Parole de Vie..   
Commentaires bibliques

6e dimanche ordinaire C (13 février 2022)



Jérémie 17, 5-8 (Malédictions et bénédictions de l’ancienne Alliance)

Si Jérémie écrit ces versets au temps du roi Yoyaqim (609-598 avant notre ère), il vise en l’occurrence une politique d’alliances opportunistes qui font fi d’une morale fondée sur les exigences de justice imposées par le Seigneur.  

Bonheur et malheur
  Mais le poème a une portée bien plus large. Il oppose, d’une part, celui qui met sa confiance en des calculs trop humains, des relations d’intérêt et, d’autre part, celui qui s’appuie sur le Seigneur et sur ses directives morales. Le premier se condamne à la sécheresse (à l’hémorragie ?), à la stérilité ; le second (bénéficiaire d’une constante transfusion de sang ?) opte pour la fécondité et la prospérité, parce qu’il sait où plonger ses racines.  

Les deux voies
  L’opposition présente une étroite parenté avec le Psaume 1 qui suit cette lecture et elle s’inscrit dans la doctrine des « deux Voies » attribuée à Moïse, qui déclare : « Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur » (Dt 30, 15).  

Malédiction ou malheur ?
  « Maudit soit l’homme. » On peut traduite : « Maudit est l’homme. » En hébreu, le verbe est absent, et les deux sens se conjuguent. La malédiction et la bénédiction s’offrent d’abord comme un constat (à l’indicatif), car l’expérience montre qui semble béni et qui semble voué à l’échec. Ce qui parfois pose problème. Mais c’est aussi, pour l’honneur de Dieu, une sorte de souhait du prophète (au subjonctif) : Que soit heureux celui qui choisit la bonne voie, et malheureux est celui qui s’engage sur des routes perverses.  

De Jérémie à Jésus
  Ce texte de Jérémie prépare la page d’évangile qui, selon la même forme littéraire, proclame en paradoxe le bonheur des pauvres et le malheur des riches.


Psaume 1 (Le juste et les méchants)

 Les Paumes 1 et 2 servent de préface au Livre des 150 psaumes. Le premier oppose aux pécheurs le fidèle de la Loi divine. Le second chante l’espérance du Messie à qui le Seigneur déclare : « Tu es mon fils » (Ps 2,7).
     Le Ps 1 évoque d’abord le juste au singulier. C’est souvent le cas dans l’Ancien Testament, car le juste semble minoritaire au sein d’un monde où triomphent « ceux qui ricanent », qui qui narguent celui qui se veut fidèle au chemin tracé par le Seigneur, une manière de vivre ridicule à aux yeux des esprits forts. Mais les apparences sont trompeuses.      En fait, la Loi de Dieu plonge les racines du juste dans des eaux fécondes, tandis que les méchants, sans racines, sont balayés par le vent de canicule. Au terme, lors du jugement, les justes apparaitront comme majoritaires, et le psalmiste peut enfin évoquer, au pluriel, « le chemin des justes ».


1 Corinthiens 15,12.16-20 (Résurrection des morts et résurrection du Christ)

  Sans relation prévue avec les eux autres lectures, 1 Corinthiens suit sa route. Dans son discours de dimanche dernier, Paul rappelait le cœur de la foi chrétienne : la résurrection du Christ. Il arrive à présent au centre du problème qui se pose dans l’Église de Corinthe.  

La résurrection : « apothéose » du seul Christ seul ?  
Ces chrétiens de Corinthe, comme tant d’autres après eux, ne nient point que Dieu ait donné au Crucifié un sort particulier. Ils voient dans l’événement une « apothéose », le passage glorieux de Jésus dans la sphère céleste, comme les empereurs romains salués à leur mort comme divi (« divins »), parvenus aux cieux. Mais les premiers chrétiens de Grèce ne pensent pas que cet événement les concerne. Ils répugnent à l’idée de « résurrection » qui va à contre-courant de leur culture : l’immortalité est celle de l’âme, délivrée du corps.  

Le Christ, « premier ressuscité’  
Or, l’Apôtre, proposant une autre vision de l’être humain : si vous refusez cette idée, dit-il, alors le Christ non plus n’est pas ressuscité. La pensée de Paul, riche de sous-entendus, ne se déplie pas aisément. Le Christ, écrit-il, est « le premier ressuscité ». Sa crucifixion, provoquée par la méchanceté, révèle l’impasse d’un monde de violence, de misère – bref, de péché –, avec la mort pour seule issue.      Or, la résurrection de Jésus signifie que désormais, à partir de la Croix, Dieu a décidé que l’humanité avait un avenir, par delà les vicissitudes politiques, sociales, par delà les épidémies. Sans la foi en la résurrection – si mystérieuses qu’en restent les modalités –, le christianisme n’est qu’une idéologie parmi d’autres, en attendant la mort des hommes et la fin de la planète.  


Luc 6, 17.20-26 (Bénédictions et malheurs dans la nouvelle Alliance)

Luc 6, 17.20-26 (Bénédictions et malheurs dans la nouvelle Alliance)   Rappelons l’introduction de notre passage (Luc 6, 12-19). Après une nuit passée à prier sur la montagne, lieu de la rencontre intime avec Dieu, Jésus choisit les Douze.  

La mise en scène du « Sermon dans la plaine »  
Avec ces Douze, Jésus descend « sur un terrain plat », dans la plaine, lieu de la rencontre avec les hommes. Il trouve là une multitude de gans, dont une partie vient de régions païennes (Tyr et Sidon) ; il guérit malades et possédés. « La force » de guérison qui « sortait de lui » est aussi celle qui va donner son poids au « Discours dans la plaine ». Cet ensemble (Lc 620-49) correspondent en gros au contenu du Sermon sur la montagne qui, chez Matthieu, s’ouvre par huit béatitudes.  

Les béatitudes et leur envers  
Luc, lui, construit en préambule quatre béatitudes auxquelles il oppose quatre « malheurs » (plutôt que « malédictions ») dans lesquels Jésus plaint ceux qui vont à leur perte. Luc aime signaler les renversements qu’apporte le Règne de Dieu, comme le montrait le Magnificat (Lc 1, 51-53) et comme le rappellera la parabole *du riche et du pauvre Lazare (16, 19-31).  

Le bonheur promis aux pauvres
  La première béatitude éclaire les suivantes : « Heureux, vous les pauvres, car vôtre est le règne de Dieu. ». À la différence de Matthieu (5, 3) parlant de pauvres « en esprit », Luc évoque la réalité sociale : ceux que tenaille la faim et pleurent en leur misère, les victimes de discriminations et de persécutions.      La béatitude se comprend alors ainsi : Vous avez de la chance, vous les pauvres, car Dieu est fatigué de vous voir pauvres ; il vient maintenant prendre le pouvoir en votre faveur. Ce maintenant s’inaugure dans la mission de Jésus, qui disait : « Le Seigneur m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4, 18). C’est lui qui console la veuve en deuil (7, 11-17) et  nourrit la foule (9, 12-17), en signe de la venue du Règne bienfaisant.  

Les béatitudes : une mission
  Les béatitudes jouent aussi sur le futur, consécutif à la proclamation du Christ : Vous serez rassasiés / vous aurez faim… vous rirez / vous pleurerez. L’inauguration par Jésus du règne de Dieu ouvre donc un avenir, c’est-à-dire, pour l’Église, une mission que les Actes des Apôtres (4, 32-35) traduiront par un idéal de partage concrétisant le message des béatitudes, tandis que déjà Jésus concluait en ce sens la parabole de l’astucieux intendant licencié (Lc 16, 9-12).  

La quatrième béatitude
  La quatrième béatitude et son pendant négatif annoncent un autre aspect de l’avenir du règne de Dieu. Dans la mesure où les croyants porteront le message de ce renversement des valeurs, par leurs paroles et leurs actes, ils subiront souvent le rejet. Qu’ils sachent pourtant que leur récompense finale est déjà prête et, au temps présent, sûrs de leur bon choix, qu’ils éprouvent la joie au sein des épreuves (cf. Ac 5, 41), puisque celles-ci les assimilent au destin des vrais prophètes anciens, tandis que les « faux » prophètes se trouvaient bien traités, puisqu’ils ne dérangeaient personne (cf. Jr 28, 5-9).

* Le riche et le pauvre. « Il a reçu les maux pendant sa vie, maintenant il trouve consolation [Lc 16, 25]. Cette parole du Seigneur canonise le pauvre Lazare comme tel et jette une lumière très vive sur la première Béatitude : Heureux, vous les pauvres car le Royaume est pour vous [Lc 6, 20]. Le Christ est d’ailleurs venu pour eux : le signe qui authentifie sa mission est que les pauvres sont vraiment évangélisés [Lc 7, 22]. Avec la porte de la première Béatitude, s’ouvrent toutes les autres » (Anonyme, un évêque).


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