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Bénin : tous unis contre pauvreté et sida

Gérard Sireau,spiritain, 65 ans, vit à Tanguiéta depuis septembre 2004. Ses urgences :
réduire la pauvreté par l’agriculture, redonner leur dignité aux handicapés, démultiplier la prévention face au sida...
Pour que les chrétiens deviennent acteurs de développement.
Repartir en Afrique après 5 années à Paris : arriverai-je à me réhabituer à cette terre ? Au bout de deux ans au Bénin, je peux dire que je vis heureux avec mes sœurs et frères africains.
Tanguiéta (25000 hab.) se situe dans le nord-est du Bénin, non loin du Burkina-Faso et du Togo : un lieu de passage important pour les transporteurs (carburant) allant vers le Burkina, le Niger et même le Mali, venant du port de Cotonou. Toutes les routes sont goudronnées!
Là, chaque corporation d’artisans (menuisiers, soudeurs, réparateurs autos et surtout motos très nombreuses, coiffeuses, tailleurs, etc.) a ses propres apprentis non rémunérés, obligés de se débrouiller pour vivre.
La paroisse, fondée en 1945, compte environ 40000 hab., dont la moitié de religion traditionnelle, 10000 musulmans et 10000 chrétiens, catholiques et protestants. Avec mon confrère ghanéen, nous rayonnons sur 2 secteurs aux ethnies identiques, ce qui facilite les contacts.
Un grand hôpital (géré par les Frères de St-Jean-de-Dieu) jouit d’une bonne réputation sur la région et jusqu’à l’étranger. Les soins aux malades du sida prennent du temps et de l’énergie. Plus de 70 sont actuellement traités. Certains ont accès aux anti-rétroviraux. La prévention demeure un problème majeur auprès de la population.
Nous formons des catéchistes pour permettre aux communautés de s’affermir. L’année prochaine, nous insisterons sur les petites " communautés chrétiennes de base " dans les différents quartiers de Tanguiéta et dans les villages. Nous rêvons que chaque petite communauté se prenne en charge, avec un fond de solidarité pour aider les plus défavorisés. Mais on en est encore loin !
Les chrétiens sont habitués aux rencontres de prière, moins à promouvoir le développement ou à s’entraider dans des situations difficiles ! Chaque ethnie veut former sa propre chorale: pas facile de créer une unité, alors 2 chorales chantent ensemble pour éviter une certaine " compétition " malsaine !
Le comité paroissial, représentant les différents mouvements ou groupes, se réunit chaque mois. Ces délégués prennent leur rôle très au sérieux. La collaboration avec les Sœurs de Notre-Dame-des-Apôtres et les Frères de l’hôpital se renforce.

1 milliard CFA détourné !

Les rencontres avec les prêtres et Sœurs des 6 paroisses du secteur sont très fraternelles. On apprend à se connaître, mais les décisions prises ne sont pas toujours réalisées. La plupart des prêtres ainsi que l’évêque sont originaires de la région. À Tanguiéta, une petite association des religieux et religieuses permet des rencontres (adoration, récollection une fois par trimestre) que nous animons à tour de rôle.
  • 1. Réduire la pauvreté dans les villages, en développant de nouvelles techniques agricoles, devient urgent. On cultive le maïs et l’igname, traditionnelle nourriture de base, ainsi que le sorgho. Les troupeaux appartiennent surtout aux Peuls, qui se déplacent pour trouver des pâturages. Les heurts sont fréquents entre les cultivateurs et les éleveurs, comme dans la plupart des pays sub-sahariens. Il n’y a pas d’ânes alors qu’ils sont très employés au Burkina-Faso voisin. Une possibilité à promouvoir… La culture du coton s’impose au détriment des cultures vivrières, mais certains villageois attendent leurs salaires depuis deux ans ! On leur fait de belles promesses ! De plus, les frais exigés pour l’achat d’engrais et d’insecticides hypothèquent déjà leurs salaires. La culture du coton, qui appauvrit les sols, cause également beaucoup d’injustices: on profite, en haut lieu, du travail des cultivateurs. Les détournements se pratiquent en toute impunité à tous les échelons de la filière cotonnière. Un haut responsable national a détourné un milliard CFA (environ 1 520 000 €). Il est toujours à son poste ! Il faudrait redonner aux cultivateurs le souci de produire d’abord des cultures vivrières. La " période de soudure alimentaire " (juin à août) risque d’être très difficile pour nombre de familles qui ont épuisé leurs réserves. Heureusement, des villages ayant accès à un cours d’eau permanent peuvent faire du jardinage. Des femmes, groupées en associations, fabriquent du savon et du " gari " à base de farine de manioc.
  • 2. Les handicapés physiques (polio – le virus se répand très vite en Afrique de l’Ouest et du Centre –, surdité et cécité) sont relativement nombreux. Nous les regroupons pour qu’ils suivent une formation scolaire spécialisée et trouvent un travail leur permettant de subvenir à leurs besoins : tailleurs, menuisiers, coiffeuses… Certains désirent retrouver une dignité en travaillant. Un projet pourrait leur permettre d’obtenir du matériel pour démarrer.
  • 3. Les malades du sida nous tiennent à cœur. Une association, Vivre en confiance, vient de naître. Basée sur la paroisse, à l’initiative de l’hôpital St-Jean-de-Dieu, elle vise à faire changer le regard de la population sur ces malades souvent rejetés par leur propre famille. Pour les encourager à se faire soigner, tests de dépistage et prise en charge sont quasiment gratuits. Vivre en confiance leur propose également une aide en nourriture et la réfection de leur maison. Elle contribue à l’information et à la prévention (visites dans les villages). Certains sont soignés, mais combien ne se savent pas porteurs du virus ?
Nous souhaitons que de plus en plus de chrétiens et de non-chrétiens se mobilisent pour faire face à ces défis ! Les chrétiens montrent plus leurs vrais visages en s’engageant au service de leurs frères qu’en participant aux temps de prière. Alors, ces moments seraient le lieu où l’on retrouve force et courage auprès du Christ.
Gérard Sireau

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