Sainte Marie Mère de Dieu, (1er
janvier 2023)
Nombres 6, 22-27 (Vœux
de paix et de bonheur)
Au
seuil de l’an nouveau s’échangent des vœux
de prospérité et de bonne santé. La liturgie,
elle, nous offre la parole efficace de Dieu dans cette « bénédiction
sacerdotale ». Ce texte semblait si sacré que les
prêtres qui seuls pouvaient le prononcer ne le disaient qu’en
hébreu à la synagogue, sans le traduire en araméen,
la langue du peuple. Cette bénédiction se déploie
en trois formules :
1)
« Que le Seigneur te bénisse et te garde » :
« Bénir c’est accroître la vie des
hommes, garder c’est la protéger contre tout ce qui la
menace. Les deux actions se complètent » (P. Buis).
2)
« Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage... »
Entrant en présence du souverain, nous souhaitons qu’il
nous offre un visage souriant, signe de ses bonnes dispositions
envers nous.
3)
« Que le Seigneur tourne vers toi son visage... »
Quand Israël est dans le malheur, il dit que Dieu a “ détourné
son visage ” (cf. Psaume 44 [43], 25). Que Dieu nous
regarde, qu’il s'occupe de nous, et son regard nous apportera
la paix – en hébreu shalom, c’est-à-dire
le bien-être, une pleine harmonie avec nous-mêmes, avec
les autres, avec la création, et avec Dieu.
La
bénédiction invoque trois fois le nom du « Seigneur »
(Yahweh), pour marquer sa pleine présence. Au seuil de l’an
nouveau, nous souhaitons une relation de paix sans nuage avec notre
Dieu, un bien plus précieux que la santé.
Un
texte biblique ne vaut pas seulement par son sens littéral
premier, mais par le surcroît de sens que lui ont donné
des générations de croyants. Dans le targoum araméen
des synagogues anciennes, cette bénédiction est ainsi
paraphrasée : « Que le Seigneur te bénisse
en toutes tes occupations ! Qu’il te garde des démons
de la nuit et des mauvais esprits, des démons de minuit et des
démons de l’aurore, des démons des ruines et des
démons du soir. » La valeur protectrice de cette
bénédiction a perduré dans l’histoire
chrétienne. François d’Assise avait recopié
ce texte biblique de sa propre main pour que frère Léon
le porte sur lui en une période de tentations et de
dépression. Ainsi ce texte est devenu la prière des
familles franciscaines.
Galates 4, 4-7 (Le
Fils de Dieu né d’une femme)
Paul
résume ici l’aventure chrétienne : sans la
foi, nous étions des « esclaves ». Nous
voici devenus libres et, mieux encore, « fils ».
Aux versets 1 à 3, il rappelait qu’à son époque
et dans sa société, l’enfant ne se distinguait
guère de l’esclave, puisqu'il se trouvait soumis à
toutes sortes de tutelles, jusqu’au jour où son père
le déclarait majeur. Paul songe à une double situation
d’enfance assujettie, d’immaturité : celle du
païen, servant des dieux trompeurs, et celle du Juif, sujet de
la Loi mosaïque.
Or,
à présent, Dieu « a envoyé son Fils »
avec mission de payer notre affranchissement de toutes ces tutelles.
Le prix que payait le Christ pour cela était simplement celui
de l’amour : une vie de solidarité, jusqu'à
la mort, avec ceux qui « sont sujets de la Loi ».
Dieu a aussi envoyé en nous l’Esprit de son Fils et nous
entrons ainsi dans la relation de respect et d’amour qu’il
a avec ce Fils. L’esclave n’a pas la parole. Au
contraire, l’Esprit nous fait parler librement à Dieu
comme à notre père, et même à notre
« papa », selon le mot araméen Abba
par lequel Jésus s’adressait à Dieu (voir Marc
14, 36).
Huit
jours après Noël, l’Église honore *Marie
par qui s’est réalisée, dans la simplicité
d’un accouchement, cette union de Dieu avec l’humanité :
car le Fils qui nous rachète est « né d'une
femme ».
*Marie.
Nulle part ailleurs Paul ne fait allusion à
Marie. Notons le parallèle qu’il établit ici :
« né d'une femme, né sous la Loi ».
Cette double expression souligne d’abord la condition fragile
du Fils, solidaire d’une humanité assujettie. Comme
d'autres sages, Job s’exclamait : « L’homme,
né de la femme, a la vie courte et des tourments à
satiété ! » (Job 14, 1). C’est
l’honneur de Marie d’avoir introduit le Fils de Dieu dans
notre faiblesse.
Luc 2,
16-21 (Jésus fils de Marie)
L’épisode
se déploie en quatre phases : c’est d’abord
le message des bergers, puis les réactions intérieures
de Marie et l’élargissement de l’annonce des
bergers, première prédication de l’Évangile,
et enfin la nomination de Jésus, lors de sa *circoncision
« le huitième jour ».
L’annonce
des bergers
Enfin,
les bergers arrivent à la crèche ! L’évangile
fait suite à celui que nous entendions la nuit de Noël.
Les bergers ont obéi à l’ordre implicite de
l’Ange et ils trouvent le signe annoncé : « le
nouveau-né couché dans une mangeoire ».
Modèle des pauvres qui ont reçu l’Évangile,
ils deviennent à leur tour missionnaires, racontant ce que le
Ciel leur a révélé (l’apparition d’un
Sauveur, d’un Messie, d’un Seigneur). Outre Marie et
Joseph, se trouvent sans doute là des parents et des voisins,
car Luc imagine la présence d'un auditoire. Et comme plus tard
la prédication des apôtres, les paroles des bergers
suscitent déjà deux réactions opposées :
les uns en restent à un « étonnement »
stérile, les autres accueillent le message (comparer Actes 17,
32-34 ou 28, 24-25).
Marie retenait tous ces
événements
Ce
deuxième camp est représenté par Marie, modèle
de l’Église des humbles qui fait confiance à la
Parole de Dieu. Selon l’évangéliste, Marie va de
découverte en découverte, lorsqu’elle écoute
l’ange Gabriel, puis Élisabeth, puis les bergers, avant
de se laisser bientôt déconcerter par l’attitude
du jeune Jésus retrouvé au Temple (Luc 2, 41-50).
Disposée à l’accueil du mystère de Dieu,
« elle retenait toutes ces choses et les méditait
dans son cœur ». Ces paroles rappellent l'attitude
de Daniel essayant de comprendre sa vision du Fils de l’homme
et « gardant ces choses dans son cœur »
(Daniel 7, 28), dans l’espérance de leur
accomplissement. Si, en cette fête, nous saluons Marie comme la
Mère de Dieu, ce titre lui vient d'abord de son écoute
silencieuse, disponible et constante de la Parole de Dieu qui se
livre au fil et au cœur des événements.
Les bergers, messagers de
l’Évangile
Les
bergers ont constaté et proclamé ce qui leur avait été
annoncé. Ils repartent en rendant grâce publiquement
« pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu ».
Leur mission continue donc. Luc dessine en eux la figure des premiers
apôtres. Car, plus tard, Pierre et Jean diront devant le
tribunal : « Nous ne pouvons pas taire ce que nous vu
et entendu » (Actes 4, 20), à savoir la puissance
du Christ ressuscité.
Le Nom de Jésus
Le
texte s’achève par une mention très sobre du rite
de la circoncision, pratiqué selon la règle exacte huit
jours après la naissance. Ce rite scellait l’identité
juive du nouveau-né, comme le signe de la Loi de Moïse et
de l’Alliance conclue par Dieu avec Abraham. On ne saurait
mieux illustrer l’affirmation de Paul (2e
lecture) : « Il est né d’une femme, il a
été sujet de la Loi. » L’évangéliste
insiste davantage sur l’imposition à l’enfant du
nom de Jésus
(c’est-à-dire « le Seigneur sauve »),
dernière mention de l’obéissance de Marie à
la parole de Dieu (voir Luc 1, 31).
*La circoncision de Jésus. C’est cet
événement que, selon le calendrier, la liturgie salue,
« le huitième jour » (l’octave)
après la nativité du Seigneur. Avant le Concile Vatican
II, ce jour s’intitulait « la Circoncision de Notre
Seigneur » et saluait ainsi l’enracinement humain de
Jésus et la continuité de l’Alliance divine avec
le Peuple élu : « Le Christ s’est fait
ministre des circoncis en raison de la vérité de Dieu
pour confirmer les promesses faites aux pères »
(Romains 15, 8).