Parole de Vie..   
Commentaires du Père Claude Tassin

32e dimanche ordinaire C (6 novembre 2022)




Second livre des Martyrs d’Israël 7, 1-2.9-14 (Sept frères meurent martyrs dans l’espérance de la résurrection)


Dans le Second livre des *Maccabées (ou « des Martyrs d’Israël »), la mise à mort des sept frères anonymes et de leur mère constitue un sommet dans la persécution. En 167 avant notre ère, le roi Antiochus Epiphane IV de Syrie, poussé peut-être par la bourgeoisie de Jérusalem, veut en effet contraindre les Juifs à abandonner leur foi ancestrale et à adopter le culte hellénistique, ou du moins à un culte juif « modernisé », selon les coutumes grecques. Ici, l’auteur célèbre l’espérance qui pousse les résistants à l’héroïsme : ils préfèrent la mort à l’apostasie, puisque leur fidélité sera récompensée par la résurrection.

Le premier des frères l’affirme : mieux vaut mourir plutôt que de pécher. Le deuxième précise que le roi terrestre peut leur enlever « la vie présente » ; mais « le Roi du monde » donnera à ses fidèles une « vie éternelle ». Selon le troisième, nos membres viennent du Créateur qui saura relever ceux qui meurent pour lui. Le quatrième insiste : la méchanceté humaine ne peut rien contre « la résurrection promise » et dont ne jouiront pas les ennemis de Dieu.

La foi en la résurrection est née de l'expérience du martyre et d’une confiance sans faille en la justice de Dieu : si, en effet, Dieu laisse mourir les siens, c’est que la mort n’est pas le dernier mot. Sur ce point, les pharisiens et Jésus partageront la même foi.


* Les Maccabées. Quatre livres portent le nom des « Maccabées ». Ce terme signifie « désigné par Dieu » ou bien « marteau » (pensons à Charles « Martel »). C’était d'abord le surnom de Judas qui, avec ses frères, lutta contre le roi de Syrie qui voulait imposer le culte païen à Jérusalem. Mais ce surnom désigna ensuite toute la famille du héros. Le Second livre des Maccabées se présente comme le résumé d’un gros ouvrage qu’avait composé un certain Jason, Juif de Libye. Cet abrégé, écrit vers 120 avant notre ère, insiste sur l’espérance en la résurrection qui animait les Juifs persécutés pour leur fidélité au vrai Dieu. Avant le Concile, les messes pour les défunts lisaient souvent 2 Maccabées 12, 43-46. C’est probablement à cause de cet emploi liturgique que l’humour des « carabins » inventa le mot « macchabée » et l’adjectif « macabre ».

La légende des sept frères martyrs se développa encore et les héros furent appelés eux-mêmes « Maccabées ». Saint Augustin connaît une basilique des « saints Maccabées » à Antioche. Les catholiques intègrent 1 & 2 Maccabées dans leur canon, mais non les Églises de la Réforme. Les orthodoxes tiennent pour canoniques 3 Maccabées (récit d’une persécution des Juifs à Alexandrie) et 4 Maccabées (discours théologico-philosophique sur le martyre). Dans la prochaine édition de la TOB, ces deux derniers livres seront désormais inclus.



2 Thessaloniciens 2, 16 – 3, 5 (Exhortation à la persévérance)


La lettre, peut-être écrite par un disciple de Paul plutôt que par Paul lui-même, corrige l’euphorie et le désengagement social de certains chrétiens qui attendent le jour du Seigneur comme imminent. Le mot clé est le verbe « affermir ». L’auteur souhaite d’abord aux lecteurs le réconfort fondé sur la certitude que Dieu « nous a aimés » et nous a donné, littéralement, « une bonne espérance ». Dans le paganisme ancien, cette expression évoquait le bonheur attendu dans l’au-delà, après la mort. Ici, « la bonne espérance » est liée à la venue du Seigneur et doit se traduire par la stabilité en tout ce que l’on peut « dire et faire ».

L’objet de la prière (« Priez aussi pour nous », les missionnaires), c’est «que le message de l’Évangile, « la parole du Seigneur poursuive sa course » et remplisse le monde, pour que vienne enfin le Seigneur. Paul écrivait : « Il est fidèle celui qui vous appelle : tout cela, il le fera » (1 Thessaloniciens 5,24). Notre auteur déplace l'idée. Le Seigneur est fidèle, reprend-il ; il vous protégera ; ainsi « vous faites et vous ferez ce que nous vous ordonnons ». La fidélité aux commandements des apôtres devient essentielle. Elle permet de trouver le droit chemin sur lequel « l'amour de Dieu » nous guide et où nous testons notre « persévérance », vertu clé pour quiconque espère la venue du Christ.



Luc 20, 27-38 (les morts ressusciteront)


Après le long voyage vers Jérusalem, la caméra de l’Évangéliste surprend Jésus exerçant sa mission dans la Ville sainte et s’affrontant aux autorités d’Israël pour qui il doit préciser les éléments fondamentaux de son message. Aujourd’hui, il débat avec les Sadducéens sur la foi en la résurrection que ces derniers refusent. Selon eux, venus surtout des classes aisées, Dieu recompense l’homme ici-bas et, pour eux, le succès et la richesse sont le signe de la bénédiction divine.

De fait, *la résurrection n’était pas un dogme inscrit dans la Loi de Moïse. Elle n’apparaissait que chez les prophètes (par exemple Isaïe 25, 6-8 ; 26, 19) ou dans des textes comme ceux de 2 Maccabées (1ère lecture), des écrits auxquels les aristocrates sadducéens n’accordaient pas d’autorité décisive. Certes, les Sadducéens croyaient en un Dieu maître de la vie et de la mort. Mais que cette maîtrise doive se concrétiser par une résurrection, répétons-le, n’était pas évident pour eux Mais pour les petites gens, accablés d’épreuves irrémédiables de toute sorte, nier la résurrection était les condamner au désespoir.

Avec le cas de la femme aux sept maris successifs, ces Sadducéens tentent même de prouver l’absurdité de l'idée de résurrection. Ils partent en l’occurrence de la loi juive du lévirat (Deutéronome 25, 5-6) demandant au frère d’un défunt d’épouser la veuve de celui-ci « pour donner une descendance à son frère ». En réponse, Jésus corrige d’abord une conception erronée de la résurrection. Il réaffirme ensuite, d’accord avec les pharisiens, la foi en cette résurrection.

1) Le mariage appartient à la condition terrestre et vise la perpétuation de la race. Mais ce but de la procréation cesse dans le monde de la résurrection, puisque celle-ci signifie une vie éternelle et une transformation radicale des êtres. Selon la pensée sémitique, Luc distingue entre « les fils de ce monde (charnel) » et « les fils de Dieu » ou « de la résurrection ». Certaines apocalypses juives envisageaient la résurrection comme une vie terrestre illimitée (Isaïe 65, 17-23) ; d'autres imaginaient une totale transfiguration des personnes. Jésus défend la seconde conception. Contre les thèses de la réincarnation, il affirme donc le destin unique de chaque être humain et sa vocation à une libération des pesanteurs charnelles et biologiques.

2) Jésus ne cite pas les prophètes, mais la Loi, seule autorité reconnue par ses interlocuteurs sadducéens. Dans l’épisode du Buisson ardent (Exode 3 – 4), le Seigneur se présente comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Si le Maître de la vie et de la mort évoque sa relation avec les patriarches, c’est bien qu’ils sont vivants. « Tous vivent pour lui », ajoute Luc. Il songe peut-être à la foi des martyrs (cf. 1ère lecture), eux qui n’imaginent pas trouver la vie hors de leur fidélité au « Dieu des vivants ».

Des sondages périodiques révèlent que certains chrétiens ne croient pas en la résurrection et sont en l’affaire des chrétiens… sadducéens. Mais peut-être se fait-on de la résurrection une idée trop matérialiste. En tout cas, c’est la foi en la résurrection qui a conduit Jésus, en sa propre foi, au don de soi total sur la croix.


* La résurrection. « Remarquons, mes bien-aimés, comment le Maître nous représente continuellement la future résurrection dont il nous a fourni les prémices en ressuscitant d’entre les morts le Seigneur Jésus Christ. Observons, mes bien-aimés, la résurrection qui s’accomplit périodiquement. Le jour et la nuit nous font voir une résurrection. La nuit se couche, le jour se lève ; le jour s’en va, la nuit survient. Prenons les fruits : comment se font les semailles, et de quelle manière ? Le semeur sort, jette dans la terre chacune des semences. Celles-ci, tombant, sèches et nues, sur la terre, se désagrègent. Puis, à partir de cette désagrégation même, la magnifique providence du Maître les fait ressusciter et un seul grain en fait pousser une quantité, qui portent du fruit.

Sera-ce donc à nos yeux prodige et merveille, que le Créateur de toutes choses ressuscite ceux qui l’ont servi saintement, avec la confiance de la foi parfaite ?" (Clément de Rome, fin du 1er siècle, Lettre aux Corinthiens).



Page précédente           Sommaire Paroles pour prier           Accueil site