Parole de Vie..   
Commentaires du Père Claude Tassin

31e dimanche ordinaire C (30 octobre 2022)




Sagesse 11, 23 – 12, 2 (Dieu aime toutes ses créatures)



Le Sage juif d’Alexandrie, auteur de cette œuvre, vers 50 avant notre ère, consacre la dernière partie de son ouvrage à une méditation sur l’Exode d’Israël. Il vient de dénoncer les Égyptiens qui adorent des bêtes privées de raison. Il constate avec ironie que Dieu aurait pu châtier leur idolâtrie en envoyant sur eux des animaux féroces, et non les simples moustiques et grenouilles des plaies d'Egypte (cf. 11,15-20).

Mais non, poursuit à présent le Sage ! Dieu a pitié de tous les hommes, sans discrimination, et de tout ce qui existe. Il appelle ses créatures à la vie; il est lui-même « ami de la vie » et veille à leur conservation. Il les anime par son « souffle impérissable ». L'auteur songe ici à l’Esprit créateur évoqué dans le Psaume 103 [104], 29-30. Mais, pour d’éventuels lecteurs païens de ce temps, il évoque peut-être l’Esprit dans lequel les philosophes stoïciens voyaient le principe de l’unité de l’univers. Ainsi, Dieu apparaît comme le souverain idéal, équitable et bienveillant envers tous ses sujets. Il est aussi un éducateur patient qui reprend les fautifs et leur laisse le temps de revenir à la raison. Ce Dieu patient, Zachée le rencontrera en Jésus. Ajoutons que le Sage voit aussi en Dieu *un modèle d'humanité, de philanthropie.


* Dieu, modèle d'humanité. Le Sage poursuit, un peu plus loin : « Par ton exemple, tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain (littéralement : philanthrope), et tu as pénétré tes fils d’une belle espérance : à ceux qui ont péché tu accordes la conversion » (Sagesse 12, 19). Dans le bel ordre de la création et de l’histoire, l’auteur voit donc une invitation à imiter la bonté de Dieu. Jésus aurait aimé trouver chez les scribes et les pharisiens une semblable compréhension, lorsqu’il fréquentait les pécheurs.




2 Thessaloniciens 1, 11 – 2, 2 (Préparer dans la paix la venue du Seigneur)



Les derniers dimanches de l’année liturgique orientent nos regards vers la venue ultime du Seigneur Jésus, au terme de l’histoire, cette venue que l’on appelle la Parousie. Paul avait écrit à ce sujet aux Thessaloniciens, dans sa première lettre. Quelques années plus tard, on a déformé sa pensée, et un disciple doit corriger les déviations en écrivant une « Seconde Lettre ». Paul avait loué les Thessaloniciens pour leur « foi active » (1 Thessaloniciens 1, 3). Ici, on souhaite que les destinataires aient cette foi active, qu’ils fassent le bien et que le Seigneur les trouve dignes de l’appel à l’attendre. Ainsi seulement sera-t-il content d’eux (il aura en eux sa gloire), et eux, contents de lui.

« Au sujet de la venue de notre Seigneur Jésus Christ », ces chrétiens ont entendu des « révélations » et lu des écrits mis sous le nom de Paul, annonçant *une proche Parousie. Tout cela a plongé certains chrétiens dans une excitation malsaine et les a conduits à une attente passive, à une démission du quotidien.

Le chrétien garde sur son horizon la certitude de la venue du Seigneur qui achèvera notre histoire et lui donnera tout son sens. Mais il s’agit d’une attente aimante qui se traduit par une foi active et l’accomplissement quotidien du bien.


* Une proche Parousie ? « Un instant apparu parmi nous, le Messie ne s’est laissé voir et toucher que pour se perdre, une fois encore, plus lumineux et plus ineffable, dans les profondeurs de l’avenir. Il est venu. Mais maintenant, nous devons l’attendre encore et de nouveau – non plus un petit groupe choisi seulement, mais tous les hommes – plus que jamais. Le Seigneur Jésus ne viendra vite que si nous l’attendons beaucoup. C’est une accumulation de désirs qui doit faire éclater la Parousie » (P. Teilhard de Chardin).



Luc 19, 1-10 (Zachée : la conversion d’un riche)



Avec cette étape à Jéricho, le voyage de Jésus vers Jérusalem touche à sa fin. À l'entrée de Jéricho, le mendiant aveugle a été guéri et sauvé par celui qu'il a confessé comme « Fils de David » et « Seigneur » (Luc 18, 35-43). Voici à présent la visite chez Zachée. Son nom grec est peut-être une abréviation de l’hébreu Zekariah signifiant « Dieu se souvient ». Le personnage n’est pas un de ces publicains anonymes qui ont défilé au long de l’évangile, mais un « chef » dans la corporation, et un riche. Or, on sait combien, pour Luc, l’argent, si l’on en est esclave, peut faire obstacle aux appels de Dieu (cf. 18, 18-27).

Le désir « de voir qui est Jésus » – car Jésus est venu pour que les aveugles voient (Lc 4, 18) – habite si fort Zachée que, perdant toute retenue, l’homme retrouve son ardeur juvénile pour aller se percher sur un arbre. Mais l’initiative décisive vient de Jésus qui fait de cette rencontre un événement pressant (« descends vite »), porteur de salut. « Aujourd'hui » (c’est-à-dire l’aujourd'hui de la grâce, cf. Luc 4, 21)), « il faut » (c’est-à-dire selon la volonté de Dieu) « que je demeure dans ta maison », dit Jésus. L’empressement et la joie de Zachée soulignent une dernière fois la relation de confiance entre *Jésus et les pécheurs. Ce ne sont plus, à présent, les scribes et les pharisiens qui s’insurgent contre de telles fréquentations, mais « tous », dont peut-être certains disciples chrétiens, comme on le soupçonnait sous les trois paraboles de la miséricorde (Luc 15).

La seconde initiative de Zachée s’adresse au Seigneur, Maître de l’Église à venir. L’homme, dont le récit avait souligné la petite taille, se trouve maintenant debout, s’avançant vers le Seigneur. Il exprime une double conversion : il s’engage à partager avec les pauvres la moitié de son avoir ; et, sur le reste, il rendra au quadruple ce qu’il a pu extorquer dans ses fonctions de publicain (quatre moutons pour un mouton volé, dit la Loi, en Exode 21, 37). « Sa richesse, contrirement à celle du mauvais riche en 16, 19-31 (…), devient légitime grâce à la distribution qu’il en fait » (S. Beaubœuf, La montée à Jérusalem, p. 113) Nous sommes à l’opposé d’un épisode précédent : « L’homme devint profondément triste, car il était très riche » (Luc 18, 23).

Jésus conclut l’événement. Par cette rencontre et le repentir du pécheur, c’est « l’aujourd’hui » du salut offert à tous qui se produit. La prochaine fois que Jésus prononcera cet adverbe, ce sera au Calvaire, à l’adresse du criminel repenti : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis" (Luc 23, 43). De quelque manière, l’histoire de Zachée anticipe le fruit de la Croix du Christ.

Pour l’heure, le pécheur a cru et, grâce au pardon de Jésus, il est pleinement redevenu « fils d'Abraham ». Jésus avait guéri une femme « possédée par un esprit mauvais ». En la délivrant, il l’avait, elle aussi, rétablie dans sa dignité de « fille d'Abraham » (Luc 13, 10-17). C’est bien la relation avec Jésus qui nous fait membres du Peuple de Dieu.

« Venu appeler non les justes, mais les pécheurs, pour qu’ils se convertissent » (5, 32), Jésus rappelle discrètement ici qu’il est aussi le bon pasteur, « venu chercher et sauver ce qui était perdu » (comparer Luc 15, 6).


* Jésus et les pécheurs. « La sympathie de Jésus était particulièrement marquée à l’égard de ceux qui souffraient d’un sentiment maladif de culpabilité. Son affirmation “Tes péchés sont pardonnés” leur rendait le respect d’eux-mêmes et libérait leur énergie morale. Mais cette affirmation ne cherchait pas à faire croire que le sentiment de culpabilité fût en lui-même illusion morbide, ni que les patients se fissent du souci en vain. Leur acceptation du pardon signifiait à la fois qu’ils reconnaissaient une règle morale à laquelle ils avaient failli et qu’ils avaient l’intention de s’amender. Que Jésus ait suscité non seulement l’intention, mais le changement effectif de la volonté, on le perçoit dans ces récits.

Si Jésus disait que “les percepteurs et les prostituées” étaient des sujets plus prometteurs que les scribes et les pharisiens, c’était en ce sens qu’ils étaient libres de la satisfaction des gens se targuant de leur propre piété. Ils étaient plus prêts à écouter le médecin » (C. H. Dodd).



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