
porteurs de bonnes nouvelles, des passeurs de frontières. Mais
de cela je ne parlerai pas. Cette histoire n’est pas encore à
raconter. Elle est en écriture. C’est une histoire qui
commence pour que le monde croie. Au commencement était le
Verbe, au commencement il y a l’Esprit.