29e dimanche ordinaire C (16 octobre 2022)
Exode 17, 8-13 (
La
prière persévérante de Moïse obtient la
victoire)
Depuis
le passage de la mer Rouge, les Israélites marchent vers le
Sinaï où Dieu fera alliance avec eux et, dans le présent
épisode situé à Rephidim, ils ne sont près
d’y arriver. Cette route abonde en épreuves dont Dieu
vient à bout, patiemment. Après la faim et la soif,
surmontées par le don de la manne (Exode 16) et de l’eau
vive (Exode 17, 1-7), voici la guerre, avec l’irruption des
Amalécites, peuple du Sud du désert, qui resteront,
jusqu'au temps de David, un ennemi traditionnel (1 Samuel 1, 1 ;
27, 8). Dieu donne la victoire à son peuple, grâce à
*la prière de Moïse, modèle de demande
persévérante que la liturgie met en parallèle
avec l’évangile de ce jour. L’épisode veut
dire que, de génération en génération, la
prière de Moïse protège toujours le peuple de Dieu
contre ses adversaires.
Le récit souligne la
collaboration des chefs du Peuple élu : Josué assure la
direction militaire. En tant que prophète, Moïse
intercède pour les siens ; il a déjà rempli
cette fonction lors de l’affaire du veau d’or (24e
dimanche). Il est assisté par son frère Aaron, qui
représente le sacerdoce. Hour, autre collaborateur et portant
un nom égyptien (Horus), n’est mentionné qu'une
autre fois, en Exode 24, 14.
On note aussi la fatigue de
Moïse. Car le Peuple de Dieu est une grande nation. Bientôt,
sur le conseil de son beau-père Jéthro, le prophète
instituera des juges pour le seconder (cf. Exode 18, 13-27).
* La prière de Moïse. Le texte ne
parle pas de la prière de Moïse. Il la suggère
seulement, à travers la posture du prophète. Dans les
traductions araméennes glosées qu’on lisait à
la synagogue (les targoums), ce motif était nettement
explicité. Une des versions dit que « Moïse
élevait ses mains en prière vers son Père qui
est dans les cieux ». Une autre version ajoute la
résolution prise par Moïse, la veille du combat :
« Demain, moi, je me tiendrai dans le jeûne. »
Enfin, une autre paraphrase explique le contenu de la prière
du prophète. Il fait mémoire, devant le Seigneur, des
mérites des patriarches et de leurs épouses. Ils ont
toujours eu confiance en Dieu; ils peuvent donc intercéder
auprès du Seigneur, puisque le Peuple en danger témoigne
aujourd’hui de la même foi : « Les mains
de Moïse restèrent levées en prière,
rappelant la foi des pères justes, Abraham, Isaac et Jacob, et
rappelant la foi des mères justes, Sara, Rébecca,
Rachel et Léa, jusqu'au coucher du soleil. »
2 Timothée 3,
14 – 4, 2 (
Méditer l’Écriture pour
proclamer la Parole)
Plus
qu’une exhortation adressée aux responsables chrétiens,
le texte fait déjà de Timothée l’exemple
du vrai pasteur des années 80. Celui-ci fonde son travail sur
l’enseignement des « maîtres »,
c’est-à-dire de Paul et de ses collaborateurs dans la
mission. En outre, il a reçu, « dès son plus
jeune âge », une éducation chrétienne
qui lui a fait connaître « les textes sacrés »,
lesquels incluent peut-être les lettres de Paul déjà
publiées. C’est, dans l’ensemble du Nouveau
Testament, le seul endroit qui caractérise tout passage
biblique comme « inspiré par Dieu » (en
grec théo-pneustos, soufflé par Dieu). Car si
les auteurs de la Bible mettent en œuvre leur intelligence et
leurs talents, c’est Dieu qui s’adresse à nous à
travers eux/
Ainsi formé, le
pasteur apparaît avant tout comme un éducateur qui, à
partir de la Parole de Dieu, « dénonce le mal,
redresse, critique et encourage » ceux qui lui sont
confiés. Sa sagesse se manifeste dans sa patience et « le
souci d'instruire ». Que le pasteur cultive de telles
vertus a valeur d’exemple pour les fidèles. Mais il y va
aussi de son propre salut. Car lui aussi sera évalué
sur son « bon travail » pastoral, par « le
Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts ».
Le début de la Lettre
faisait dire ceci à Paul : « Je sais en qui j'ai
mis ma foi, et je suis sûr qu’il est assez puissant pour
sauvegarder jusqu’au jour de sa venue l’Évangile
dont je suis le dépositaire » (2 Timothée 1,
12). Pour l’Église, cet Évangile comprend aussi
la prédication de Paul.
Luc 18, 1-8 (
Parabole de la veuve qui demandait justice)
La parabole du juge inique et
de la veuve importune se greffe sur un enseignement de Jésus
concernant la venue du règne de Dieu. Ce Règne est déjà
présent au coeur de ce monde, dit-il aux pharisiens. Mais,
annonce-t-il aux disciples, sa plénitude s'épanouira de
manière totalement imprévisible, lors de la
manifestation du juge céleste, le Fils de l’homme (Luc
17, 20-37).
En
attendant, ceux qui espèrent ce Règne de bonheur,
spécialement les petits et les opprimés, doivent
« toujours prier sans se décourager ».
L’anecdote met en scène une veuve, représentative
des catégories sociales défavorisées de
l'époque, comme aussi l'orphelin et l'immigré. On
retrouvera une autre veuve remarquée par Jésus au
Temple (Luc 21, 1-4). Ici, cette femme obstinée, peut-être
victime d’un débiteur indélicat (cf. Luc 20,
46-47), se trouve confrontée à un juge sans scrupule et
surtout paresseux. Mais, finalement, elle obtient gain de cause pour
les raisons peu honnêtes que le récit se plaît à
étaler en dévoilant avec quelque ironie les pensées
perverses du magistrat. L’évangéliste « conseille
aux croyants d’avoir l’audace de “déranger”
Dieu » (S. Beaubœuf, La montée à
Jérusalem, p. 104).
En
effet, la leçon ressemble à celle de la parabole de
l’ami importuné (Luc 11, 5-8). Elle fonctionne sur le
mode de l’a fortiori. Si déjà un « juge
sans justice » en vient à exaucer les plaintes
incessantes et importunes de la veuve, à combien plus forte
raison Dieu qui, par définition, est le juste juge,
exaucera-t-il *notre prière. Oui, Dieu veut nous
« faire justice ». D’une manière
ou d’une autre, il répond à notre désir de
voir les bienfaits de son Règne. Les disciples du Christ sont
« ses élus », ceux à qui il
destine ses promesses de bonheur (cf. les béatitudes, Luc
6,20-23), spécialement ceux « qui crient vers lui
jour et nuit ». Et c’est, plus que Jésus, le
Seigneur de l’Église qui conclut par cette promesse.
Cependant, le sens de la
parabole rebondit avec une question finale. De toute façon,
« le Fils de l'homme viendra »,
inéluctablement. Mais « trouvera-t-il la foi sur
terre ? » Jésus n’exprime pas par là
un scepticisme désabusé sur la survie de la foi et
l’avenir de la communauté des croyants. Il interpelle
plutôt son Église, à chaque génération.
La prière incessante suppose avant tout la foi. La prière
qui ne se décourage pas est le meilleur témoignage de
notre foi car notre ténacité en la matière
implique que nous tenons à ce que nous demandons, que nous lui
accordons beaucoup de prix. Et ce à quoi nous devrions tenir
le plus est d’abord ce que Dieu lui-même nous propose par
la voix de Jésus et qui se trouve résumé dans la
prière du Notre Père : « Que ton Règne
vienne ! »
L’évangile de
dimanche prochain prolongera cette leçon sur la prière,
à travers la parabole du pharisien et du publicain.
* Notre prière. « On dit que
les moines d’Égypte ont des prières fréquentes,
mais très courtes et comme lancées à la dérobée,
pour éviter que se détende et se dissipe, en se
prolongeant trop, cette attention vigilante et soutenue si nécessaire
à l’homme qui prie. Ils montrent par là que l’on
ne doit pas accabler cette attention, quand elle ne peut se
maintenir ; mais de même, si elle se maintient, il ne faut
pas l’interrompre trop tôt. (…) La prière
ne doit pas comporter beaucoup de paroles, mais beaucoup de
supplication, si elle persiste dans une fervente attention. Car
beaucoup parler lorsqu’on prie, c’est traiter une affaire
indispensable avec des paroles superflues. Beaucoup prier, c’est
frapper à la porte de celui que nous prions par l’activité
insistante et religieuse du cœur. Le plus souvent, cette
affaire avance par les gémissements plus que par les discours,
par les larmes plus que par les phrases » (saint Augustin
[354-430], Lettre à Proba).