2e
dimanche de l’Avent A (4 décembre 2023)
Isaïe 11, 1-10 (Le
Messie, roi de paix)
Le
prophète Isaïe est déçu par les rois de
Jérusalem et surtout par Ézékias (716-687). La
belle plantation semée par Jessé et son fils le roi
David, sa dynastie, se trouve réduite à l’état
de souche morte. Mais Dieu promet un rejeton plein de vie :
remontant aux racines, il fera surgir un nouveau David. Ce roi idéal
recevra tous *les dons de l’Esprit et il gouvernera
comme Dieu lui-même, sans juger « d’après
les apparences » trompeuses. Vêtu comme un guerrier,
il combattra pour la justice, mais une seule arme lui suffira :
« sa parole ».
Cette justice favorisera
avant tout le pauvre, l’opprimé : « le
lion, comme le bœuf, mangera du fourrage... » ;
et tant pis si le lion n’y trouve pas son compte ! Car,
symboliquement, les bêtes féroces, les oppresseurs de
tout acabit, se calmeront pour que vivent en paix les animaux sans
défense. Toute méchanceté aura disparu car,
grâce à l’exemple de ce roi, le Messie, tous
auront « la connaissance » de ce que le
Seigneur propose aux hommes pour qu’ils soient heureux. Ce
programme séduira tous les peuples, ajoute un disciple
ultérieur d’Isaïe dans le dernier verset de notre
lecture, même auteur peut-être que celui de la 1ère
lecture de dimanche dernier (Isaïe 2, 1-4).
Tel
est « le Royaume des cieux » annoncé par
le Baptiste (évangile) et par les Béatitudes (Luc 6,
20-21) ; telle est l’espérance dont témoigne
l’Église quand celle-ci combat ses propres divisions
(2e lecture).
*Les dons de l’Esprit. Le Messie recevra de
Dieu la sagesse, le discernement, le conseil, la force, la science,
la crainte de Dieu. À ces six qualités, la traduction
grecque de la Bible ajoute la piété. La liste des
« sept dons » du Saint-Esprit vient de ce
texte. Baptisés et confirmés, nous partageons ainsi
l’identité du Christ. Par de tels dons, nous sommes donc
d’abord appelés à lutter avec lui pour la justice
en faveur des pauvres.
Romains 15, 4-9 (L’espérance
offerte par l’Écriture s’étend à
toutes les nations)
Les
chrétiens de la ville de Rome venaient les uns du judaïsme,
les autres du paganisme ; ce qui ne facilitait pas l’unité.
Paul leur a rappelé longuement, au long de cette épître
qui touche ici à sa fin, qu’il n’y a pas de
différence entre eux. Tous, en effet, nous sommes sauvés
par l’amour gratuit de Dieu, et non par l’étalage
de nos mérites ou de nos origines. L’Apôtre tire
maintenant les conséquences pratiques.
Il se réfère
aux « livres saints » de l’Ancien
Testament. Ceux-ci ont annoncé le Christ qui a cédé
à ses persécuteurs en vue de sauver même ses
ennemis (lire Romains 15, 1-3). Cela était écrit « pour
nous instruire », pour nous inculquer « la
persévérance ». Paul parle même,
littéralement de « l’encouragement des
Écritures ». L’écoute de la Parole
nous fait louer le même Dieu, par-delà nos différences.
Bref, Juifs ou païens,
« accueillez-vous les uns les autres » dans
l’Église. Les païens se rappelleront que le Christ,
durant sa vie terrestre, s’est mis au service de ses frères
juifs. Les Juifs reconnaîtront que le Christ accueille aussi
les païens, pour que Dieu devienne le Dieu de tous les humains
comme le prédisait l’Écriture. Au temps de
l’Avent, nous chantons les mêmes espérances,
malgré nos divisions. C’est l’écoute de la
Parole de Dieu, Parole écrite pour nous, qui surmonte nos
différences et nous tourne vers l’avenir. Car notre Dieu
est *le Dieu de
l’espérance.
*Le
Dieu de l’espérance. « On supporte
difficilement de ne pas posséder Dieu, d’attendre Dieu.
Il n’est pas facile de parler de Lui, sans se convaincre
soi-même, ainsi que les autres, que nous possédons Dieu
et que nous pouvons en disposer. Il n’est pas facile d’annoncer
Dieu et de faire comprendre en même temps que nous-mêmes
nous ne le possédons pas, que, nous aussi, nous l’attendons.
Je suis convaincu que la révolte contre le christianisme est
due en grande partie à la prétention, visible ou
dissimulée, qu’ont les chrétiens de posséder
Dieu, et à la perte de l’élément
d’attente, si décisif chez les prophètes et les
apôtres. Ils ne possédaient pas Dieu, ils
l’attendaient » (Paul Tillich).
Matthieu
3, 1-12 (Jean Baptiste annonce que le Messie vient juger le
monde)
Le
Baptiste appelle Jésus « celui qui vient derrière
moi », c’est-à-dire un disciple. De fait,
Jésus s’engagea d’abord dans le cercle de Jean et
comme le disciple de ce dernier. Puis il forma son propre groupe ;
d’où les tensions évoquées par Jean 3,
22-24 et 4, 1-3. Après l’Ascension, les relations
restèrent tendues entre les communautés baptistes et
les Églises chrétiennes. Les sources auxquelles puise
Matthieu présentent le Baptiste sous un angle satisfaisant
pour les chrétiens : elles considèrent Jean comme
le précurseur de la mission de Jésus.
« En ces jours-là
paraît Jean le Baptiste »
1)
Jean exerce son ministère « dans le désert
de Judée » où il proclame ce message :
« Préparez le chemin du Seigneur. » Les
sauterelles grillées et le miel sauvage assurent la survie
dans les lieux arides et signifient un exode volontaire en marge de
la société de consommation. Par ces signes, Jean invite
Israël à un nouvel Exode, celui d’une conversion
signifiée par le baptême dans le Jourdain. Car la
traversée du fleuve avait marqué autrefois le passage
du désert à la Terre promise (Josué 3).
2)
Par son costume, analogue à celui d’Élie (cf. 2
Rois 1, 8 ; Zacharie 13, 4), Jean est l’ultime résurgence
des prophètes depuis longtemps disparus. Il motive son appel à
la conversion par un événement : « Le
Royaume des Cieux est tout proche. » En d'autres termes,
Dieu arrive et va exercer sur vous son pouvoir souverain. Jésus
proclamera le même message (Matthieu 4, 17), mais il concevra
le Royaume des Cieux, un événement heureux, bien
autrement que son précurseur qui n’envisage que le
terrible jugement de Dieu.
« Alors
Jérusalem, toute la Judée... » viennent à
Jean. Cette notice montre l’horizon « judéen »
(c’est-à-dire « juif ») de la
mission du Baptiste. Jésus, lui, paraîtra en Galilée
(Matthieu 4, 12-13), une terre où se mêlaient,
semble-t-il, Juifs et païens. Matthieu évoque ensuite
« les pharisiens et les sadducéens »,
les courants les plus opposés entre eux et les plus influents
du judaïsme d’alors. L’Évangile souligne
ainsi l’universalisme du Baptiste : être descendant
d’Abraham (ou membre de l’Église ?) ne
constitue pas un billet gratuit pour obtenir le salut. Le jugement de
Dieu mettra à égalité tous les hommes selon
qu’ils auront ou non produit « le fruit »
de la conversion.
Jean le Précurseur
À
ce message, la tradition évangélique ajoute l’annonce
de celui qui opérera le grand nettoyage : c’est le
« plus Fort », le Messie. Le baptême
qu’il apportera ne sera pas un rite, mais un jugement radical
par l’Esprit Saint, souffle puissant de Dieu, et feu
purificateur « qui ne s’éteint pas ».
Le message de Jean est
correct. Si nous aimons Dieu, nous lui donnons le droit de juger
notre comportement. Mais Jésus rompra avec la sévérité
du Baptiste : l’accès au Royaume des Cieux n’est
rien d’autre que le chemin des Béatitudes. Enfin
Matthieu a supprimé ce que disent Marc et Luc, à savoir
Jean proclamait « un baptême de repentir pour la
rémission des péchés » (Marc 1, 4 ;
Luc 3, 3). Pour Matthieu, la rémission des péchés
n’est pas le fruit du baptême de Jean, mais du sang du
Christ versé par amour pour nous (voir Matthieu 26, 28).
*La voix. Les évangiles définissent
le Baptiste comme « la voix » du héraut
qui annonce et prépare le cortège royal du Seigneur. Ce
texte ouvrait la deuxième partie du livre d’Isaïe
(40, 3). Si Israël était né au désert, lors
de la sortie d’Égypte (voir Deutéronome 32,
10-12), Isaïe 40 annonçait un nouvel Exode : à
travers le désert, Dieu marcherait en tête de son peuple
pour le libérer de son exil à Babylone. À
présent, à l’écoute de Jean, le dernier
prophète, il faut vraiment préparer la venue royale du
Seigneur Jésus et notre ultime exode, celui de notre
conversion.