Parole de Vie..   
Spiritains en cause....

Les Causes Spiritaines
Dans les milieux de l'Eglise on appelle "Cause", entre autres, la proposition de la vie d'un chrétien à la "Congrégation pour la Cause des Saints " afin qu'elle soit donnée en exemple, modèle, à l'ensemble des chrétiens.
Une première étude de la vie, des écrits, des biographies, peut aboutir à la proclamation de l'"héroïcité" des vertus. Il est dit alors "Vénérable " : Le Vénérable F.M.P Libermann.
Des enquêtes supplémentaires, des interventions miraculeuses soigneusement étudiées permettront éventuellement une déclaration nouvelle aboutissant à la "béatification": Les Bienheureux Daniel Brottier et Jacques-Désiré Laval.
Le stade suivant c'est la "canonisation". De nouvelles enquêtes, nouvelles interventions miraculeuses reconnues et c'est la reconnaissance officielle comme "Saint".
A ce jour pas de "Saint" officiellement proclamé comme tel par l'Eglise chez les Spiritains, mais,


Chez les Spiritains cinq "causes "sont actuellement en cours.



 

Haut de Page Le P. Poullart des Places : 1679-1709
Claude Poullart des Places est né le 26 février 1679, d’une famille de la haute société rennaise ; destiné à une carrière de conseiller au Parlement de Bretagne, sa vie va prendre un tout autre cours : le jeune homme riche devient un serviteur pauvre parmi les pauvres. Il avait pour ami d’enfance Louis-Marie Grignon de Montfort, son aîné de 5 ans ; tous deux bénéficièrent de la formation solide des Jésuites collège St Thomas, et du témoignage d’un apôtre totalement gagné aux pauvres, l’abbé Bellier, aumônier de l’hôpital Saint-Yves et ardent prédicateur des missions bretonnes. Sur le point d’entrer dans sa charge de conseiller au Parlement de Bretagne, il remet soudain son avenir en cause. Il entre en retraite ; et là, laissant le Seigneur l’interroger sur ses intentions profondes et mettre un terme à ses atermoiements, il s’ouvre définitivement à l’amour et au service du Christ. Il renonce à se laisser guider par son ambition et s’offre à être prêtre pour le service des nécessiteux.
Sa décision prise, Claude quitte Rennes pour devenir simple prêtre en dehors de toute visée de carrière ecclésiastique ; il entre au collège jésuite Louis-le-Grand, face à la Sorbonne. La participation à un cercle de spiritualité -la AA ou assemblée des amis- ainsi que la lecture de la vie de Michel Le Nobletz confirment son attrait pour la prière et le service des pauvres : il visite les hôpitaux et réunit de jeunes ramoneurs savoyards pour leur apprendre le catéchisme.
Le voici prêt à accueillir la demande d’aide de Jean-Baptiste Faulconnier, un pauvre "escholier" (séminariste) démuni de tout, sauf du désir d’être prêtre au service des gens sans ressource. Le soin qu’il apporte à lui assurer le vivre et la formation attire d’autres jeunes escholiers qui connaissent la même misère. Claude Poullart est ainsi amené à se consacrer à eux en quittant son collège et en partageant en tout leur vie précaire dans l’étroitesse de logements inconfortables. Ce petit groupe, qui comprend rapidement une dizaine de membres, se constitue en communauté de formation, dédiée au Saint-Esprit sous la protection de Marie Immaculée, au jour de la Pentecôte 1703 (27 mai) : la communauté deviendra Séminaire du Saint-Esprit par la reconnaissance officielle de 1734.
Les jeunes compagnons de Claude ne cessent de croître en nombre, avec les soucis de leur entretien et de leur formation. Ils sont maintenant la trentaine ; Claude connaît un pénible passage à travers l’obscurité de la foi, liée sans doute à son surmenage. Pour retrouver la lumière, il s’abandonne à nouveau au Seigneur dans la retraite. Il redécouvre alors que l’amour du Seigneur n’a pas cessé de l’accompagner et qu’il est appelé à lui faire davantage confiance ; toutefois, le grand nombre de jeunes de la communauté est devenu un poids trop lourd pour assurer leur bien. Il partage donc ses responsabilités et ses soucis avec des collaborateurs : cette petite communauté de formateurs prendra -en 1734- le nom de Société, ou Congrégation, du Saint-Esprit.
Toutes les conditions sont maintenant réunies pour offrir aux jeunes candidats au sacerdoce une formation humaine, intellectuelle et spirituelle de grande valeur. Le ‘Séminaire du Saint-Esprit’ va acquérir une grande renommée dans le Royaume de France. Il fournit des prêtres pour les campagnes, les hôpitaux et les ministères plus délaissés, mais s’ouvre rapidement à des horizons missionnaires : Extrême-Orient avec les Missions-Etrangères, populations indiennes de la côte est du Canada et formation des prêtres à Montréal, St Pierre et Miquelon et la Guyane, St Louis du Sénégal et Gorée etc. pour ne parler que du XVIII°s.
retrouvant un peu plus de temps pour lui-même, est ordonné prêtre en décembre 1707 ; il achève, moins de deux ans après, son pèlerinage silencieux de serviteur des pauvres. Il meurt à 30 ans d’une épidémie fatale à grand nombre de gens démunis de son quartier ; il est inhumé dans une fosse commune de St Etienne-du-Mont. Il nous apprend à être tout donnés, ensemble, à l’Esprit Saint et à Marie, pour être au milieu de jeunes sans ressources des éducateurs de qualité.

Haut de PageLe P. François Libermann : 1802-1852
Jacob Libermann est né le 12 avril 1802, à Saverne ; son père, Lazar, était le Rabbin de la communauté juive de cette ville : ses vingt premières années, qu’il passe à la maison paternelle, ont été exclusivement modelées par le judaïsme de son temps. Destiné à être rabbin à son tour, Jacob est envoyé à Metz pour y approfondir sa préparation ; il y connaît des moments de déstabilisation pour sa foi à laquelle il adhérait sincèrement ; finalement, pour prendre de la distance, il obtient la permission de partir à Paris. Là, dans une misérable mansarde du collège Stanislas, tombant à genoux, il reçoit une grâce soudaine du Dieu de ses pères : Jésus se révèle à lui comme le Messie. Quelques semaines après, le 24 décembre 1826, il reçoit le baptême dans la chapelle de ce collège ; il reçoit le nom de François. Lui qui ‘détestait’ Marie, devient son serviteur tout dévoué ; il pensait être rabbin, son désir le porte maintenant à être prêtre.
Il débute aussitôt sa formation, tout d’abord en suivant des cours à la Sorbonne, puis au Séminaire St Sulpice où les épreuves ne manquent pas, particulièrement la malédiction de son père lorsqu’il apprend sa conversion. L’épilepsie jusqu’alors discrète, se manifeste en crises graves et répétées ; il ne peut devenir prêtre. Homme conduit au dépouillement radical, approfondissant sans cesse la confiance et l’abandon de tout lui-même au Seigneur, François demeure dix ans au séminaire. Il le quitte pour devenir responsable adjoint du noviciat des Eudistes à Rennes : il y demeure un peu plus de deux ans, expérimentant l’amertume d’un échec apparent : Mon Jésus, vous savez bien que je ne suis rien, que je ne puis rien, que je ne vaux rien. Me voici tel que je suis, c’est-à-dire un pauvre homme ...
Ces frustrations, Libermann les vit uni à l’Esprit Saint, y puisant ses talents charismatiques de père spirituel. Mêlé à la naissance d’un projet missionnaire pour les Noirs, il y trouve sa vocation propre. Alors qu’il n’est que clerc minoré, il contribue efficacement à la fondation de la Société du Saint Coeur de Marie (1841). Comme il l’écrira vers la fin de sa vie relativement courte -il mourut à cinquante ans- les débuts et l’affermissement du "Saint-Coeur de Marie" portaient constamment la marque de la Providence. Le premier départ de ses missionnaires pour l’Afrique (1843) se solde par une hécatombe qu’il appelle lui-même le ‘désastre de Guinée’ ; mais il accueille ces sacrifices comme le signe d’une vraie vie apostolique, conforme à la croix de Jésus ; ce qui ne l’empêchera pas de prendre toutes les mesures possibles pour mieux assurer les prochains départs.
Afin de mieux contribuer à l’évangélisation des populations, il prend le plus grand soin à rédiger un "Mémoire sur les missions des Noirs en général et sur celle de la Guinée en particulier" (15 août 1846), une charte missionnaire bénéficiant de l’expérience de divers fondateurs et théologiens de la mission. Il amène aussi ses confrères à accepter que leur jeune Société soit intégrée à celle du Saint-Esprit (1848) : la mission en ressort ainsi renforcée.
Elu 11° supérieur général de la Congrégation du Saint Esprit après cette intégration, Libermann met tout son coeur à préserver l’héritage du "Saint-Esprit", tout en gardant précieusement la grâce propre du "Saint Coeur de Marie". Il nous apprend lui aussi à être disponibles à l’Esprit Saint, pour le service des populations délaissées : O divin Esprit, je veux être devant vous comme une plume légère, afin que votre souffle m’emporte n’importe où il veut et que je n’y apporte jamais la moindre résistance. Il nous montre Marie comme celle qui a vécu pleinement cette obéissance : son Coeur tout apostolique est notre meilleur guide pour nous affermir dans la vie apostolique, vie d’amour et de sainteté que le iFls de Dieu a menée sur la terre pour sauver et sanctifier les âmes et par laquelle il s’est continuellement sacrifié à la gloire du Père, pour le salut du monde. Il nous convainc que nous serons des missionnaires bons à rien sans la prière, mais en précisant : toute forme de vie apostolique doit tendre à l’union pratique, cette union active de l’âme à Dieu dans la pratique de la vie. Comme Poullart, Libermann attache la plus haute importance à la vie communautaire, première tâche de la mission ; là d’abord se dit la Bonne Nouvelle ; là peuvent s’affermir obéissance et esprit de corps, détachement, souplesse et tolérance, patience, pauvreté du coeur et abandon généreux à l’Esprit.

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PageLe P. Jacques Laval : 1803-1864
Le P. Laval est né en 1803, en Normandie. Il a passé 23 ans de sa vie à l’île Maurice ; il est mort en 1864, le 9 septembre. Malgré ce temps écoulé, on a l’impression qu’il est encore vivant. Dans toute l’île, c’est de loin la personne la plus connue. Dans les rues, dans les magasins, partout on rencontre son nom. On le trouve même sur les autobus pour indiquer le terminus d’une ligne bien fréquentée qui conduit d’ailleurs les pèlerins jusqu’à sa tombe, à quelques vingt kilomètres de la capitale, Port-Louis.
C’est à cause du P. Laval que le 9 septembre a été déclaré jour de fête nationale à Maurice. Tous les pèlerins, plus de 70.000, viennent alors confier au P. Laval leurs soucis, leurs secrets ou tout simplement le prier, chrétiens, hindous, et musulmans, tous ensemble. Les trois communautés, d’origine africaine, européenne et asiatique, si fermées sur elles-mêmes dans la vie de tous les jours, se retrouvent autour de cette tombe. Là, disparaissent les barrières. Dans une confiance commune, tous prient, côte à côte.
Comment le P. Laval est-il devenu " l’apôtre de Maurice " ? C’est une des belles surprises, dont la Providence a l’habitude.
D’abord médecin, le docteur Laval ne se distinguait pas spécialement par sa vie chrétienne, bien que dans son travail il fût toujours l’ami des pauvres. Un jour, pourtant, Dieu est intervenu dans sa vie, et tout fut bouleversé. Il abandonne sa carrière de médecin et devient prêtre. Dans un petit village pauvre et oublié de Normandie, il mène une vie de Curé d’Ars. Là, il entend parler de l’île Maurice et de la misère dans laquelle vivent les quelques 75000 anciens esclaves, affranchis par les autorités britanniques en 1838. C’est donc à Maurice qu’il part, en 1841, comme premier missionnaire d’une Congrégation à peine fondée, sans expérience et apparemment sans préparation.
Etait-ce vraiment sans préparation ? Non. Il s’était préparé à son insu par l’amour qu’il avait pour Dieu ; un amour mûri dans la prière et dans le sacrifice, et, liée à cet amour, une très grande tendresse pour les pauvres. Il part pour être pauvre avec les pauvres et pour devenir leur serviteur. Il restera à Maurice 23 ans, jusqu’à sa mort.
Laval vivait au début d’une période missionnaire extrêmement féconde. Elle allait donner naissance à des Eglises florissantes, particulièrement en Afrique. Bien que ce grand mouvement ait connu une longue histoire depuis son arrivée à Maurice, maé Mission a, aujourd’hui, bien des points communs avec celle que le P. Laval a connue. Comme lui, nous n’avons pas de modèles tout faits, nous avons besoin d’une foi créatrice, d’un amour de Dieu visible dans nos vies, d’un engagement aux côtés des pauvres.
Ce même engagement a conduit le Père Laval à se faire l’un d’eux, à se mettre de leur côté. Et les anciens esclaves, considérés comme dépravés et " bons à rien ", voyaient pour la première fois un Blanc qui les aimait vraiment ; alors, c’était clair : Laval était bien leur frère et l’envoyé de Dieu. Du même coup, ils reprenaient confiance en eux-mêmes. Ce fut le début d’un mouvement irrésistible qui devait, peu-à-peu transformer leur milieu et leur vie. L’amour et le respect que Laval leur portait lui donnaient le droit d’exiger beaucoup d’eux. Avec eux, il osait partager ses responsabilités. Le premier il a formé des catéchistes ; il leur a confié l’évangélisation de leurs frères, et toute l’organisation matérielle de leur communauté. Le plus étonnant, c’est peut-être ceci : en place de haine et de lutte, on a vu, à la longue, la réconciliation et la conversion des oppresseurs par les opprimés, des maîtres par leurs anciens esclaves !
Homme de Dieu, homme de prière, ami des pauvres, homme sans frontières : c’est tout cela, Laval ; et c’est aussi, pour aujourd’hui, son message.

(d’après un interview à Radio-Vatican du P. F. Timmermans, alors Supérieur général de la Congré-gation du St Esprit, le 28 avril 1979, à l’occasion de la Béatification du P. Laval, le 29 avril).

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de PageMgr Joseph Shanahan (1871-1943)

Joseph naît le 6 juin 1871 à Glankeen, dans la partie centrale de l’Irlande ; ses parents ne font qu’un avec leur foi chrétienne ; ils apprennent à leurs enfants à trouver dans l’Evangile et la prière le rythme de leur vie quotidienne. Il entre à 12 ans au collège spiritain de Rockwell, à quelques dizaines de kms de la maison familiale : Joseph avait un oncle maternel spiritain, le Fr. Adelm, missionnaire déjà expérimenté en Afrique. Un an après ses débuts à Rockwell, Joseph, qui a 13 ans, est envoyé en France poursuivre sa formation : il ne reverra son pays qu’à 25 ans, pour ses études de théologie. C’est au cours de ces longues années qu’il pénètre profondément la culture française et s’imbibe de la spiritualité libermanienne.
De retour en Irlande, et à Rockwell, il y assure un service auprès des jeunes élèves tout en faisant sa théologie. Il est ordonné prêtre à Blackrock en 1900, et débute sa vie apostolique par une déception: il est affecté à Rockwell comme professeur. L’épreuve ne sera pas trop longue, puisqu’il obtient de partir pour le Nigeria-sud deux ans après : il s’était offert comme volontaire pour cette région d’Afrique réputée dangereuse par son climat et ses fièvres.
Le sud-est du Nigeria avait déjà reçu une première approche d’évangélisation grâce aux pères Joseph Lutz et Jean Horne, secondés par les frères John et Hermas; leur santé ne résista pas longtemps ; le P. Léon Lejeune, fin connaisseur du pays, entrepreneur et plein de courage, prit la relève ; il y était seul, avec le titre de Préfet apostolique, en compagnie d’un confrère lorsque Joseph Shanahan y arrive en 1902. Que pouvaient faire deux hommes pour un si grand pays? Le P. Lejeune, épuisé, meurt en 1905 à 45 ans. C’est le P. Joseph qui doit assumer les responsabilités de Préfet à 34 ans : il lui revient de prendre en mains cette grande mission du sud-est, le pays Igbo, de l’organiser et de la développer. Il le fait grâce à l’école. Parmi les élèves en fin de classes, il va choisir les plus doués pour étoffer un corps d’enseignants sans cesse en croissance : " Qui tient l’école tient le pays, tient la religion, tient l’avenir "
Les écoles furent en effet un instrument efficace d’évangélisation ; elles étaient ouvertes à tous, il fallait donc persuader les chefs locaux d’y envoyer les enfants, il fallait aussi trouver des finances pour bâtir. Marcheur infatigable, le P. Joseph entre-prend des tournées considérables, souvent dans des régions encore inconnues, et y puisant une profonde admiration -et un profond désir d’évangélisation- pour les populations qu’il rencontre : il met de son côté un grand nombre de notables ainsi visités, tout comme eux le mettent de leur côté par l’initiation qu’ils lui donnent aux réalités profondes de l’Afrique. Le P. Joseph revient enthousiaste de ses périples.
En 1912, il y a déjà 43 écoles ouvertes dans un grand rayon autour d’Onitsha ; elle ont plus de 130 enseignants, et chacune comprend en moyenne 60 enfants ; le P. Joseph n’a pas d’autres limites que les ressources financières. Huit ans après, les écoles sont au nombre de 559 (Benoît XV les appelle églises-écoles), 12 ans encore après, 1386 ; en 1960, Mgr Joseph Shanahan étant mort depuis 17 ans, il y avait, dans cette même région, 2364 écoles primaires, 83 collèges, des écoles normales de professeurs, des écoles techniques, ½ million d’élèves et étudiants et 14000 enseignants. Le nombre des catholiques était passé de quelques centaines à l’arrivée du P.Joseph à plus d’un million.
Mais où trouver des prêtres pour approfondir ce travail ? Malgré ses insistances, le P. Joseph n’en trouvait pas, ni en Irlande, ni en France, à son grand désespoir. Sa santé se délabre, tant il en exige : sa grande tournée du Nigeria au Cameroun lui vaut une hospitalisation à Douala, dont il brusque les délais. Mais de retour à Dublin il y passe de longs mois à se soigner : toujours à la recherche de prêtres qu’il n’arrive pas à trouver. Thérèse de Lisieux lui vînt en aide à lui aussi. Il est ordonné évêque en Irlande (vicaire apostolique d’Onitsha) en 1920, et l’épiscopat de l’Ile prend à coeur son besoin de prêtres : le mouvement est lancé, dynamisé par le feu communicatif de ce nouvel évêque de 49 ans Ce sont bientôt les débuts de la Société de St Patrick. Il ordonne son premier prêtre diocésain en 1930 : et Dieu sait combien ce clergé local va s’épanouir ! Viennent ensuite la fondation des Soeurs Missionnaires du Saint-Rosaire et la venue de bien d’autres sociétés apostoliques.
Mgr Joseph Shanahan brille par l’équilibre de son sens humain, de son respect pour les cultures humaines et de l’ardeur de sa foi missionnaire. Il est tout pénétré des convictions apostoliques du P. Libermann et d’admiration pour le don de Dieu.
Il quitte son cher Nigeria en 1932, le 30° anniversaire de son arrivée, laissant son Eglise couverte de bourgeons prometteurs. Après quelques années en Irlande, il termine sa vie silencieusement et humblement à Nairobi, auprès de Mgr Heffernan : il meurt, selon son désir, le jour de Noël. C’était en 1943.

Haut de PageLe Père Daniel Brottier (1876-1936)
Daniel est originaire de la Sologne, où il est né le 7 septembre 1876 ; son père était employé au service du Marquis de Durfort, et c’est dans une petite maison attenante au château de la Ferté Saint-Cyr que le foyer Brottier éleva ses deux garçons ; le jeune Daniel montre très tôt un caractère décidé et entreprenant. Il entre tout jeune au Petit Séminaire de Blois, et passe tout naturellement de là au Grand Séminaire : il désire être prêtre depuis son tout jeune âge. Il est ordonné prêtre en 1900, et doit s’accommoder d’un poste d’éducateur au collège de Pont-Levoy. D’où lui vient son désir de partir dans les missions lointaines ? Toujours est-il qu’il obtient, non sans peine, l’autorisation de rentrer dans un Institut missionnaire : en 1903, il fait ses premiers engagements dans la Congrégation du Saint-Esprit : son rêve s’accomplit : il part pour le Sénégal, pas en brousse toutefois, mais à Saint-Louis même.
Il y passe 7 années complètes, compte tenu de quelques absences pour soigner une santé sujette à de pénibles migraines ; c’est un homme passionné et passionnant, surtout pour les jeunes, et toujours en veine de nouvelles initiatives. Mais qui pourrait croire que cet homme, si actif, est en même temps attiré par la vie d’un monastère, silencieuse autant qu’austère ? Il fait deux séjours parmi les moines, ni l’un ni l’autre n’est concluant ; mais il ne sera vraiment au clair avec son désir qu’à quarante ans passés. En 1910, il lui faut, à très grand regret, quitter le climat sénégalais qui lui cause trop d’arrêts de maladie. Le voilà donc de retour en France, où vont se dérouler le reste de ses activités.
Le première tâche qui lui incombe le rapproche de la vie qu’il vient de quitter ; il va s’agir de concevoir et de mener à bien le projet du "Souvenir Africain" : le monument que l’on projette de bâtir à Dakar, et qui sera en même temps sa cathédrale, aura valeur de mémorial en reconnaissance pour tous ceux qui ont donné leur vie pour les relations entre la France et l’Afrique ; même si l’idée, à ses débuts, se ressent fortement de l’entreprise colonisatrice, elle n’exclue nullement l’amitié et le dévouement jusqu'au sacrifice de soi. Le P. Brottier va montrer ses remarquables talents d’organisateur et d’animateur au long des 25 années nécessaires pour parvenir au plein achèvement. Il a déjà constitué un Comité d’honneur pour soutenir le projet, et récolté des fonds importants, quand éclate la première guerre mondiale, le 2 août 1914.
Le P. Brottier n’est pas mobilisable à cause de sa santé fragile. Il choisit tout-de-suite de se proposer comme aumônier volontaire : le voici donc mêlé de près aux heures les plus dures de ce conflit "effroyable", pour reprendre ses propres mots. Il partage en tout les rudesses et les périls du front avec la 26° Division d’Infanterie. De ces quatre années à la limite de la résistance humaine, il tire un grand profit : ce fut une grande école d’humanité ; la vie quotidienne, le partage des conditions précaires et dangereuses met entre les hommes, quelques soient leurs différences et leur rang, une profonde estime et une réelle solidarité. Le P. Brottier met en œuvre des initiatives pour apporter soutien, sympathie et joie aux hommes comme à leurs familles qui s’inquiètent à l’arrière : l’œuvre de la photographie du soldat, par exemple. Lorsqu’aura sonné l’heureux temps de l’arrêt de toutes ces souffrances, il quittera l’aumônerie, couvert de décorations, mais avec une certaine nostalgie. La création de l’Union Nationale des Combattants, avec sa devise "Unis comme au front", témoigne de la grande leçon des ces temps où chacun devait se surpasser.
Il n’est pas encore démobilisé, qu’il est déjà tout entier tourné vers le projet du Souvenir Africain. Mais en 1923, il est appelé à reprendre en mains l’Oeuvre des Orphelins Apprentis d’Auteuil, créée par l’Abbé Louis Roussel 57 ans plus tôt. Un travail plutôt difficile : 180 apprentis, 18 premiers communiants, un personnel en demi-solde et mécontent, des bâtiments en ruines, un état de délabrement général des personnes et des choses, telle était à la fin novembre 1923, le cadeau qui nous était fait. Le P. Brottier a une grande force : il ne s’engage dans une tâche que totalement, corps et âme. Son "tout ou rien" trouve une extraordinaire partenaire, en la personne de Thérèse de Lisieux ; de son vivant, elle connaissait et aimait cette Œuvre ; le P. Daniel eut la conviction que Thérèse serait sa fidèle associée dans sa tâche de relèvement et développement : il commence par lui construire un sanctuaire, et voici la pluie de roses qui se répand sur les enfants et leurs bienfaiteurs.
Ces attentions constantes n’empêchent pas le travail acharné du P. Daniel, en lettres, articles, publicité, et autres moyens où se répandaient ses convictions inaltérables. Les bâtiments se rénovent, le nombre des enfants se multiplie, de nouvelles s’ouvrent avec des moyens plus perfectionnés d’apprentissage et des moyens d’éducation plus adaptés aux besoins des jeunes. Il lance les foyers à la campagne où des jeunes sont reçus et formés dans des familles de cultivateurs : il les suit tous. Il forme autour des enfants une grande famille de bienfaiteurs, la plupart aux revenus modestes. Presse, "bon cinéma", fêtes autour de la chapelle, exposi-tions, récitals, ventes de charité, rien n’est négligé pour rejoindre les générosités et les faire vivre à l’unisson des développements de l’accueil des jeunes délaissés.
En février 1936, en même temps que le Souvenir Africain est inauguré à Dakar (le 2), le P. Daniel Brottier meurt, le 28, d’épuisement à la tâche. Le nombre des jeunes qu’il accueille a presque décuplé ; il dépasse les 4000 aujourd’hui. Seul regret de celui qui nous quitte : tant de détresses qu’il n’a pas pu accueillir.

Par C. De Mare
Sur une idée de "Informations spiritaines N° 127", Rome, juin 1999


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