Parole de Vie..   
Commentaires du Père Claude Tassin

Pentecôte C (5 juin 2022)



Actes des Apôtres 2, 1-11 (La venue de l’Esprit Saint sur les disciples)


Dans certains cercles juifs, la Pentecôte commémorait le don de l’Alliance au Sinaï. De cette scène antique, on retrouve le bruit, le vent, le feu (cf. Exode 19, 16-19; 20, 18) qui orchestrent ici la venue de l’Esprit Saint. Comme Moïse était monté vers la nuée pour rapporter au peuple la Loi de Dieu, fondement de l’Alliance, le Christ est monté au Ciel pour nous donner l’Esprit de l'Alliance nouvelle.

Au Sinaï, selon les légendes juives, Dieu avait proposé les commandements dans les diverses langues du monde, mais Israël seul les avait acceptés. Aujourd’hui, Dieu répare symboliquement cet échec. Partant du phénomène connu du « parler en langues » (cf. 1 Corinthiens 14,2-5) dans les premières Églises, Luc transforme ici l’expérience en un « parler *en d'autres langues », annnonçant ainsi l’annonce de l’Évangile dans toutes les langues et cultures. De ce point de vue, l’épisode de la venue de l’Esprit n’est pas exactement un « anti-Babel », épisode de la « confusion des langues » (Genèse 11, 1 – 9 ; cf. messe de la veille de la Pentecôte). Ce n’est pas le retour à une langue unique, mais la décision de Dieu de se révéler dans le respect des langues et des cultures.

Les témoins et auditeurs de la scène, remarquons-le, sont tous des Juifs, Juifs d'origine, de la Diaspora et de la Judée, et païens convertis au judaïsme (« prosélytes »). Leur liste comprend douze pays ; à quoi s’ajoutent des Juifs de Rome (centre du monde oblige !) et, pirouette littéraire formant un résumé, les gens des îles, à l’ouest (Crétois), et ceux du désert, à l’est (Arabes). Les douze tribus du peuple de Dieu sont donc symboliquement à nouveau réunies. Alors, la mission chrétienne peut commmencer, sous le souffle de l’Esprit de l'alliance nouvelle qui abolit les frontières.


* Ils se mirent à parler en d'autres langues... « Si quelqu’un dit à l’un de nous : "Est-ce que tu as reçu le Saint-Esprit, car tu ne parles pas toutes les langues ?" voici ce qu'il faut répondre : "Parfaitement, je parle toutes les langues. Car je suis dans ce corps du Christ, qui est l’Église, laquelle parle toutes les langues. En effet, par la présence du Saint-Esprit qu’est-ce que Dieu a voulu manifester, sinon que son Église parlait toutes les langues ?" » (Homélie africaine du 6e siècle).



Romains 8, 8-17 (« L’Esprit fait de nous des fils »)


Paul s’appuie sur cette certitude : « l’Esprit de Dieu » – qui est aussi « l’Esprit du Christ », habite le croyant. Le chrétien est un « corps », c’est-à-dire une personne humaine qui est « *chair », créature fragile portée au péché du repli sur soi et vouée à la mort, mais qui est aussi un être spirituel, et désormais guidé par l’Esprit de Dieu. Nous voici donc engagés dans un combat : nous revivons dès aujourd’hui, en nous soustrayant au péché, en refusant de payer son dû à « la chair », si celle-ci nous sollicite encore. Mais l’Esprit qui pilote notre conversion permanente est aussi celui par lequel Dieu a ressuscité Jésus. Nous voici donc assurés de la même issue heureuse.

Et Paul précise cette espérance par l’idée de « la filiation », c’est-à-dire de l’adoption. Il songe aux grandes maisonnées patriarcales et polygamiques où se côtoyaient les esclaves soumis au maître, même nés de lui, et les fils, libres, bénéficiant d’un acte officiel d’adoption, et confiants en face du père; eux qui, à leur majorité, recevaient le droit à l’héritage. Or l’Esprit fait de nous des fils, non des esclaves apeurés, frères déjà du Christ, puisque notre prière proclame « Abba (= papa, en araméen), le Père », comme Jésus appelait Dieu (cf. Mc 14, 36). Il nous suffit de mener à terme le même combat de souffrance que mena Jésus pour parvenir à la parfaite filiation.


* La chair et l’Esprit. Chez Paul, la chair n’est pas le sexe. Lecteur de la Bible, il voit en elle la pesanteur de l’homme, fragile, voué à la mort, porté au repli égoïste. Mais, comme la communauté juive de Qumrân, il décèle dans la faiblesse de la chair le nid propice à l’éclosion de multiples de péchés (voir le catalogue de Galates 5, 19-21). L’époque de Paul conçoit la liberté humaine comme le droit de choisir son maître : sera-ce, pour nous, l’esclavage à soi-même (la chair) ou l’obéissance à l’Esprit de Dieu ?


Jean 14, 15-16.23b-36 (« L’Esprit Saint vous enseignera tout »)


Les extraits de saint Jean que nous lisons aujourd’hui puisent dans le premier des Discours d’adieu de Jésus au soir du jeudi saint et ils recouvrent en partie l’évangile du 6e dimanche de Pâques C. Il s’agit du testament de Jésus. Mais le texte doit beaucoup aux questions que la communauté à laquelle s’adresse l’évangéliste s’est posées après la mort de ses premiers fondateurs, eux qui assuraient encore le lien avec la vie terrestre de Jésus.

Si vous m’aimez..., dit Jésus. Dans le Nouveau Testament, l’amour du Christ est un impératif moins fréquent que celui de l'amour de Dieu. Mais l’enchaînement des idées s’avère ici complexe. Quand l’être aimé est absent, nous nous efforçons de le rendre présent en continuant à faire ce qu’il aimerait nous voir faire. De même, l’amour que nous portons à Jésus et qui nous le rend présent implique notre fidélité à ses « commandements ». Ces commandements équivalent à la « parole de Jésus », comme le dit la suite : « Si quelqu’un m’aime, il sera fidèle à ma parole », c’est-à-dire encore, fidèle à son « commandement nouveau » de l’amour mutuel (Jean 13, 14-15), et même aux commandements de Dieu (1 Jean 5, 3). Car, pour Jean, il existe une telle unité entre le Fils et le Père que les commandements de l’Un et de l’Autre sont tout un. Mais cette présence n'est pas simple souvenir sentimental. Le Christ, vivant à jamais auprès du Père, intercède pour que nous vienne *un autre Défenseur.

Jésus fut le premier « Défenseur », puisqu’il livra sa vie par amour pour nous. L’autre Défenseur « sera pour toujours avec nous ». Il sera « Dieu avec nous », selon le nom Emmanuel que le Nouveau Testament applique à Jésus. Ce nouveau Défenseur, continuation de l’Emmanuel, « c’est *l’Esprit de vérité », l’Esprit qui communique la vérité, laquelle n’est rien d’autre que ce que Jésus nous a dit de Dieu son Père au long de l’évangile de Jean. Bref, dit l’évangéliste, nulle autre manière pour les humains d’accéder à Dieu que de le découvrir dans ma manière de vous présenter Jésus. Et l’Esprit Saint vous aide à cette découverte, mieux que les fondateurs et enseignants de votre communauté ont pu le faire.

Pour la seconde partie du texte (Si quelqu’un m’aime...), voir le commentaire du 6e dimanche de Pâques, avec notre conclusion sur la confiance de Jean en l'action de l’Esprit Saint, par delà tout magistère ecclésial. Mais chaque auteur du Nouveau Testament voit midi à sa porte. Ce qui, pour nous, est inspiré par Dieu, c'est l’ensemble du Nouveau Testament. Outre la position de Jean, retenons le récit des Actes des Apôtres : l’Esprit fait de l’Église un peuple sans frontières, uni dans une alliance nouvelle. Retenons le message de Paul pour qui l’Esprit est celui qui fait de nous les fils de Dieu et qui nous ressuscite déjà par le renouveau de notre vie morale.


* Un autre Défenseur. Voir l’encadré « Le Défenseur... » (6e dimanche de Pâques). Mais ici l’Esprit est « un autre Défenseur ». Car le premier Défenseur, face à Dieu, de notre faiblesse de pécheurs, est toujours le Christ (cf. Première Lettre de Jean, 2, 1). L’Esprit ne remplace pas Jésus : il renvoie à lui, à sa présence. Ainsi l’évangéliste Jean reste le subversif permanent. Pour lui, aucun magistère ne peut se substituer à la vérité que l’Esprit instille dans toute communauté chrétienne creusant, avec la sincérité de l’amour, la Parole du Christ.


* L’Esprit de vérité. « L’Église qu’il guide vers la vérité tout entière..., l’Esprit lui fournit les moyens d’action et la dirige par la diversité de ses dons... L’ensemble des fidèles, consacrés par l’onction qui vient du Saint-Esprit, ne peut se tromper dans la foi. L’Église manifeste ce privilège par le sens surnaturel de la foi qui appartient au peuple entier lorsque "des évêques jusqu’au dernier des fidèles laïcs" elle manifeste une accord universel en matière de foi et de mœurs » (Vatican II, Lumen Gentium §12).




Sommaire Paroles pour prier           Page précédente           Accueil site