Parole de Vie..   
Commentaires du Père Claude Tassin

Trinité C (12 juin 2022)



Proverbes 8, 22-31 (La Sagesse est avec Dieu dès le commencement)


Le Livre des Proverbes engrange sentences et maximes propres à inculquer aux Jeunes d’Israël la sagesse des générations passées. Mais, pour l’éditeur antique qui écrivit le prologue de ce recueil, la sagesse devient une personne. Ici, la liturgie suit la traduction de la Bible grecque qui voit en *Dame Sagesse « le maître d'œuvre », l’architecte d’une création parfaitement organisée. Le texte original voit plutôt en elle « l’enfançon » royal, la première née de Dieu. Cette joyeuse fillette a tout vu de l’œuvre du Créateur, elle remplit l’univers de ses ébats et aime particulièrement la compagnie des humains.

Ce texte tardif de l’Ancien Testament aborde une grave question que se posent les religions monothéistes : comment les humains peuvent-ils connaître Dieu ? Car si Dieu est Dieu, si différent de nous, il échappe à notre connaissance, de même qu’une brique ne peut savoir ce qu'est un cheval. Mais Dieu nous a donné la Sagesse, inscrite dans notre compréhension de la création ; elle nous donne l’intelligence de l’œuvre de Dieu. Si la Sagesse n’est pas Dieu, elle est son parfait miroir, à notre mesure. Ainsi l’Ancien Testament balbutie le mystère de la Trinité : Dieu se manifeste à nous comme le Père de la Sagesse, laquelle est le Fils, miroir du Père, Parole (Verbe) et Esprit.


* Dame Sagesse et Sainte Sophie. La Basilique Sainte Sophie d’Istamboul, devenue mosquée, n’était pas dédiée à une sainte inconnue, mais au Christ. Car Hagia Sophia, en grec, signifie « Sainte Sagesse ». Or le Nouveau Testament assimile le Christ à cette Sagesse dont parle l’Ancien Testament (ainsi Colossiens 1, 15-20), lequel a imaginé d’autres personnifications par lesquelles Dieu se livrait à nous, sans se laisser « posséder » : c’est l’Esprit, identifié à la Sagesse en Sagesse 9, 17, ou la Parole, le Verbe, (cf. Isaïe 55, 10-11).



Romains 5, 1-5 (Dans l’Esprit nous sommes en paix avec Dieu par le Christ)


La pensée de Paul est souvent « trinitaire », comme dans le passage ici retenu, même si parfois ses exposés sont « binaires », parlant du Père et du Fils, l’Esprit, pour l’Apôtre, ne se distinguant pas toujours du Christ. Venons-en au texte. Plus haut, Paul a montré que Dieu a fait de nous des justes, justes à ses yeux, grâce à notre foi en lui, et non à cause de notre pratique de la Loi. L’Apôtre évalue à présent la condition nouvelle à laquelle nous sommes ainsi promus :

1) Jadis pécheurs, nous voici en paix avec Dieu, puisque la foi nous rend solidaires de Jésus. En lui, nous reconnaissons le Christ qui exerce sur nos vies sa puissance de Seigneur ressuscité. Il nous installe dans le monde de la grâce, nous introduit dans le palais de Dieu.

2) Et voici notre sujet de fierté : non pas nos mérites, mais l’espérance de la gloire de Dieu. Car l’œuvre du Christ pour nous nous assure que Dieu veut nous conduire à sa gloire, c’est-à-dire à sa présence impressionnante, mais intime et définitive.

3) Nous éprouvons bien des détresses, des occasions de découragement. Nous les supportons comme un test (« la valeur éprouvée », selon les mots de Paul), sachant que Dieu ne nous trompe pas quand il nous appelle à espérer. Car Dieu nous a donné cet Esprit qui nous apprend l’amour que Dieu notre porte déjà. On remarquera « l’escalier » littéraire et spirituel que construit l’Apôtre : 1ère marche : la détresse ; un petit effort, et, 2e marche : la persévérance ; 3e marche : la valeur éprouvée ; 4e marche : l’espérance. Et, avec l’espérance, nous sommes déjà arrivés, puisque c’est l’amour de Dieu qui nous donne des jambes. Beau programme de retraite spirituelle…

« *Justes par la foi », nous découvrons la Trinité au cœur de notre vie : dans l’amour que le Père nous porte, dans l’œuvre du Christ en notre faveur et par l’Esprit qui nous révèle la source de cet amour.


* Justes par la foi. En Romains 4, Paul médite sur Abraham. Celui-ci, selon les légendes juives, était un païen idolâtre, un « impie », quand Dieu l’appela et lui promit une impossible descendance. Abraham a cru en Dieu, sur sa seule parole, simplement parce que Dieu est Dieu. C’est pourquoi Dieu l’a considéré comme un « juste », qui voit juste en se confiant en Dieu. Par là, Abraham est notre père, à nous qui croyons que Dieu nous pardonne et nous donne la vie, puisqu'il a déjà ressuscité Jésus, « livré pour nos fautes ».

Jean 16, 12-15



Au long du Temps pascal de l’année C, nous lisions surtout Jean 14, premier des Discours d’adieux de Jésus présentés pas l’évangéliste. Aujourd'hui, nous puisons dans Jean 16. C’est une relecture de Jean 14, opérée par un autre Auteur inspiré. On y trouve les mêmes thèmes, mais sous des angles différents.

Avant la page évangélique de ce jour, 1) Jésus dit qu'il est bon pour les siens qu’il s'en aille : son départ commande en effet l’envoi du Défenseur, l’Esprit Saint (Jean 16, 5-7). C'est souvent parce qu’il est absent qu’un être aimé prend une place plus grande dans notre cœur et que nous le voyons mieux. De même, Présence de l’Absent, l’Esprit révèle mieux Jésus. l’évangéliste souligne par là que le temps de l’Église, notre temps, n’a rien d’inférieur au temps de la vie terrestre de Jésus. 2) En outre (versets 8-11), l’Esprit agira pour les disciples chrétiens comme un Défenseur contre « le monde », c’est-à-dire les forces opposées ou fermées au message de Jésus.

Vient alors notre page d’évangile : J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez encore en porter le poids. L’évangéliste ne songe pas ici aux dogmes ultérieurs de l’Église, mais plutôt au tournant de Pâques, à la disparition de Jésus (comparer Jean 2, 22). Il faut le recul de l’expérience de la Résurrection pour que les disciples mesurent le sens des paroles et de la croix de Jésus.

L’Esprit de vérité opérera en eux ce travail. Et, traduisons littéralement, il les « *acheminera (progressivement) dans la vérité tout entière » sur la mission du Christ et sur leur propre mission de témoins. L’Esprit n’apportera pas une nouvelle révélation : il reprendra ce qu’il aura entendu de Jésus; il glorifiera Jésus, le mettant davantage en lumière dans le cœur des croyants. En même temps, il leur fera connaître ce qui va venir. Il leur prédira pas l’avenir, la bonne aventure, mais, à chaque génération, il les éclairera sur la vraie manière de comprendre les paroles et les actes de Jésus en des situations nouvelles et imprévues.

Tout ce qui appartient au Père est à moi, ajoute le texte. Jean aura souvent souligné l’unité entre le Père et le Fils. Jésus peut donc définir la mission de l’Esprit qui, par là, est aussi l’Esprit du Père. En somme :

1) L’évangéliste exprime une grande confiance dans la capacité des communautés chrétiennes à assumer leur histoire : l’Esprit les guide et les fait aller toujours plus avant dans la découverte de Jésus.

2) Jean fonde cette confiance sur l’unité de la Trinité dont, pour lui, le Fils reste le Révélateur, par son unité avec le Père, par son envoi de l’Esprit de vérité.

Avec la figure de « Dame Sagesse », la Bible a, selon les chrétiens, balbutié le mystère de la Trinité (1ère lecture) ; Paul nous révèle la Trinité au cœur de notre espérance quotidienne (2e lecture). Jean, enfin, nous fait entrer au cœur de la communion des Trois Personnes.


* « L’Esprit vous guidera vers la Vérité tout entière ». « Le Créateur de tous est unique. Il y a un seul Dieu Père, de qui tout provient; il y a un seul Fils unique, notre Seigneur Jésus Christ, par qui tout existe ; il y a un seul Esprit, le don de Dieu répandu en tous...

Puisque notre faiblesse serait incapable de saisir aussi bien le Père que le Fils, le Saint-Esprit est un don qui, par son intervention, peut éclairer notre foi pour laquelle l’Incarnation est un mystère difficile...

On le reçoit afin de connaître Dieu... Car s’il n’y a pas de lumière ou de jour, le service rendu par les yeux n’aura pas à s’exercer ; si aucun son ou aucune voix ne se fait entendre, les oreilles ne trouveront plus rien à faire ; si aucune odeur ne s’exhale, les narines seront sans utilité. Il en est de même pour l’esprit humain : si, par la foi, il ne reçoit pas le don du Saint-Esprit, il aura bien un principe naturel de connaissance de Dieu, mais il n'aura pas la lumière de la science » (Saint Hilaire de Poitiers [4e siècle], Traité sur la Trinité).




Sommaire Paroles pour prier           Page précédente           Accueil site