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Dossier L'Afrique Saignée

Les Européens transportent 12 millions de Noirs outre-Atlantique : les Anglais 2,5 millions, les Portugais 1,7 million et les Français 1,1 million.
Le XVIIIe siècle voit la déportation de 6 132 000 captifs vers les Amériques(1).

 

Les Arabes avaient ouvert la voie, qu’ils furent les derniers à refermer officiellement.
Le nombre des victimes d’une traite longue de douze siècles vers des pays musulmans d’Afrique du Nord et du Proche-Orient est aussi de 12 millions. " C’est au vie siècle de notre ère, avec la conquête arabe, que la traite des Noirs a été véritablement inventée… La constitution d’une vaste entité territoriale musulmane a conduit à l’augmentation de la demande en main-d’œuvre servile et, parmi les tributs imposés aux populations soumises, certains commencèrent à être acquittés en captifs noirs (1). "
L’Afrique noire fut mise à contribution forcée par différents prédateurs avec la collaboration de potentats autochtones qui, pour en tirer profit, se souciaient peu de la destination de leur bétail humain : Zanzibar vers les marchés arabes, le Sénégal avec Gorée et d’autres endroits vers les Amériques.
En 1518, Charles-Quint, empereur germanique et roi d’Espagne autorise l’importation d’esclaves noirs vers le Nouveau Monde. La France n’intervient qu’après 1635 et l’occupation de la Guadeloupe et de la Martinique. En 1642, Louis XIII autorise traite et esclavage. En 1673, Colbert crée la Compagnie du Sénégal chargée de la traite des Noirs. En 1685, son Code Noir établit le statut juridique des esclaves.
Par 60 articles, ce Code transforme juridiquement les esclaves en non-êtres humains. Ils deviennent des biens meubles, incapables de posséder pécule, maison ou famille. Leur progéniture appartient à leur maître. Paradoxalement, on reconnaît à ces bestiaux une âme. Pour la sauver, il faut les catéchiser, leur apprendre l’obéissance, la crainte de l’enfer...

Des Noirs qui livrent leurs frères de couleur
Complicité de l’Église, aveuglement des philosophes du siècle des Lumières. Si Montesquieu, Rousseau, Voltaire et Diderot s’émeuvent du sort des esclaves, aucun d’eux ne remet le système en cause.
Les navires négriers partent vers l’Afrique noire chargés de produits européens, des armes notamment, qu’ils échangent contre du "matériel humain". Jusqu’au xixe siècle, les Européens ne s’aventurent pas au-delà des côtes africaines. Ce sont donc des Noirs qui livrent leurs frères de couleur. Les royaumes Bambara (Ségou), Agni, Ashanti, Fanti, Abomey, Bénin, Kororofa, Loango, Kongo, Matamba participent à la traite.
Les navires négriers repartent vers les Amériques chargés de captifs, reviennent vers l’Europe pleins de produits tropicaux. La Rochelle, Bordeaux, Nantes profitent surtout de ce système. Sous la Restauration, c’est de Nantes, où la traite a commencé, que partent 70 % des expéditions négrières. En 1994, l’exposition Les Anneaux de la mémoire a brisé le tabou de son passé négrier. Entre 1815 et 1835, Nantes a vu passer 353 navires de traite : 45 % de la flotte française est consacrée à ce commerce. Des fortunes se sont élevées sur des pyramides de bois d’ébène.
En 1787 se crée en Angleterre une société pour l’abolition de la traite. En 1788 naît en France la Société des Amis des Noirs. En 1793, la Convention supprime les primes aux armateurs négriers. Fin xviiie siècle, sous l’influence des sociétés philosophiques, un mouvement se dessine en faveur de l’abolition de l’esclavage.
En 1794, la Convention vote l’abolition de l’esclavage sur proposition de l’abbé Grégoire et sous la pression des Noirs de Saint-Domingue insurgés menés par Toussaint Louverture.
" Cette abolition, les esclaves ne l’ont due qu’à eux-mêmes. La Convention a voté leur affranchissement parce qu’elle n’avait pas le choix. Les commissaires civils à St-Domingue étaient débordés par les événements, et si la France voulait conserver des Antilles ce qui n’était pas encore tombé aux mains des Anglais et des Espagnols, il lui fallait affranchir les esclaves enrôlés dans les forces de la République pour défendre les plantations (2). "

Il faut attendre Schœlcher
Le règne de Toussaint Louverture fut bref. Bonaparte libère les esclaves de Guadeloupe et les maintient captifs à la Martinique… Le Sénat juge cette discrimination dans le statut des populations noires des Antilles françaises anti-constitutionelle...
En 1802, Bonaparte se prononce pour le rétablissement de l’esclavage : " Blanc, je suis avec les Blancs. " Il ne décrétera la suppression de la traite que le 29 mars 1815 : une manière de complaire à l’Angleterre qui l’a interdite dès 1807, moins d’ailleurs par souci philanthropique que pour ruiner les colonies françaises, Londres ayant la maîtrise des mers. Il faut attendre V. Schœlcher pour que l’abolition devienne officielle dans les territoires où la France exerce son autorité. (Y compris l’Algérie où les maîtres arabes de 18 000 esclaves noirs seront dédommagés.)
En 1848, l’esclavage est définitivement aboli dans les colonies françaises.
L’abolition aux Indes néerlandaises n’intervient qu’en 1860 et aux États-Unis à la fin de la guerre de Sécession (1865). L’Espagne n’y renonce à Porto Rico qu’en 1872. Cuba l’abandonne seulement en 1885, le Brésil, qui comptait plus de 2 millions d’esclaves, en 1888, la Mauritanie, en 1980.


(1) Olivier Pétré-Grenouilleau, revue L’Histoire, n° 215, nov. 1997 et aux PUF, 1997, La Traite des Noirs, collection "Que sais-je ?"
(2) Éric de Saint Angel, Thalassa : Sur la route des esclaves, Fr 3 dans Téléobs, 24 avril 1998.

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