Parole de Vie..   
Commentaires du Père Claude Tassin

5e dimanche de Pâques (15 mai 2022)



Actes des Apôtres 14, 21b-27 (Voyages missionnaires)


Voici la fin du premier voyage missionnaire de Paul et de Barnabé. Avec bien des aventures, Ils ont sillonné la Lycaonie, une région turque plutôt isolée (cf. Actes 14, 6-20). Au lieu de continuer à l’Est vers Antioche de Syrie, leur point de départ, ils font demi-tour et rejoignent le port d’Attalia (Axou). Selon Luc, ils veulent revoir les Églises qu’ils ont fondées, les affermir face à l’hostilité des Juifs, leur rappeler que les épreuves sont leur lot, puisque (lire 1 Thessaloniciens 1, 6; 2, 14) Jésus lui-même a connu la persécution. Ils instituent des responsables à la foi solide, les *Anciens, qui aideront les chrétiens à assumer la situation et qui sont choisis dans un contexte de jeûne et de prière, comme lors de l’envoi en mission de Paul et Barnabé (cf. Actes 13, 3). Nulle communauté n’a jamais élu seule ses responsables : il fallait l’avis de ceux qui assuraient la communion entre les Églises. Nos deux apôtres eux-mêmes rendent compte devant l’Église d’Antioche, qui les avait envoyés, de « tout ce que Dieu avait fait avec eux » durant leur périple.

Luc montre, dès l’origine, des Églises co-responsables dans la mission et soucieuses d'organiser des services animant les communautés.


* Les Anciens. L’Ancien, en grec presbuteros, a donné le mot « prêtre ». Il est improbable que Paul ait institué des Anciens. A lire 1 Corinthiens 12,28, les Églises qu’il fonde reconnaissent les ministères suivants : 1) Des services itinérants, inter-Églises : apôtres et prophètes (ces derniers, semi-itinérants) ; 2) des services locaux : enseignants, des gens aux dons miraculeux, des guérisseurs, etc, mais pas d’Anciens. En revanche, dans les Lettres à Timothée et à Tite, qui ne viennent pas de Paul, mais du temps de Luc (les années 80), apparaît un trinôme encore flou : épiscopes /anciens /diacres, ancêtre de la triade évêque / prêtre / diacre. Bref, les Actes des Apôtres imputent à Paul a posteriori l’organisation de ministères qui lui étaient étrangers. Car, à l'origine, les ministères « ordonnés » variaient d’une Église à l’autre, en fonction de coutumes locales différant quant à la manière d’organiser les communautés civiles et religieuses. On regrette parfois la disparition de cette souplesse...



Apocalypse de saint Jean 21, 1-5a (La nouvelle création)


Qu’entend-on comme « nouvelles » à la radio ? larmes, pleurs, cris, tristesse, mort... Mais tout cela, selon les visions finales de l’Apocalypse, c’est le vieux monde. Or voici que Dieu « fait toutes choses nouvelles » : un ciel nouveau, une terre nouvelle. Mais « plus de mer » car, chez les Anciens, celle-ci symbolisait l’abîme sans fond où logent les puissances du mal et de la mort.

Cet univers nouveau abolira les obstacles au bonheur, parce que l’humanité connaîtra une parfaite communion avec Dieu, une intimité toute nuptiale. L’auteur reprend ici l’image prophétique du Dieu Epoux de son peuple (cf. Isaïe 54,5-8) et l’applique à la « Jérusalem nouvelle », la nouvelle cité humaine que Dieu prépare, la fiancée que Dieu se prépare. Le cœur de la lecture peut se traduire ainsi : « Voici la tente de Dieu [= la Tente-sanctuaire des temps du désert, cf. Lévitique 26, 11-12] avec les hommes, et il aura sa tente avec eux, et eux seront ses peuples [= formule d’alliance, d’appartenance mutuelle], et lui sera le Dieu-avec-eux [= il sera vraiment Emmanuel, Dieu-avec-nous]. »

Le Jour du Seigneur, chaque eucharistie fait pousser en nous ce monde nouveau inauguré par la résurrection de Jésus.

Jean 13, 31-33a.34-35 (Le commandement nouveau)


Du Discours d’Adieu de Jésus, au soir du jeudi saint (Jean 13 à 17), la liturgie n’offre que quelques extraits (du 5e au 7e dimanche de Pâques). L’architecture de ce monument littéraire vient des livres juifs appelés « Testaments » et dans lesquels un saint de l’Ancien Testament, sur le point de mourir, réunit ses héritiers (ses « petits enfants ») ; il leur résume le sens de sa vie; il prédit ce qui leur arrivera et comment ils pourront vivre de son patrimoine spirituel. Un tel genre ne s’oriente pas vers le passé (ici, la vie de Jésus), mais vers l’avenir (ici, l'après-Pâques). L’introduction du Discours d'Adieu est un « mini-testament » qui se déploie en trois vagues.


1) L’annonce de la gloire


« Maintenant » Jésus a lavé les pieds des disciples (cf. jeudi saint) pour signifier le sens de sa mort ; « maintenant » Judas est sorti pour accomplir la trahison qui va conduire « le Fils de l'homme » à l'heure H de sa mission.

La tradition juive voyait dans le « Fils de l’homme » l’être céleste des apocalypses à qui, en Daniel 7, 13-14, Dieu remet toute gloire. Mais un « fils d'homme », c’était aussi l’être humain dans sa nature fragile. L’évangéliste joue sur ces deux sens : la faiblesse humaine de Jésus se trouve anoblie par la passion, puisque celle-ci est une montée vers le Père. Et par cette ascension vers Dieu, Jésus retrouve sa gloire céleste. En aimant les siens jusqu'au bout, Jésus glorifie Dieu, puisqu’il manifeste l’amour de Dieu lui-même.


2) L’annonce du départ


Jésus s’adresse à ses « petits enfants » car le décor est celui du repas pascal juif dont le rituel souligne la structure familiale, la continuité des générations depuis la première libération, le passage de la Mer, jusqu’à la dernière, la Pâque définitive. En outre, le genre littéraire du « Testament » exige aussi que l’Ancêtre, au seuil de sa mort, interpelle ses « petits enfants ».


3) Le testament : « un *commandement nouveau »


En s’aimant les uns les autres en frères, les disciples assurent d’une certaine manière une sur-vie de Jésus. Car cet amour incarne la générosité et la gratuité inscrites dans la Passion, et il a pour source l’amour que le Père porte à son Fils (cf. Jean 15, 9). L’amour est un commandement, non comme un ordre donné de l’extérieur, mais comme l’engagement qui s’impose lorsqu’on a soi-même expérimenté l’amour du Christ. C’est un commandement « nouveau » parce qu’il met en œuvre l’alliance nouvelle annoncée en Jérémie 31, 31 et fondée à présent sur le sang du Christ versé pour nous (Luc 22, 20).

L’amour dont il s'agit ici n’est pas une charité de bienfaisance ouverte à tous, mais le lien qui soude une communauté et « qui montrera à tous les hommes » quel est ce Christ qui soude l’unité des chrétiens. Certaines Églises témoignent en prêchant une haute morale, d’autres en menant des actions caritatives remarquables. L’Eglise à laquelle Jean s’adresse a choisi de donner l’exemple attirant d’une communion fraternelle dans le Christ.


* Le commandement nouveau. « Est-ce que ce commandement n’existait pas déjà dans la loi ancienne, puisqu'il est écrit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ? Pourquoi donc le Seigneur appelle-t-il nouveau un commandement qui est à l’évidence si ancien ? Est-ce un commandement nouveau parce qu’en nous dépouillant de l’homme ancien il nous revêt de l’homme nouveau ? Certes, l’homme qui écoute ce commandement, ou plutôt qui y obéit, est renouvelé non par n’importe quel amour, mais par celui que le Seigneur a précisé, en ajoutant, afin de le distinguer de l’amour charnel : « comme je vous ai aimés". C’est cet amour qui nous renouvelle, pour que nous soyons les héritiers de l’alliance nouvelle.

Voilà pourquoi il nous a aimés : afin qu’à notre tour nous nous aimions les uns les autres. Il nous en a rendus capables en nous aimant, afin que par l’amour mutuel nous soyons liés entre nous et que, par l’union très douce qui lie ses membres, nous soyons le corps d’une seule Tête » (Saint Augustin, Commentaire sur Jean).




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