Parole de Vie..   
Commentaires du Père Tassin

6e dimanche de Pâques C

 

Actes des Apôtres 15,1-2.22-29 (L’Assemblée de Jérusalem)

Le 6e dimanche de Pâques mérite le surnom de « dimanche de l’expansion missionnaire ». En effet, les Actes des Apôtres évoquent successivement la conversion des Samaritains (année A), le baptême de Corneille et des premiers païens (année B) et (en cette année C), à partir de l’expérience d’Antioche, le statut de tous les chrétiens issus du paganisme.
En cette phase décisive, les ciseaux de la liturgie, sautant les débats, ne conservent que les causes et les conclusions de « l’Assemblée de Jérusalem » (Ac 15,1-35), décisive pour l’avenir de la mission chrétienne.  

Le conflit
À Antioche de Syrie, les missionnaires, dont Paul et Barnabé, accueillent les païens dans l’Église, sans exiger d’eux autre chose que de confesser leur foi au Messie mort pour nous et ressuscité par Dieu. Or, des chrétiens de Judée, d’origine pharisienne, protestent : si ces païens croient au Messie, ils méritent de faire partie du Peuple élu et donc de recevoir la circoncision.  

Le signe de la circoncision
Dans l’Orient ancien, certains peuples pratiquaient la circoncision, d’autres non. Israël divisait le monde en deux parties : le Peuple élu et les païens incirconcis. Car Dieu avait donné la circoncision à Abraham comme le signe de l’Alliance (Gn 17,10-14), et, par la circoncision, le « prosélyte » (païen converti) s’intégrait au Peuple de Dieu. Mais, selon les prophètes, la « circoncision du cœur », engagement de tout l’être envers Dieu, importait plus que le signe physique (cf. Dt 30,6). Il reste que Paul lui-même se dit fier de sa circoncision (Ph 3,5), comme aujourd’hui les chrétiens d’Éthiopie.  

Vers une solution
Les Apôtres et Anciens de Jérusalem et les délégués d’Antioche en viennent à cet accord: les païens devenus chrétiens n’ont pas à recevoir la circoncision, car Dieu les a appelés par sa grâce en tant que païens, avec leur propre culture ; ils n’ont pas à passer à la culture juive.
Simplement, ils observeront quatre pratiques juives montrant qu'ils sont associés au peuple d’Israël, à savoir, les interdits alimentaires et les interdictions matrimoniales émises par la Loi (cf. Lv 18,6-18). C’était aussi une mesure de prudence politique. En effet, le gouvernement de l’Empire romain se montrait sévère envers les sectes religieuses ; mais il reconnaissait le culte juif. En conséquence, il pouvait considérer comme relevant du judaïsme ceux qui observaient ces quatre règles.
Mais quant à s’interdire les viandes qui étaient passées sur les autels païens – et qui étaient la source principale des boucheries, Paul le Juif se montre plus nuancé en1 Co 8–10. Car le missionnaire n’impose pas aux autres peuples sa propre culture ; il porte un Évangile qui s’incarne en chaque culture.  

Psaume 66 (« Que les peuples, Dieu, te rendent grâce »)

Au temps ordinaire, le psaume retenu fait écho à la 1ère lecture. Au temps pascal, le choix est plus lâche. Le psaume aujourd’hui retenu vaut en lui-même comme une louange pascale. Certes, les convertis peuvent acclamer le Dieu qui, depuis « l’assemble de Jérusalem » les accueille avec leur propre culture, sans discrimination. Mais ils louent surtout le Dieu qui gouverne toutes les nations et qui fait que la terre « donne son fruit ». Pour le croyant, le plus beau fuit offert par Dieu est le Christ qui, tombé en terre, porte les fruits de sa résurrection.    

Apocalypse de saint Jean 21,10-14.22-23 (La nouvelle Jérusalem)

  Dieu est-il aussi un urbaniste ? Dans la troisième des visions finales, l’Apocalypse présentait la nouvelle Jérusalem, le Peuple nouveau, dans son union intime avec Dieu (5e dimanche); la troisième vision décrira la cité comme un jardin de Vie (22,1-5). Entre les deux, voici un flash sur la Ville parfaite, conçue comme un carré parfait à partir du nombre douze, symbole de la totalité du Peuple de Dieu.  

Trois traits merveilleux
1) C’est une ville splendide, une colossale pierre précieuse que fait chatoyer la présence de Dieu, sa gloire.
2) C’est une ville solide et sûre dont Dieu garde les portes par ses anges. Son haut rempart ne craint aucun séisme, puisqu’il a les douze Apôtres pour fondations.
3) Comme l’ancienne Jérusalem, c’est une ville de pèlerinage : « les nations marcheront vers ta lumière », dira le verset 24a. Mais plus de Temple pour accueillir les pèlerins ! Car la présence de Dieu et de l’Agneau sauveur est immédiate, sans voiles, sans plus besoin de rites et de symboles.  

Le dernier mot de l’histoire
Cette présence de Dieu, plus évidente que le soleil et la lune, est donc le dernier mot de l’histoire. Présence déjà actuelle quand nous bâtissons la cité humaine en nous appuyant sur Dieu et sur le message des Apôtres

  * La présence de Dieu
  « La Jérusalem céleste n’a pas de temple... on peut parler de la constante tentative des hommes de cantonner Dieu et leurs rapports avec lui dans... des occasions et des lieux strictement réservés et délimités. Cette attitude est proprement idolâtre, elle exprime la prétention de l’homme à assigner sa place à Dieu. L’évangile que nous entendons dans l’Apocalypse affirme seulement que Dieu est présent parmi les hommes, et c’est tout » (P. Prigent, Flash sur l'Apocalypse, Neuchâtel/Paris, 1974, p.98s.).  

Jean 14,23-29 (L’annonce du « Défenseur »)

  Voici la fin du premier Discours d’adieu de Jésus (chapitre 14) s’achevant par cette injonction : « Levez-vous, partons d’ici » (v. 31). Or, comme dans un livret d’opéra, personne ne se lève et nul ne part, puisqu’il y a encore à suivre trois chapitres du discours reflétant au moins trois générations d’écrivains évangéliques qui se relisent et se complètent les uns les autres.
Ce sont ces réflexions que l’Église tient pour inspirées par Dieu, et non quelque magnétophone imaginaire restituant les paroles de Jésus au soir du jeudi saint. Cette finale de Jn 14 répond en trois vagues à la question que se posent les croyants de tout temps : comment le Christ disparu est-il présent dans nos vies et absent pour les non croyants ?

  « Si quelqu’un m’aime » ...
Dans la bouche de Jésus, l’expression « ma parole » ou « mes paroles » renvoie aux commandements de Dieu que le judaïsme appelle les Dix Paroles et nous apprenions dimanche dernier que ces Paroles se résument désormais dans le « commandement nouveau » de l’amour mutuel. L’évangéliste précise à présent ceci : la fidélité au commandement de l’amour rend réellement présents Jésus et son Père, puisque celui-ci est la source de cette communion. Il y a donc une présence de Jésus dans le souvenir de ses paroles « pendant qu'il demeurait encore avec nous ».

  Le Défenseur
Mais c’est le Défenseur, l’Esprit que le Père enverra, qui assure la continuité. Jn 16,12-13 dira même que les paroles du Jésus terrestre sont incomplètes : dans les situations nouvelles que les disciples ne pouvaient prévoir, l’Esprit fera comprendre mieux encore le message de Jésus.

  La paix
Enfin, Jésus reste présent par le don de la paix, son legs ultime (Je vous donne ma paix, cf. la prière liturgique avant le geste de paix). Ce n’est pas, à la manière du monde, la paix des armes et la sécurité, mais le bonheur que Dieu prépare au terme de l’histoire et que le Ressuscité anticipe pour les siens (voir Lc 24,36) en les saluant à la manière juive (shalôm !). Cette paix est joie, amour qui chasse toute peur : nous nous réjouissons de ce que Jésus va vers le Père à qui il s’est soumis, comme un messager à celui qui l’envoie. Je m’en vais, dit Jésus : le but de sa mission est son retour vers le Père. Et je reviens vers vous, ajoute-t-il : retrouver la pleine intimité avec le Père, par la victoire de Pâques, et permettre ainsi le don du Défenseur, voilà sa manière de « revenir » à nous, et de nous faire entrer en pleine communion avec Dieu le Père.

  La confiance dans l’Esprit
  Jean a grande confiance dans l’action de l’Esprit et dans l’amour fraternel comme moteurs de la vie de l’Église. L’absence physique de Jésus est l’envers de sa présence auprès du Père grâce à laquelle nous sommes branchés sur le courant de l’amour de Dieu.

  * Le Défenseur ou « Paraclet »
« Pour mieux comprendre le rôle de l’Esprit dans l’évangile de Jean, il faut regarder dans l’Ancien Testament les figures charismatiques qui viennent relayer un personnage important pour prolonger sa mission : Josué prend le relais de Moïse, Élisée d’Élie, Jésus de Jean Baptiste. L’Esprit, dans l’évangile de Jean, semble jouer un rôle semblable par rapport à Jésus.
Jean est le seul à utiliser le mot “Paraclet” pour désigner l’Esprit. C’est la forme passive du verbe parakaléô : celui qui est appelé, celui qui vient au secours, celui qui est témoin de la défense (la traduction liturgique opte pour le terme “Défenseur”). Au sens actif, c’est l’intercesseur, le médiateur, le consolateur. Dans l’évangile de Jean, le Paraclet est le témoin de Jésus, l’interprète de son message devant ses ennemis, en particulier au procès, le consolateur des disciples, en lieu et place de Jésus, l’enseignant et le guide pour les disciples et donc leur aide » (A. Marchadour, L’Évangile de Jean, Centurion, p.196).  




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