Parole de Vie..   
Commentaires bibliques

8e dimanche ordinaire C (27 février 2022)



Ben Sira 27, 4-7 (« On juge l’homme en le faisant parler. »)

Jésus Ben Sira a tenu une école de sagesse à Jérusalem, deux siècles avant notre ère. Son petit-fils, à Alexandrie, a traduit son œuvre en grec, et c’est en grec que le canon des Saintes Écritures l’a adoptée. Ce recueil rassemble des sentences égrenant divers sujets. La liturgie retient aujourd’hui quatre versets qui s’arrêtent sur l’expérience de la parole humaine.
     Passée au crible de l’auditeur, la parole révèle bien des mesquineries. Elle ne résiste pas plus à la saine critique qu’au four la poterie de piètre qualité. Et la qualité d’un arbre se juge à ses fruits. De même, c’est par leurs propos que les humains révèlent le fond de leur être.
     Ces graines de sagesse, avec la comparaison arboricole, préparent la page d’évangile qui se conclut ainsi : Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur.    


Psaume 91 (Le juste dit : Le Seigneur est droit)

Au Ps 91, la Bible donne ce titre : « Pour le jour du sabbat » et notre Liturgie des heures le programme un samedi sur deux. De fait, l’auteur chante l’ouvre des mains de Dieu. Mais il loue ensuite le juste, fidèle au Créateur. Les versets ici retenus honorent ce second aspect, pour faire écho à la première lecture.
     Ben Sira écrit : C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre. Le juste, lui, qui atteint la taille du palmier, voire du cèdre, porte du fruit, même à un âge avancé. L’insensé, selon le Sage, parle à tort et à travers ; le juste, lui, énonce cette parole de foi : i>Le Seigneur est droit.  


1 Corinthiens 15, 54-58 (« Ô Mort, où est ta victoire ? )

Ces cinq versets de Paul concluent son exposé sur la résurrection, que nous suivions depuis le 5e dimanche. Cette envolée finale s’élève en trois coups d’aille : d’abord la lumière de la victoire sur la mort ; ensuite le nuage à traverser : le péché ; enfin les provisions spirituelles pour ce voyage.  

La victoire promise
  La résurrection finale libère des pesanteurs biologiques ; elle fait passer du périssable à l’impérissable, de la condition mortelle à l’immortalité. L’immortalité, dans la pensée de l’Apôtre, relève non de la nature humaine, mais du don de Dieu qui mènera à la victoire sur la Mort. Cette dernière mérite sa majuscule, car elle est personnifiée comme l’ennemie du projet de Dieu.
     Paul fonde ce motif de la victoire en recourant à deux passages bibliques, Is 25, 8 et Os 13, 14, dont il adapte la traduction en fonction de son propos.  

« L’aiguillon de la mort »
  Le mot grec traduit par « aiguillon » désigne une chose qui pique, depuis le bâton du bouvier qui stimule ses bêtes jusqu’au dard du scorpion. Sur la route de Damas, l’humour du Seigneur raille Saul terrassé : « Il est dur pour toi de résister à l’aiguillon » (Ac 26, 14).
     Ici l’image prend une teinte plus sombre : la Mort est une réalité aux cent visages ; sous l’angle spirituel, elle a pour stimulus le péché mortifère. À son tour, le péché tient son dard de la Loi – celle de Moïse et tout code moral. En effet, selon la pensée de Paul, la Loi révèle au pécheur son péché, mais elle engendre une angoisse mortelle, car elle ne lui donne la force de s’en sortir.  

« Rendons grâce à Dieu »
  Le long exposé de l’Apôtre sur la résurrection s’achève par l’invitation à une action de grâce qui sache se concrétiser par l’effort, parfois pénible, d’une conduite ferme et inébranlable. Par là s’exprimera la réalité de la foi en la promesse divine de cette victoire sur la mort, triomphe inauguré dans la résurrection du Christ.  

En somme…
  Au temps où il écrit aux Corinthiens, l’auteur pense ne pas avoir à passer par la mort avant la venue du Seigneur en gloire. Alors, tous ne mourraient pas, mais, écrit-il, « tous nous serons transformés » (1 Co 15, 51). Pour évoquer cette transformation, l’Apôtre ne peut que procéder à des comparaisons et s’inspirer des apocalypses juives, avec la trompette finale (1 Co 15, 52). Même pour Paul, les modalités de la victoire sur la mort restent le « mystère ».  


Luc 7.39-45 (« Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. »)

Notre page d’évangile achève le Sermon dans la plaine commencé le 6e dimanche par les « béatitudes ». C’est aujourd’hui la peroratio.  

Vous avez dit : « peroratio » ?
  Ce mot latin, traduit par « péroraison », est la conclusion d’un discours. Les règles de l’art assignent à la péroraison un double but : résumer sans lourdeur le contenu du discours et susciter l’émotion de l’auditeur pour le convaincre. À ces deux objectifs académiques, se joint souvent le fait que l’orateur essaie de « caser » ce qu’il aurait encore à dire.
     Ici, l’orateur réveille l’attention des auditeurs par l’image des deux aveugles. En coulisse, Jésus peut songer aux maîtres pharisiens qui se donnent ce label : « guide des aveugles » (Rm 2, 10), un titre qu’il change en « guides aveugles » (Mt 23, 16). Mais, sur l’avant-scène, sa brève parabole éclaire trois avertissements visant ceux qui écoutent sa parole et doivent la transmettre.  

Trois avertissements
  1) L’élève, le disciple, bien formé, ne cherche pas à surpasser en réputation son maître. Mais, en suivant simplement son enseignement et son exemple, il devient l’égal du maître. C’est ainsi qu’il ne s’aveugle pas sur lui-même.
2) En écho à la sentence Ne jugez pas, la comparaison de la paille et de la poutre détecte une forme particulière d’aveuglement, celle du disciple qui, au nom de l’Évangile, prétend corriger son frère, alors qu’il ne voit pas la gravité de son propre cas.
3) Enfin, la lutte contre la cécité spirituelle implique une hygiène des paroles que l’on prononce et un discernement de celles que l’on écoute. Déjà Ben Sira (1ère lecture) ouvrait ce sujet. Le fruit révèle ce qui le produit (dans certaines langues africaines, le fruit se dit « le fils de l’arbre »). On ne va pas chercher des figues dans un fourré d’épines, pas plus que du raisin dans un buisson de ronces.
     De même, c’est de l’homme de bien que sort le bien, à travers ses paroles : elles disent sa sincérité et sa droiture. Car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. Et le monde biblique voit, dans le cœur, le siège commun de l’intelligence, des projets et des sentiments.  

La toute fin
  La liturgie omet le dernier paragraphe (v. 46-49), avec la réflexion de Jésus qui donne toute sa force à la péroraison et à l’ensemble du discours : Quiconque – me confessant Jésus comme Seigneur – vient à moi, écoute mes paroles et ne met pas en pratique, ressemble à celui qui bâtit sa maison sur du sable. « La parole est vivante, lorsque ce sont les actions qui parlent », écrira saint Antoine de Padoue.  


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