Dossier     Mission en zone de solidarité 
 



Proches, avec amour et respect
Le P. Gilbert Tenailleau est aumônier régional des Gens du Voyage pour les 11 diocèses du Grand Sud-Ouest. Avec le Fr. Bertrand Spitz, spiritain comme lui, ils se veulent présence d’Église dans une communauté souvent marginalisée mais riche de valeurs humaines.


Qui sont les Gens du voyage ?
D’après des similitudes entre le sanskrit et leur langue, les Tsiganes auraient quitté le nord-ouest de l’Inde vers l’an 1000 pour arriver, par le Moyen-Orient, jusqu’en Europe où ils sont depuis plus de cinq siècles. Winterstein, Weiss, Ofmann, Ulmann, sont des noms courants chez les Manouches venus par le nord de l’Europe. Kwick, Kivig, Demestre, pour les Roms venus de l’est. Les Lafleur font partie de la grande famille des Syntis arrivés d’Italie. Quant aux Gitans, Catalans ou Andalous, les Gimenez, Flores, Platas sont des familles de musiciens bien connues. Fils du vent, Romanichels, Bohémiens, ils sont depuis bien longtemps marginalisés par les gadgés (sédentaires). Victimes en grand nombre de la barbarie nazie, ils sont encore aujourd’hui des indésirables, des gêneurs. Leur choix de vie, leurs traditions dérangent et expliquent en partie le phénomène d’exclusion vieux de plus de 1 000 ans.
Combien sont-ils, aujourd’hui ? De quoi vivent-ils ?
Entre 9 et 10 millions de Tsiganes, la majorité vivant en Europe occidentale. Entre 400 et 500 000 en France. 55 % ont moins de 20 ans. Ils vivent de petits boulots. On les dit souvent « meilleurs dribbleurs » des avantages sociaux, spécialistes du RMI. La plupart s’adaptent aux besoins du moment. Chaudronniers, mécaniciens, musiciens, vanniers, rempailleurs ou montreurs d’ours, ils se font saisonniers, élagueurs, maçons, ferrailleurs, brocanteurs, forains. La chine et le travail lié aux récoltes et au temps sont 2 des raisons de leur mouvement migratoire régulier. Ceux qui voyagent encore en camping-caravane (50 %) vont d’aires d’accueil (si l’administration en a prévu) en terrains vagues ou parkings. Ils s’y installent d’une semaine à un mois selon les motifs. Les autres logent entre abris de jardin améliorés et maisons en dur, avec toujours une pièce centrale pour l’accueil de la grande famille. Le camping-car (souvent utilisé comme chambre) prêt au départ.
Quelles difficultés rencontrent-ils ?
La société urbanisée et industrielle a mis en péril le mode de vie des gens du voyage. Beaucoup travaillent au noir ou flirtent entre l’autorisé et l’interdit. Les médias entretiennent l’idée du Gitan voleur, sans foi ni loi. Tout n’est pas parfait chez nos gens. Mais l’amalgame n’est pas le meilleur moyen de comprendre l’autre.
La scolarisation régulière des enfants pose problème. Même l’enseignement par correspondance est difficile du fait des déplacements et de l’impossibilité d’un suivi régulier par des parents ou des grands frères trop souvent illettrés. Des associations envoient des camions-écoles pour le primaire. Appoint sympathique mais qui ne vaut en aucun cas un suivi scolaire régulier. Il faut pourtant tout faire pour réduire le taux important d’illettrisme qui touche plus de 50 % de cette population même parmi les jeunes.
Quelle est votre mission de spiritains auprès des Gens du voyage ?
Les Tsiganes adoptent facilement la religion dominante du pays d’accueil. En France, alors qu’ils étaient presque tous catholiques, beaucoup ont accepté le baptême des pentecôtistes. L’Église évangélique tsigane a permis à un grand nombre de Gitans, Manouches et autres de devenir pasteur ou missionnaire de l’Évangile.
Les pèlerinages, celui de Lourdes (les 20-25 août en 2007) et surtout LE pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer (les 20-25 mai 2007), sont les aspects les plus visibles de la foi des Tsiganes. Rendez-vous d’affaires, veillées de prières pour les malades et les défunts, occasion de baptêmes et de mariages, les pèlerinages sont pour une semaine le point fixe et stable de toute une culture de l’errance.
Notre mission est d’abord religieuse : préparation aux sacrements, catéchèses, pèlerinages, accompagnement des deuils et des mariages, écoles de la Foi, nous ne sommes que trop peu nombreux pour notre grande communauté.
Mais de fait, notre travail rejoint souvent celui des éducateurs dans la promotion d’un mieux-être social. Notre tâche est de responsabiliser, de faire prendre conscience, d’appuyer des initiatives qui respectent l’identité particulière de ce peuple. Nous essayons d’être une présence respectueuse et aimante sur les terrains. Auprès des enfants, des jeunes souvent désœuvrés, des adultes préoccupés par l’avenir de leur famille et par les dures réalités du monde moderne. Nous sommes en contact permanent avec les pauvretés de nos sociétés, la délinquance grandissante, fruit d’une errance désœuvrée de jeunes sans espoir vivifiant pour l’avenir, la drogue, le sida, l’agressivité, les problèmes de stationnement dus à l’absence de terrain d’accueil, la grande difficulté à s’adapter à de nouvelles formes de travail. Les Gens du voyage, les Roms (« hommes » dans la langue romani), ont développé de riches valeurs humaines et culturelles, un sens inné de l’accueil et de la famille qui ne peut qu’enrichir notre propre société.
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