Ce nouveau message de csspislam a pour but de
partager avec vous quelques informations du mois en cours sur les initiatives
de rencontres et de dialogue entre Chrétiens et Musulmans.
Trois types de manifestations seront retenus:
1) Le 1er Forum Islamo-Chrétien organisé au Vatican du 4 au 7
novembre 2008.
2) Les semaines de dialogue organisées par les groupes
d'amitié islamo - chrétiens (GAIC).
3) La Conférence européenne Christiano - musulmane de
Bruxelles (20-23 octobre 2008).
1) Le 1er Forum
Islamo-Chrétien organisé au Vatican du 4 au 7 novembre 2008 :
a)
Le
contexte:
Ce Forum s'inscrit
dans la logique de l'histoire récente des relations entre Catholiques et
Musulmans, puisqu'il trouve en partie son origine dans les difficultés nées de
l'accueil du discours de Benoît XVI à Ratisbonne durant l'été 2008. On se
souvient du tollé, où la manipulation tint un rôle certain, qui s'éleva dans
bon nombre de pays où la communauté musulmane est fortement représentée, en
opposition à ce qui était compris comme une critique du Pape envers l'islam.
Une réaction musulmane plus constructive surgit également dans la mesure où un
groupe de 38 intellectuels et/ou dignitaires religieux musulmans écrivirent une
Lettre commune (appelée depuis la "Lettre des 38") au Pape Benoît XVI
afin de l'inviter à revoir sa position et surtout à entrer en dialogue de
manière plus directe et plus personnelle avec des interlocuteurs musulmans,
notamment des personnes ouvertes à une attitude de respect et de dialogue
envers les Chrétiens.
Un an plus tard, une
nouvelle initiative donna suite à ce projet puisqu'une nouvelle Lettre, signée
cette fois-ci par 138 intellectuels et dignitaires musulmans (d'où son nom de
"Lettre des 138"), appelait à "une parole commune"
(www.acommonword.com <
http://www.acommonword.com>
) entre Chrétiens et Musulmans en proposant une
méditation sur le thème de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain
dans les deux religions. Mais cette fois le texte était destiné à quasiment
toutes les autorités chrétiennes quelles que soient leurs Eglises. Ce texte
vous fut communiqué par nos services, il y a environ un an. La réponse positive
donnée par le Vatican (on trouvera aussi la réponse formulée par les
enseignants du PISAI, l'Institut Pontifical pour les Etudes Arabes et
Islamiques (www.pisai.it <
http://www.pisai.it> site
en français et en anglais), à l'adresse mail suivante:
http://www.africamission-mafr.org/communique_pisai.htm)
permit de faire avancer les propositions et d'aboutir à ce Forum qui,
organisé de manière inédite au Vatican, lieu éminemment symbolique, revêt donc
un caractère particulier et à ce titre peut être présenté comme "
une étape de plus dans une meilleure
compréhension entre musulmans et chrétiens" selon les mots de Benoît
XVI.
b)
La
méthode:
La méthode employée
pour ce Forum est, elle aussi, nouvelle et, par certains côtés, étrange. Ce
Forum fut clairement annoncé comme événement, mais quasiment jusqu’à la
dernière minute, les participants eux-mêmes étaient peu renseignés sur le
déroulement des débats, les sujets à traiter ou même sur la composition des
deux délégations. En fait, se retrouvèrent
deux
délégations, l'une musulmane composée de 12 dignitaires religieux et de 12
intellectuels, et l'autre catholique de 24 personnes également composée
d'évêques et d'experts.
D'autre part le
Forum fut organisé volontairement à huis clos afin de préserver le
caractère technique et relativement confidentiel des échanges. À cela plusieurs
raisons:
-
D'une part il est clair qu'une rencontre de
spécialistes comporte une certaine
technicité
(langage, concepts, enracinement historique et contextes actuels) et que leur
pertinence dépasse souvent l'entendement commun ou les soucis de l'homme de la
rue,
-
D'autre part le choix du cercle fermé fut
probablement lié à la
volonté de pouvoir
se parler également avec une certaine franchise de thèmes souvent présentés
d'un côté ou de l'autre comme "des questions qui fâchent"
-
Enfin, il est
probable que le syndrôme de Ratisbonne est passé par là, où l'on a
pu mesurer l'impact négatif de la reprise à titre polémique et populaire d'une
argumentation professorale tirée hors contexte, autrement dit le secret permet
que les propos ne soient pas manipulés par d'autres personnes ou groupes aux
intentions plus nocives.
c)
À
quoi sert un tel Forum ?
Son utilité est à
cerner à
plusieurs niveaux:
-
D'une part, il
crée un précédent en se donnant les moyens symboliques liés au
cadre géographique du Vatican, ce qui est une manière de dire que l'engagement
de l'Eglise catholique dans une relation dialoguante avec l'islam n'est pas à
cacher ou à nier, mais fait partie des enjeux forts de notre temps. Il n'est
plus possible, et personne ne le veut en haut lieu, de faire marche arrière sur
ce point. D'ailleurs pour ne pas en rester là, il est prévu de renouveler ce
type d'expérience tous les deux ans à l'avenir.
-
D'autre part, un tel Forum
permet à des personnalités religieuses en situation de responsabilité
de se rencontrer directement, de se jauger et parfois de s'apprécier, ce
qui entraîne toujours des modifications dans les réactions ultérieures à
attendre de telles personnes.
La
rencontre directe transforme les coeurs, d'un côté comme de l'autre. Comme
si à chaque fois, il fallait repasser par là pour se rendre compte de la valeur
et de l'importance des personnes, et ne pas en rester au niveau des idées voire
des systèmes tant islam et christianisme ont leur tradition avec leurs
richesses certes, mais aussi leurs pesanteurs. La réception
"chaleureuse" reçue par le groupe du Forum le jeudi matin auprès du
Pape est signe de cette convivialité primordiale.
-
En troisième lieu, un tel Forum peut avoir un
intérêt sur le plan de la confrontation des
idées, cela permet ainsi de découvrir des positions communes, d'autres
proches
("nous avons observé une
vraie convergence entre nous sur les relations entre foi et raison"
rapporte Seyyed Hossein Nasr
),
d'autres encore divergentes, enfin certaines parfois inconciliables. Mais si le
dialogue est franc alors il est possible non seulement d'y exprimer de bons
sentiments, mais parfois
d'aller jusqu'à
exprimer ses peurs (en raison de faiblesses internes, de la force réelle ou
supposée de l'autre, etc), ce qui relève généralement d'un non - dit et d'un
non - écouté. Certaines recommandations finales relèvent de cet échange - là.
Ainsi la partie catholique aime faire entendre son souci envers la liberté
religieuse en terre d'islam ou sa condamnation de toute action violente qui
serait faite "au nom de Dieu", de même du côté musulman a pu
s'exprimer la hantise d'être en situation d'infériorité vis - à - vis de
l'Occident vu comme technologiquement supérieur ou comme lieu d'où émergent des
organisations nettement prosélytes peu respectueuses des réalités locales et de
la diversité religieuse.
Il y a des manières de parler en tant que concurrents, il y a d'autres manières
de parler lorsque l'on est ami, il y a encore une manière de parler en qualité
de partenaire.
"Sur le fond, il n'y
a aucune nouveauté. Mais la méthode et le climat l'ont été; nous avons essayé
de voir concrètement comment le monde avait besoin du religieux dans une société
sécularisée, pour tisser la paix sociale." (cf. journal
La Croix, 7 novembre 2008, p.
22)
d)
Le
communiqué final :
Le communiqué final du
Forum est disponible en français sur:
http://www.comprendre.org/now.htm
et des articles de presse ont commencé à en parler. Voici ce qu'en dit la
correspondante du journal
La Croix:
"
le message commun tient en trois
pages: une présentation de l'amour de Dieu et du prochain, pour les Chrétiens
et les musulmans, puis des affirmations sur un certain nombre d'engagements
communs dans le monde, en matière de formation de la jeunesse, de développement
social et économique, et surtout de liberté. Il comprend aussi, à la demande
des musulmans, une affirmation sur le terrorisme, qui n'est pas le fait d'une
seule religion, et aussi une condamnation de toute dérision de la religion et
de ses symboles." (La Croix, 7 novembre 2008, p. 22)
e)
L'impact
prévisible :
Aucun Colloque ni
Forum n'a jamais changé le monde! Il serait donc surprenant de voir tout à coup
cette rencontre avoir un impact clair et décisif sur les événements. Néanmoins,
à sa manière il
dénote une volonté de
travailler ensemble et de mieux se connaître, ce qui peut effectivement
entraîner des évolutions de terrain, puisque - ne l'oublions pas - les uns
comme les autres à leurs divers niveaux de responsabilités sont à part entière
des acteurs de la scène religieuse, politique et culturelle. On a pu reprocher
à la Lettre des 138 d'être plus destinée aux Chrétiens qu'aux Musulmans - et
c'est peut-être vrai -, mais cette démarche tout comme celle de participer au
Forum correspond côté musulman aussi à une attitude ouverte de rencontre,
d'interpellations, où s'opèrent des changements de perspectives. Certes les
représentants musulmans n'ont pas la même couverture institutionnelle, que
celle de la partie catholique, car les deux religions fonctionnent là aussi sur
des bases différentes, mais est sûrement à l'oeuvre une transformation des
mentalités, loin du tapage que font, ailleurs, certains semeurs de violence et
de haine.
Bâtir le dialogue, c'est à
n'en pas douter travailler à la paix. D'autres conclusions pourront
s'imposer par la suite, mais voilà ce qu'il nous paraît sensé de dire à chaud.
2)
Les semaines de dialogue organisées par les Groupes d'amitié islamo-chrétiens
(GAIC) :
Des semaines de
dialogue commencent à être diffusées dans plusieurs pays, notamment en Europe,
et elles permettent sur un temps court (du 16 au 25 novembre), mais en divers
lieux de sensibiliser aux réalités du dialogue et à encourager à la
connaissance et à l'écoute de l'autre. Un site en français et en anglais
recense pour cette année beaucoup d'initiatives, cf.
http://www.semaineseric.eu
En France cette initiative semble provenir des Groupes d'amitié
islamo-chrétiens (GAIC). Peut-être y a-t-il même une initiative à côté de chez
vous!
3)
La Conférence européenne christiano-musulmane (Bruxelles, 20-23 octobre
2008) :
Dans un esprit de
rencontre comparable au Forum de Rome, mais de manière plus publique, s'est
tenue à Bruxelles pour les réalités européennes, une Conférence rassemblant des
chrétiens de différentes confessions ainsi que des musulmans d'appartenances
diverses autour du thème
"être
citoyen d'Europe et homme de foi: chrétiens et musulmans, partenaires actifs de
la société européenne". Cette Conférence rassembla 45 représentants
chrétiens et musulmans issus de 16 pays européens.
Je ne dispose pas pour l'instant de beaucoup d'informations sur le contenu des
échanges, mais l'introduction au sujet, donnée par le Cardinal Ricard, m'a paru
digne d'attention (VOIR SITE SPIRITAIN). Il situe d'abord le contexte européen
avec son cadre et ses exigences, il parle de mémoires à revisiter et à guérir,
il traite de la laïcité sous différentes formes (neutralité positive, hostile
envers les religions), etc.
N'hésitez pas à me faire part de vos suggestions ou
propositions pour les prochains numéros de csspislam. Nous pourrions par
exemple, mettre en commun un certain nombre d'adresses internet de sites que
nous consultons ou connaissons au sujet du dialogue inter-religieux en général,
celui avec l'islam en particulier, des sites sur l'islam, etc.
Marc BOTZUNG, cssp
novembre 2008