Spiritaines

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Dossier Eugénie Caps, fondatrice des Spiritaines

par Paule Girolet et Anita Disier

E. Caps Une Lorraine de 23 ans se sent appelée à fonder une famille missionnaire. La vie et la pensée du P. Libermann l'éblouissent. Une congrégation naît. Eugénie, la fondatrice, meurt dans une apparence d'échec. En 1998, 373 missionnaires du Saint-Esprit de 15 nationalités travaillent dans 16 pays.

Le 16 septembre 1920, Mgr Le Roy, Supérieur général des Pères du Saint-Esprit, passe dans la communauté de Neufgrange, en Lorraine. Il cherche des religieuses pour remplacer, au Cameroun, les Sours allemandes dont le départ, en 1916, a laissé un grand vide. Les Pères l'écoutent en silence. Le Père Karst intervient: " Justement, Mgr, le Bon Dieu est en train de nous en faire, des Sours! " Et il lui remet des lettres émanant de quelques jeunes filles de Bouzonville, regroupées autour d'Eugénie Caps, une Lorraine de 23 ans. Eugénie ressent un appel très fort à porter l'Evangile aux peuples lointains. En 1915, tandis qu'elle prie, une pensée s'impose : il lui faut fonder une congrégation missionnaire. Un prêtre, l'Abbé Eich, la prend au sérieux. Mais on est en pleine guerre, rien ne peut être entrepris dans l'immédiat. Le conflit terminé, Eugénie mûrit son projet. En 1919, à l'occasion d'une exposition missionnaire, elle achète un livre sur la vie du Père Libermann... Eblouissement! " Voilà notre esprit tout trouvé!" déclare-t-elle! Aucun doute: la pensée de Libermann rejoint la sienne! Les spiritains de Neufgrange ne l'encouragent guère :" Laissez tomber cette idée de fondation, entrez chez les Sours de Saint Joseph de Cluny." Mais le 3 juin 1920, un événement fait dire au Supérieur. " Une personne qui ne sait rien de votre idée s'offre à fournir une somme assez importante pour la fondation d'une maison de religieuses missionnaires en Lorraine. Je vois dans cette circonstance le doigt de la Providence... " Des démarches à l'évêché de Metz sont alors entreprises... Les choses en étaient là lorsque Mgr Le Roy passe à Neufgrange.

L'aventure de Farschwiller
Le 20 octobre, à Paris, Mgr Le Roy et Eugénie se mettent d'accord pour la fondation d'un institut missionnaire dont les membres travailleraient avec les Spiritains. Une dizaine de jeunes filles s'enthousiasment. Mais bien vite, au sein des familles, une véritable tempête se déchaîne contre ce qu'elles considèrent comme une " aventure". Tout le village est en émoi, les candidates se désistent. Eugénie se retrouve avec 2 compagnes.
Le 6 janvier 1921, en l'église de Farschwiller, se célèbre la 1re messe de l'institut. Bientôt, les jeunes filles affluent de partout. Il faut essaimer à Jouy-aux-Arches en 1922 et, en 1923, à Béthisy-Saint-Pierre, dans l'Oise. C'est là qu'ont lieu les 1res professions, le 5 octobre 1924. Immédiatement, deux groupes de Sours partent en mission, les unes au Cameroun, les autres à la Martinique. Eugénie, elle, ne partira pas. Comme beaucoup de fondatrices, elle a été "mise de côté". En dehors de la 1re année, elle n'a pratiquement pas collaboré à l'organisation de la Congrégation qu'elle a fondée. Epuisée par de grandes souffrances, elle mourra en Suisse, le 16 mars 1931, à 39 ans.

Le pays de notre désir
Comme Libermann, Eugénie quitte, jeune, sa fondation. Comme lui, elle n'aura pas connu la mission. Comme lui, elle aura bâti sa vie spirituelle sur l'attente du " moment de Dieu". L'un et l'autre, par l'exemple de leur vie, laissent à leurs missionnaires cette leçon capitale : la valeur de l'apostolat ne vient pas d'abord de l'action mais de l'union à Dieu. "Je ne puis concevoir une vie active qui ne soit basé sur une vie très intime avec Dieu" ‚écrit Eugénie.
Elle accueille le message de Libermann pour elle-même et pour le projet que Dieu lui confie. Ce qu'elle porte va s'épanouir, elle sera entraînée plus loin, sur la voie où elle s'est engagée. La spiritualité du Père Libermann va s'infiltrer dans la richesse spirituelle d'Eugénie comme en osmose. Cette vitalité intérieure va rejaillir en une vocation commune : une vocation au service des plus pauvres, des plus deshérités, spécialement au service de l'Afrique: " Notre vocation demande que nous pratiquions une profonde vie intérieure, non pour que nous gardions pour nous ce que nous avons médité, et que nous passions notre journée, silencieuses, derrière grille et verrou... non, pas cela. Mais nous sortirons dans le tumulte des hommes et parlerons à ces gens de ce que le Seigneur nous a appris... Nous regarderons encore au-delà: là-bas, en cette lointaine et brûlante terre d'Afrique, vit un peuple qui ne sait encore rien, ou très peu, du Bon Dieu. Là-bas, nous aiderons bientôt à annoncer la Parole de Dieu, là-bas est le pays de notre désir, en attendant le ciel." ( Journal d'Eugénie - juillet 1921 )

Eugénie prophète
En 1967, lors du retour des restes de la fondatrice au cimetière de Nogent ( Eugénie avait été inhumée à Montana, dans le Valais ), Mère Johanna Ammeux, Supérieure générale, se plut à mettre en relief le prophétisme d'Eugénie.
" L'aujourd'hui que nous vivons nous donne l'occasion de redécouvrir le sens de l'histoire, le sens de ce qui s'est passé. Eugénie a été menée par l'Esprit de Dieu. Elle a commencé une famille pour l'Esprit- Saint. Son mérite est d'avoir pris la décision de commencer, d'être le chef de file. Commence, a écrit quelqu'un, et la moitié est faite. Commencer, c'est une hardiesse. Par cette hardiesse aussi, Eugénie est fille de Libermann :
" Cette force qui doit procéder de leur ardent amour pour Dieu doit les remplir de vigueur et d'une sainte hardiesse pour tout entreprendre" écrit-il dans la Règle Provisoire. " De cette hardiesse, nous héritons, en tant que filles de Soeur Eugénie Caps. Dieu l'a choisie pour commencer. Son rôle, son mérite, c'est d'avoir accepté de poser la première pierre. C'est là presque toute son histoire.Comme une mère, comme le Christ, Eugénie nous a laissé l'action à remplir. Comme une mère, comme le Christ, elle a gardé la part difficile, cette part efficace qui, à l'avance, devait assurer du fruit à notre action. Car cela fait aussi partie de son histoire, et de notre histoire, qu'un jour - un peu comme pour le prophète Elie dont le manteau de Prophète passa à Elisée et qui fut enlevé sur un char de feu - Soeur Eugénie passa son manteau de Prophète, et il lui fut demandé d'achever son rôle prophétique sur ce char de feu de la souffrance et de l'amour."

Paule Girolet - Anita Disier

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