ACCUEILLIR LES SANS-PAPIERS DANS LE 93
Nous avons ouvert cet accueil depuis septembre dernier. Nous sommes quatre
"accueillants", chaque mercredi après-midi. A partir du centre du Secours
Catholique de notre diocèse, basé à Rosny sous Bois. Au début, il faut se faire
connaître. On a pu ainsi prendre le temps de s'installer et de diffuser des
tracts pour faire savoir le lieu, horaires et aussi un numéro de téléphone.
Chaque mercredi, on a en moyenne 4 à 5 personnes, ce qui est amplement
suffisant pour prendre le temps d'écouter chacune des demandes. Avant de
trouver des solutions, la première chose à faire est bien cette écoute
bienveillante. Surtout que beaucoup de gens viennent avec une certaine peur:
peur que nous communiquions les renseignements obtenus à l'administration
française. Dès le début, nous leur expliquons que, si nous faisons des
dossiers, c'est pour notre usage personnel, que nous ne les transmettrons pas,
et aussi pour avoir des photocopies des documents qu'ils nous apportent (qu'ils
pourront par la suite récupérer).
Les situations des demandeurs de régularité administrative sont très diverses:
- il y a ceux qui ne savent plus quoi faire, suite à des demandes qui ont été
refusées, suite à des recours aboutissant à une "Obligation de Quitter le
Territoire Français" (OQTF), qui oblige le demandeur de quitter dans le mois
qui suit. Bien souvent, ces personnes n'ont rien fait. On leur conseille
d'attendre un an...
- d'autres sont à peine arrivés avec un visa d'un mois ou 3. Mais ce visa ne
leur donne pas de possibilité de rester sur le territoire français.
- ceux qui sont là depuis des années, voire 5 à 10 ans ! Avec la nouvelle
"circulaire Valls", il y a des possibilités de faire valoir la présence en
France, à partir de 5 ans. Mais, il faut des "preuves" tangibles, comme des
documents administratifs, des factures, des courriers, ce qui est assez
difficile à démontrer...
C'est sûr que la législation française s'est beaucoup développée ces dernières
années. La tendance est bien d'empêcher les demandeurs de régularisation de
rester sur le territoire, et de les "inviter" à repartir chez eux. Ce qu'ils
ne font pas, bien sûr. La grande difficulté pour nous, accueillants, est de se
mettre au courant de ces évolutions légales. Tous les trois mois, le Secours
Catholique organise des "groupes de travail", pour faire cette évaluation sur
tel ou tel point particulier. Les débats des différentes organisations
diocésaines permettent de clarifier ce qui est bien loin de l'être ! Nous
essayons donc de vérifier quelles sont les chances d'obtenir ou non une carte
de séjour. Pour éviter d'envoyer ces demandeurs vers l'administration qui va
les renvoyer avec une Obligation de Quitter le Territoire Français... De plus
en plus, nous essayons de travailler en lien avec les services sociaux des
différentes villes de la région. D'où la nécessité de créer des liens avec ces
services sociaux. Il faudrait aussi pouvoir établir des liaisons avec des
avocats... Souvent, des gens viennent nous voir après avoir contacté des
avocats (qu'ils ont bien payé !) et au bout du compte, n'ont rien obtenu. Il y
a là aussi des avocats qui profitent bien de la situation catastrophique où se
trouvent ces gens.
Nous découvrons des situations vraiment de "pauvres" : pour la plupart, ils
n'ont ni "papiers", mais aussi pas d'emploi (impossible d'en trouver sans
"papiers"); et alors, comment "vivre" ? sinon, en faisant de petits travaux
mal rémunérés et non déclarées. En plus, cela va souvent avec des gens vivant
"sans domicile fixe". C'est malheureusement la situation de bien des
personnes. Est-ce qu'on peut alors les laisser "se débrouiller" ? Il y a là
une urgence. A nous d'exiger des pouvoirs publics de permettre que ces
situations se débloquent. Il y a des possibilités qui existent en France. Nous
sommes là pour chercher les voies de régularisation, à titre de "conseil". Ce
sont ces personnes qui partent ensuite à la Préfecture.
Gérard Sireau