Dossier     Mission en zone de précarité 
 


Dans le 93,
Services d’unité
5 spiritains, Rowland (Nigérian), Maciej (Polonais), Roger (Congolais), Vincent et René (Français), forment, avec 6 laïcs, l’équipe pastorale d’un grand champ missionnaire au Blanc-Mesnil !



Quatre chiffres tracent le profil de la population du 93 : 30 % est française de souche, 28 % a moins de 20 ans, 36 % loge en HLM et 38 % vit sous le seuil de pauvreté. Le mot discrimination revient sans cesse. Vincent Chopart collabore à Vu d’ici. Ce bimestriel réalisé par les habitants du Blanc-Mesnil est né du sentiment que leur parole était confisquée par les médias. Présent à une population jeune, il entend les violences subies dans les cités et les familles. Des centaines de collégiens ne sont affectés à aucun lycée. Des étudiants dorment dans la rue ou squattent des halls d’immeubles. Ces jeunes vivent dans un univers de vol, de violences, de shit et de sky (drogue et alcool). Assadi, né aux Comores, et habitant la cité des 212, ne perd pas pour autant tout espoir. « Dans nos cités, explique-t-il, il y a des Maghrébins, des Noirs, des Chinois, des Français… Ces différences, quand on arrive à les unir, font une nouvelle culture forcément plus riche. Tout le monde n’a pas cette chance. Ce n’est pas facile, mais il ne faut pas avoir peur, il faut aller vers les autres pour faire connaissance. Cela t’apprend en tant que personne à te comprendre toi-même. »
René Tabard est le modérateur de l’équipe pastorale d’un secteur de 5 paroisses : 6 laïcs (2 Antillais, 1 Africain, 1 Mauricienne, 2 Français de métropole) et 3 prêtres (1 Congolais et 2 Français).
Catéchèse, évangélisation des jeunes, formation et vie spirituelle, présence de l’Église dans la vie sociale, animation liturgique, évangélisation et vie professionnelle sont confiées aux laïcs. Évangile et culture, communication, charge de modérateur aux prêtres. Après consultation de chaque paroisse et ordre de mission de l’évêque.
« Sensibles aux cultures, avoue René, nous comprenons les difficultés des gens à ne pas avoir peur les uns des autres. Quand s’organise une rencontre des responsables religieux autour du maire, 25 imams, rabbins, pasteurs, prêtres et laïcs sont présents. La charte élaborée au Conseil des religions est un apport à la construction de la cité. »
La messe – 500 participants par dimanche – est un rassemblement multiethnique où se mélangent tous les courants politiques. L’Église rend ainsi un réel service d’unité à la communauté humaine. Après certaines résistances, l’idée de faire des réunions de chrétiens dans les immeubles où cela est possible fait son chemin. Les 1ers essais sont concluants. De tels rassemblements autour des 300 baptêmes et des 50 mariages annuels, nos 3 paroisses en font une priorité.
Les cultures mélangées, Rowland Ndukaire, commence à les connaître. « Il faut surtout être disponible à tous, dit-il. Et ouvert pour sentir que les mêmes réalités peuvent s’approcher de différentes façons. J’ai remarqué que pour l’Asiatique, la relation au sacré passe par le toucher. L’Africain, lui, contemple et médite de loin. Et quand il accompagne ses chants au tam-tam, l’Européen apprécie ce que l’Asiatique qualifie de bruit ! Comment tenir compte de toutes ces réactions ? »
Rowland coordonne les 25 responsables de groupes et d’aumôneries de jeunes. Il accompagne aussi les 50 jeunes – 50 % d’Antillais – qui se préparent à la confirmation. Plus de 95 % de nos jeunes pratiquent après leur profession de foi. Peut-être parce qu’ils sont accueillis en aumônerie où ils décident de venir librement. « Nous abordons le racisme, l’interreligieux, les loisirs et toute la vie en société, ajoute Rowland. Mais nous ne proposons aucune activité de solidarité internationale : les familles manquent de moyens. Quand il faut trouver 30 € pour participer à une activité, des parents règlent en 3 chèques de 10 €. Heureusement que pour sortir nos 111 jeunes en bus, nous recevons l’aide des mairies ! »
Maciej Lukomski est arrivé de Pologne, il y a 2 ans. « Le 93, je n’en connaissais rien. Je m’y sens bien, pas agressé du tout. Je me rends compte qu’ici peut-être plus qu’ailleurs, le contact personnel est très important. » Avec Rowland et Roger, il accompagne une troupe de 60 scouts et guides de France, leurs responsables et leurs parents. Formation, camps, week-ends, en lien avec les 7 autres troupes du département. Il participe aussi à la catéchèse sur les 5 paroisses : relation avec les bénévoles, formation aux sacrements avec les parents, cours à des CM2 et de CE2. « Il me faut souvent catéchiser les parents, constate-t-il, pour qu’ils comprennent ce que nous proposons à leurs enfants. Ma propre expérience de foi, j’ai dû l’adapter aux réalités d’ici. Les gens sont là presque 24 h sur 24, et tous les jours. Le téléphone sonne de 8 à 23 h. Il faut réellement s’oublier soi-même. »
L’Aumônerie catholique congolaise
Ils seraient entre 30 et 40 000, les Congolais de la RD Congo en Île-de-France. Mgr Olivier de Berranger a demandé, en 1999, au P. René Tabard de coordonner leurs groupes en une aumônerie avec équipe d’animation pastorale et conseil financier.
Chaque dimanche, la messe de 15 h (rites zaïrois) rassemble 200 personnes (chrétiens et prêtres), 1 000 les jours de fêtes. Encouragée par feu le Cal Frédérick Etsou-Nzabi-Bamungwabi, une association loi 1901 collecte des fonds de soutien à l’ouverture d’une télévision catholique à Kinshasa où existent 30 chaînes pentecôtistes ou d’autres mouvements religieux. Plusieurs groupes de prière, les Papas et les Mamans catholiques, soutiennent de nombreux Congolais. Les mercredis, une permanence aide les sans-papiers : 4 000 dossiers traités en 3 ans. Les jeudis matin, des femmes accueillent les gens à problèmes avec l’appui du Secours catholique. Chaque dernier week-end d’août, plus de 2 000 Congolais remplissent la cathédrale de St-Denis.

Un groupe charismatique vient de sortir un CD de chants des rites zaïrois en lingala : Lokumu Na Mokonzi, 10 € à commander à la paroisse St-Charles, 107, avenue Normandie-Niemen, 93150 – Le Blanc-Mesnil.

Un pauvre riche de cœur
Au creux de la vague, au sortir d’une dépendance, il a été suivi par une équipe médicale. Il logeait en foyer et cherchait du travail. Nous l’avons aidé. Un jour, il nous annonce avoir un logement et un travail. Et nous dit que, tenté de retomber dans sa drogue, il allait prier Dieu dans une église.
Après quelque temps, il arrive, rayonnant : « J’ai pris un billet, j’ai gratté, j’ai gagné 1 500 € ! » Nous étions heureux pour lui. Et bouleversés, quand il a ajouté : « Cet argent n’est pas pour moi. J’ai acheté des vaccins, des médicaments pour les victimes du tsunami dans mon pays. Mais je ne veux pas que le don vienne de moi, il faut qu’il vienne du Secours catholique. »
Il nous a demandé d’écrire une lettre expliquant qu’il n’était que le convoyeur de ce don. Il est parti avec son cœur énorme, ses médicaments, sa lettre, remettre au prêtre de chez lui son coup de pouce pour ses frères.
Françoise


Secours catholique Sans-papiers et demandeurs d’asile
Chaque mercredi après-midi, l’antenne du Secours catholique à St-Charles accueille les sans-papiers et demandeurs d’asile.
Certains régularisables depuis longtemps mais ignorant les démarches à suivre ou ayant peur de se présenter à la préfecture. D’autres en situation non régularisable.
Même si je ne peux rien faire pour les papiers, j’explique la loi et je fais comprendre aux gens où ils en sont. Dans la peur, beaucoup préfèrent se débrouiller dans la clandestinité.
Sur les 450 dossiers traités, près de la moitié ont abouti. La preuve que c’est le manque d’infos ou d’accompagnement qui maintient certains dans la clandestinité.
Innocent Sirzum
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