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19 e
dimanche ordinaire C (7
août 2022)
Sagesse
18, 6-9 ( Dieu
vient la nuit sauver son peuple)
Le
livre de la Sagesse a été écrit en grec à
Alexandrie, vers 50 avant notre ère, peut-être plus
tard. La dernière partie de l’œuvre médite
sur les événements de l’Exode, comme illustration
de la Sagesse de Dieu à travers l’histoire de son
peuple. Mais, selon la règle de ce genre de poème, on
évite les noms propres. Les
justes sont les
Hébreux, les
ennemis sont les
Égyptiens. L’auteur défend la thèse
suivante : la Sagesse divine ne consiste point en de froids
calculs ; mais, par un même événement, elle
sauve ceux que Dieu aime et anéantit leurs oppresseurs. Ainsi
lors de la nuit de la Pâque : Israël célébrait
sa délivrance, l’Égypte pleurait ses premiers-nés
(cf. Exode 12, 29-30).
Cette
nuit était « connue » des patriarches,
Dieu ayant promis la libération de leurs descendants
(cf. Genèse 15, 13-14); elle valait aussi pour
chaque * Pâque
à venir. Car, à travers les ancêtres prononçant
déjà « les chants de louange pascale »,
c’est nous que Dieu appelait
à sa gloire
pour faire de nous son peuple libéré. Certains cercles
du judaïsme ancien pensaient que le Messie viendrait la nuit de
la Pâque.
Bref,
quand le Seigneur vient à nous de nuit (cf. évangile),
c’est pour notre salut ou notre ruine, selon que nous sommes ou
non attentifs à la Sagesse de Dieu qui veut nous libérer
de toute oppression.
* La
Pâque .
Rappelons ce passage dans le rituel du repas pascal juif : « en
toute et toute génération, c’est une dette pour
l’homme de se voir comme si lui-même était sorti
d’Égypte. Car il est dit : Et tu raconteras à
on fils, en ce jour-là, disant : En vue de tout ceci, le
Seigneur agit pour moi, quand je sortis d’Égypte. Non
point nos pères seulement, il les sauva (…), mais
nous-mêmes, en eux, il nous sauva. »
Hébreux
11, 1-2.8-19 (La
foi d’Abraham, modèle de la nôtre)
Les
derniers chapitres de la Lettre aux Hébreux veulent réveiller
la foi d’une Église somnolente et découragée
à laquelle l’épître s’adresse. Pour
l'auteur, la foi est un chemin sur lequel nous possédons par
avance le bonheur vers lequel nous marchons – un peu comme les
fleurs préparées pour la visite d’un ami sont
déjà une présence de cet ami. Et voici l’exemple
des patriarches. La * relecture
chrétienne de la foi d’Abraham
ici proposée suit un raisonnement assez simple :
1.
Le patriarche disait : « Je suis un immigré »
(Genèse 23,4) et il mourut sans avoir possédé la
Terre promise. La promesse visait donc une « autre chose »
que l’auteur appelle la
cité qui a Dieu
pour architecte et
bâtisseur , ou la
patrie meilleure . Les
patriarches ont « salué de loin » cet
avenir qu’ils laissaient à leurs descendants. Presque
« morts », Abraham et Sara avaient pourtant
enfanté une multitude ; ils savaient donc que les
promesses de Dieu ne sont pas un vain mot.
2.
Mieux, Abraham acceptait de sacrifier Isaac. Et, puisqu'il ne pouvait
imaginer un Dieu infidèle à sa promesse, c’est
donc qu’il croyait en la résurrection – première
prophétie de la résurrection du Christ en laquelle nous
croyons comme le fondement d’une cité nouvelle.
* Relecture
chrétienne de la foi d’Abraham .
Dieu promet à Abraham une terre, une postérité,
un nom reconnu par tous comme béni (Genèse 12, 1-3).
Traduisons : la réussite économique,
l’épanouissement familial, l’harmonie politique et
religieuse avec l'environnement – bref, tout ce par quoi la vie
humaine est vraiment une vie. La foi d’Abraham tient en ceci :
alors que l’avenir semble bloqué, il y a un Dieu qui
confirme les aspirations humaines et promet de les combler. Abraham a
connu bien des migrations et s’est interrogé sur les
intentions de Dieu. Mais, par-delà sa mort, ses descendants
ont attisé la braise de la foi en un Dieu qui veut réaliser
pour nous l’impossible espéré. Le mot
« résurrection » apparut bien après
Abraham. Mais Paul, en Romains 4, et la Lettre aux Hébreux ont
raison de voir en Abraham le germe de la foi en un Dieu qui tire la
vie de la mort et qui l’a prouvé dans la destinée
de Jésus. Alors, ne disons pas trop vite que la
« résurrection », ainsi relue dans ses
racines, ne dit rien aux gens de notre temps.
Luc 12, 32-48 (Se
tenir prêt pour le retour du Seigneur)
Sur
sa route vers Jérusalem, Jésus poursuit l’éducation
des disciples, en vue de leur avenir. Car son Exode, sa mort et son
ascension, ouvrira une longue attente pour la vie de l’Église.
Aujourd'hui, le découpage liturgique du texte n’est pas
très heureux : le 1 er
verset, « Sois sans crainte, * petit
troupeau »,
conclut en fait la section précédente. Quant aux
maximes qui suivent, « vendez ce que vous avez... »,
elles invitent à se débarrasser des sécurités
matérielles qui empêchent d’accueillir les
événements par lesquels le Royaume vient à nous.
On
gagne en clarté à commencer la lecture au verset 35 :
« Restez en tenue de service ». Deux épisodes
en forme de paraboles font de la vigilance une vertu capitale de
l’Église. Pour Luc, la venue du « Fils de
l’homme » est à la fois le décès
de chaque croyant (lire Luc 16, 19-31 ; 23, 42-43) et l’acte
mystérieux par lequel le Christ conclura l’histoire du
monde (Luc 21, 25-27), nous ignorons comment. Ici, la perspective se
dédouble : il s’agit d’abord des chrétiens
en général, puis, à partir de la question de
Pierre, des responsables pastoraux en particulier.
La
vigilance chrétienne
Dans
les tâches quotidiennes, il faut rester sur le qui-vive, dans
l’attente de celui qui peut arriver à n’importe
quelle heure. Mais, malgré la parabole, cette attente déborde
la relation entre maître et serviteurs, puisque ces derniers
verront le Maître les honorer gratuitement de son propre
service. L’Ancien Testament décrit parfois le bonheur à
venir comme un banquet où l’on festoie entre ressuscités
(cf. Isaïe 25, 6-8). L’Évangile ajoute que le
Christ assurera pour l’éternité le rôle
qu’il définit ainsi, au soir du jeudi saint : « Je
suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc 22,
27). Une mini-parabole insiste sur la nécessaire vigilance :
un ** voleur ,
travailleur nocturne, n’annonce pas sa visite !
Le
livre de la Sagesse (1 ère
lecture) loue la paisible préparation du Peuple élu à
cette nuit pascale « connue d'avance ». Le
chrétien n’attend pas une nuit déterminée.
Nous laissons au Christ le droit de venir quand il le voudra ;
et nous nous interdisons la honte d’avoir à lui dire :
« Si tu m’avais prévenu, je me serais
préparé... »
La
responsabilité pastorale
Avec
la question de Pierre, « le Seigneur »
(ressuscité), maître de l’Église,
interpelle ceux qui ont mission de donner « le blé »
de la Parole au « petit troupeau ». « Mon
maître tarde à venir »... Chaque pasteur est
tenté de se dire que rien ne presse dans sa gestion, de
prendre ses aises et de se laisser aller à l’autoritarisme
(« frapper serviteurs et servantes »). Luc
admet, excuse, que tel pasteur n’a pas bien compris ses
responsabilités : « il recevra un petit nombre
de coups. » Ce n’est qu’une parabole. Il
n’empêche. Comme Paul l’avait déjà
relevé (cf. 2 Corinthiens 11, 20), l’autoritarisme est
le péché originel menaçant les pasteurs et le
Seigneur ne laissera pas passer ce péché que sa Passion
est venue combattre.
* « Le
petit troupeau » .
L’expression souligne le caractère minoritaire de ceux
qui se réclament du Christ et le danger pour eux de déserter,
faute d’endurance. Alors (21 e
dimanche C), « N’y aura-t-il que peu de gens à
être sauvés ? » Si les prophètes
avaient compris, de fait, que Dieu referait ce monde à partir
d’un petit reste, nous risquons parfois de nous prendre pour
« un reste » privilégié. Que les
croyants soient minoritaires n’est pas un gage de salut, mais
le devoir de faire valoir leur foi dans la société où
ils vivent.
** Le
Voleur .
Les Israélites faisaient du « jour du Seigneur »
le Jour J où Dieu anéantirait tous leurs ennemis. Le
prophète Amos (5, 18-20) les avait détrompés :
ce Jour serait une mauvaise surprise pour un peuple perverti. Jésus
avait prolongé le même message : ce Jour viendrait
« comme un voleur » sur ceux qui ne se
convertissent pas (cf. 1 Thessaloniciens 5, 1-2). La deuxième
génération chrétienne fit du Christ lui-même
le Voleur. L’essentiel de ce mystère reste notre devoir
de vigilance.
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