Parole de Vie..   
Commentaires du Père Claude Tassin

33e dimanche ordinaire C (13 novembre 2022)



Malachie 3,19-20a (Le jour du Seigneur)


Le nom hébreu de Malachie signifie mon messager. De ce prophète, s’il a jamais existé (mais qui est alors cet anonyme ?), nous ne connaissons rien d’autre que six oracles écrits aux alentours de l’an 400 avant notre ère. Il exige une réforme du Peuple élu qui, à ses yeux, pratique un culte sans âme et pervertit l’institution du mariage (Malachie 2, 10-16) par des unions matrimoniales païennes. C’est le temps, comme il arrive dans l’histoire, de refonder une identité nationale et religieuse. Ses auditeurs ou lecteurs suivent son appel, mais ils ont l’impression que Dieu est injuste, puisqu’il laisse prospérer les pécheurs et semble ne pas faire de « différence entre le juste et le méchant » (Malachie 3, 18).

À cette plainte, Malachie répond par la prophétie traditionnelle, chez les prophètes, du *Jour du Seigneur. Ce jour de jugement sera une « fournaise » qui consumera « les arrogants », au sein du peuple de Dieu, et déracinera les pécheurs. Mais pour ceux « qui craignent son Nom », qui le respectent de manière filiale, Dieu se révélera comme un doux « Soleil de justice ». Cette justice est la loyauté de Dieu dans son projet de sauver les fidèles qui lui font confiance. « La guérison » promise est la restauration du bonheur attendu par les justes, qui sont trop souvent une minorité. Cette guérison, le Soleil la porte « dans ses ailes ». L’image évoque les statues du dieu solaire, dans les religions orientales antiques, dont les rayons venaient toucher le protégé de la divinité.

Les justes ont raison de persévérer. Annonçant son propre Jour, celui de sa venue en gloire à la fin des temps, Jésus dira : « C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie » (évangile du jour).


* Le Jour du Seigneur. Pour l’ancien Israël, le Jour du Seigneur était le jour final où Dieu anéantirait les oppresseurs de son peuple. Mais déjà Amos (5, 18-20) avertissait Israël : ce Jour jugerait aussi, au sein du Peuple élu, ceux qui se conduisent en ennemis de Dieu. Malachie retourne à nouveau les perspectives : sûrs de ce jugement, les fidèles de Dieu doivent persévérer dans leur chemin de conversion. Pour le chrétien, ce Jour sera celui du Seigneur Jésus qui prononcera un juste jugement sur notre histoire personnelle et collective. Que dire de ce fameux « jour du Seigneur » ? Nous ne le savons pas. Mais il faudra bien que l’histoire humaine ait une fin…



2 Thessaloniciens 3, 7-12 (Travailler en attendant le jour du Seigneur)


L’auteur, successeur de l’Apôtre, reprend et unifie ici deux thèmes que Paul présentait séparément en 1 Thessaloniciens :

1) L’Apôtre rappelait ceci : « C'est en travaillant nuit et jour, pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous, que nous vous avons annoncé l’Évangile » (1 Thessaloniciens 2, 9). Il ne se citait pas en exemple ; il précisait que son travail prouvait la gratuité d'un Evangile offert à tous, sans contrepartie.

2) En 1 Thessaloniciens 4,11-12, il demandait à ses lecteurs de travailler. Ainsi la communauté, composée surtout de prolétaires, s’insérerait pleinement dans la société. Car l'Evangile suscite des personnes responsables et non des asociaux. Les villes grecques, rappelons-le, regorgeaient de gens oisifs se nourrissant des déchets du marché.

L’auteur de 2 Thessaloniciens joint ces deux motifs. Il fait mine d’oublier que *le travail de Paul voulait témoigner de l’Évangile de la gratuité divine. Il montre, en revanche, « un modèle à imiter » pour des gens qui se marginalisent dans l’attente passive d’un miracle : la venue du Seigneur.

Au temps de cette épître, la sécurité de l’emploi était encore moindre qu’aujourd'hui. Il n’y a pas de miracle à attendre, mais un équilibre à trouver, un engagement dans la société, pour prouver que l’espérance n’est pas morte.


* Le travail de Paul. Jésus demandait aux Douze, ses envoyés, de dépendre des gens qui voudraient bien les loger et les nourrir. « Qui vous accueille, m’accueille » (Matthieu 10, 40), disait-il. Et Paul le sait : « Le Seigneur a prescrit à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l'Evangile" (1 Corinthiens 9, 14). Mais il désobéit. Car ce qui était possible dans la Galilée rurale devient un scandale dans les villes grecques en proie au parasitisme de gens oisifs. Pour être fidèle au Christ, il faut parfois aller contre la lettre de ses ordres.



Luc 21, 5-19 (Bouleversements et persécutions annoncent le jour du Seigneur)


Marc, Matthieu et Luc transmettent un discours de Jésus sur la fin des temps et sur la venue glorieuse du Fils de l'homme. Ils ouvrent le débat par l’annonce de la ruine du Temple. De fait, l’incendie du Sanctuaire de Jérusalem en 70 signifiait la fin d’un monde. Les chrétiens d’alors pouvaient voir dans cette destruction le jugement de Dieu contre le peuple qui avait repoussé son Envoyé, et certains pensaient sans doute que l’événement préludait à la venue imminente du Christ.

Dans cette description a posteriori (car Luc écrit son évangile quelque quinze ans après cet événement tragique), les disciples posent donc la question de la date de ce jugement et des signes qui en indiqueront l’approche. La réponse de Jésus se coule dans le style apocalyptique. Ce genre vise à encourager les auditeurs, à les garder sur le qui-vive, en leur montrant que Dieu, lui, sait où va le monde, et en leur révélant par avance les situations qui pourraient les affoler.

En sa première partie, lue aujourd’hui, le discours laisse entendre que l’histoire connaîtra bien des perturbations, « mais ce n'est pas tout de suite la fin ». « Prenez garde »... Jésus dénonce d’abord les prophètes et autres messies qui se signaleront en Palestine, de fait, dans la deuxième moitié du 1er siècle et tous ceux qui, par la suite, exploiteront la peur des gens face aux « guerres et soulèvements ». « Il faut que cela arrive » : c’est prévu par Dieu, et il n’y a pas à s’effrayer.

Le monde, poursuit Jésus, verra d'autres ébranlements : affrontements entre les peuples, séismes et épidémies chroniques, sans oublier, dans le ciel, les comètes ou les éclipses.

« Mais avant tout cela », les disciples subiront l’épreuve plus personnelle des persécutions. On les traduira devant les autorités religieuses et politiques, juives et romaines. Ils aborderont ces confrontations « comme une occasion de rendre témoignage », car le Seigneur les assistera. Oui, ces comparutions seront une épreuve, mais quelle tribune, quelle publicité pour l’Évangile ! Luc 12, 12 leur annonçait l’appui du Saint Esprit. Nous apprenons à présent que l’Esprit ne se substitue pas aux témoins. Il les aide à mettre en oeuvre leurs propres qualités, « une bouche et une sagesse » imparables, comme Étienne en donnera l'exemple (cf. Actes 6, 8-10).

La persécution viendra même de la famille et des proches des croyants. Car la parole de Jésus et « son Nom » sèment la division, en obligeant chacun à prendre position (comparer Luc 2, 34-35 et 12, 51-53). Et si la persécution conduit à la mort, que les disciples se confient à la sollicitude de Dieu, par-delà la mort : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu ».

Jésus n’a encore rien dit des signes décisifs annonçant la fin. Il a insisté sur l’éventail des épreuves qui jalonnent l’histoire des croyants. Là se trouve l’essentiel : attendre le Seigneur, c’est se forger une armure, s'affermir sous les coups de marteau du quotidien. La vie des croyants est une école de *persévérance.


* Luc et la persévérance. « Par votre endurance, vous obtiendrez vos vies. » Cultiver l’endurance, c’est se forger une solidité personnelle dans les épreuves quotidiennes. Certes, Luc dramatise la situation par ses allusions aux tribunaux, aux prisons et aux exécutions capitales qui jalonneront les Actes des Apôtres. Et, de fait, à chaque époque, la persécution reste une éventualité que le croyant ne saurait oublier.

Mais, à l’évidence, l’Évangéliste s’adresse à des lecteurs qui ne connaissent plus ce genre d’épreuves, comme le montre sa façon de traiter la parabole du Semeur. À propos du grain tombé sur la pierre, Marc évoquait ceux qui succombent devant la persécution (Marc 4, 16-17). Luc 8, 14-15 parle seulement de ceux qui « apostasient » quand vient « la tentation », telle celle « des plaisirs de la vie ». Pour lui, la bonne terre est le chrétien qui « porte du fruit par sa persévérance ». Luc apparaît comme l’Évangéliste le plus proche de ceux qui attendent le Seigneur en luttant contre la routine et la tiédeur du quotidien.



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