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Aventure missionnaire
avec des gens du voyage


  Aumônier des Portugais du diocèse de Bordeaux en 1995, Gilbert Tenailleau, spiritain, devient aumônier des Gitans et gens du voyage en 1997, avant d’accepter, en 2000, d’en être le responsable pour la région Aquitaine. Avec Bertrand Spitz, spiritain, il les accompagne au gré de leurs déplacements. " Rachai (Père) Gilbert " nous en parle.
Une impression de partir en mission : autre culture, autre monde, autre langue. Notre communauté (au Taillan Médoc, près de Bordeaux) est un peu atypique : une famille tzigane roumaine en grande difficulté vit avec nous.
Il y a 4 ans, Parris et Dorita et leurs 2 enfants (10 et 13 ans) étaient traités en parias : " Interdit aux chiens et aux tziganes ", sans rien, sans travail! L’apartheid ! Un jour, un homme s’adresse à Parris : " Je te donne 5000 € pour le grand et 1 000 € pour le petit ! " Quel choc! " Le jour où j’ai compris que mes enfants étaient à vendre, c’en était trop ! Je suis parti. " Parris et sa famille arrivent à Bordeaux.
Je les découvre dans un état d’extrême pauvreté, leur apporte de quoi manger. Peu à peu nous avons sympathisé. Malmenés par la police, fuyant de terrain en terrain, ils se retrouvent avec des Roumains qui organisent un trafic de drogue à grande échelle ! Ayant peur d’y être mêlés, ils se réfugient ici, la veille de Noël…
Le soir de Noël, la famille de Parris prépare son repas dans un coin de notre garage. Et nous, avec Bertrand et des amis, nous fêtons Noël à la maison ! Je me dis : " il y a un truc qui ne va pas ! Ce n’est pas sérieux ! " Nous les invitons à nous rejoindre. Comme nous avions prévu quelques cadeaux, je demande au petit Dragan (10 ans) : " Toi, qu’est-ce que tu aimerais avoir pour Noël ? " La réponse fuse : " Une maison ! " Avec Bertrand nous nous regardons : " Eh bien ! Votre maison, c’est ici ! "
Au bout d’un an et demi de démarches, nous avons obtenu une carte de séjour avec un permis de travail ! Aujourd’hui Parris a un boulot. Dorita fait l’entretien de la maison, les enfants sont scolarisés. Bientôt la fin du tunnel !
Jean-Louis et Joseph, prêtres du secteur, nous aident énormément. Pour eux, cette ouverture particulière est une chance. Ils sont heureux d’en profiter. Tous les paroissiens du secteur se sont mobilisés pour ces gens du voyage, avec un bel élan de solidarité. Notre décision d’accueillir cette famille a touché les gens, ils disent : " C’est ça, la vie religieuse ! " La famille de Parris et Dorita est aussi très appréciée.
Gens du voyage ? Fils du vent, nomades marginalisés par les gadgés (sédentaires). Victimes en grand nombre de la barbarie nazie, ils sont encore aujourd’hui indésirables. Contraints à la sédentarisation, sans formation ni vrais métiers, beaucoup se retrouvent dans une grande précarité, à la frontière entre l’autorisé et l’interdit. Notre société a beaucoup de mal à accepter que des gens vivent autrement que le " vivre majoritaire " !
La loi Besson – chaque commune de plus de 5000 hab. doit créer une aire de stationnement – devrait aider à apaiser peu à peu cette difficulté de relations entre sédentaires et nomades.
Je participe aux commissions départementales de médiation gérant les conflits entre les gens du voyage et l’autorité administrative. Je peux ainsi rendre attentif à leurs particularismes.
L’accueil est la grande richesse des gens du voyage. Quand tu vas chez eux, tu es toujours bien accueilli, on te reçoit. Tu es l’étranger, et l’étranger on le respecte. Il y a aussi une espèce de simplicité de vie, qui fait que l’on n’a pas peur de se laisser déranger: quand tu arrives, on arrête tout pour toi.
Ils vivent une foi simple où Dieu fait partie de leur vie. Il est dans leur caravane, sur leur lieu de vie, en eux. Rien ne se décide sans un temps de prière! Ils ont une grande dévotion pour les défunts ainsi que pour les malades. Une foi vécue avec beaucoup de gestes : on brûle des bougies, on touche, on embrasse, on attend un peu le merveilleux (d’où l’impact de l’Église évangélique très prosélyte, 50 % des Tziganes de France sont évangéliques).
Durant les pèlerinages, on se retrouve à 600 caravanes pour vivre 10 jours ensemble. C’est la fête. La procession très colorée (avec tout un tas de symboles) est un véritable désordre, loin d’être un beau défilé ! C’est cela qui les touche : " Ah ! Rachai, que c’était beau ! "
Finalement c’est ce bazar qui était beau pour eux, parce qu’ils étaient ensemble. Ils se portaient les uns les autres pour aller à la rencontre de Dieu et de Marie. Ils vivaient profondément leur foi dans ce brouhaha. De même, quand je célèbre la messe, dehors, devant la caravane, ça entre, ça sort. Une femme vient et pose sa chaise avec sa bassine et lave son linge tout en répondant bien fort : " Amen ! " De quel droit vais-je lui dire qu’elle ne prie pas ? Est-ce qu’elle ne peut pas prier tout en continuant d’être maman, une maman qui lave le linge pour ses enfants ?
En France, nous fonctionnons avec des règles précises, un calendrier, une montre. Pourquoi imposer nos rythmes et nos fonctionnements à des gens qui vivent le moment présent, dont la vie est imprévisible ? Ils ne savent pas où ils seront dans un ou deux mois.
Nos Églises doivent être attentives à l’homme dans la situation où il se trouve. " Si moi, Gitan, j’ai une question à te poser et que tu me dises : "Viens passer un moment" alors c’est gagné ! Mais si tu me dis : "Reviens à 15 h, lundi" c’est perdu ! " C’est à nous de nous adapter. Il faut que nous, chrétiens en France, nous acceptions que d’autres prennent leur espace dans notre espace. Car les gens du voyage peuvent enrichir notre l’Eglise.

Avec l’aumônerie nationale, nous avons créé un ministère particulier aux gens du voyage le " ministère de rassembleur ". Relais entre l’aumônier et la communauté, il rassemble les gens, organise une école de la foi, une veillée de prière (on prie, on chante avec les guitares, on commente un texte, le tout très convivial, avec un verre et un morceau de brioche à la fin).
Pour le diocèse, pas moins de 12 rassembleurs, dont quelques femmes, habiles pour parler aux gens.
Nous souhaitons que notre communauté spiritaine soit plus semi-itinérante pour témoigner par sa proximité et sa vie de prière, et aussi pour former des responsables. Réponse à la demande insistante de futurs bons animateurs de communautés.
Propos recueillis par Vincent Chopart


Les gens du voyage

  • Près de 500 000 en France.
  • Population jeune : 55 % de moins de 20 ans.
  • Plus de 50 % d’illettrisme, même parmi les jeunes !
  • 3 grands groupes :
    • Les Manouches, venus par le nord de l’Europe, empruntant leur nom à ces régions traversées.
    • Les Gitans, venus plutôt par le sud, ayant longtemps séjourné en Espagne.
    • Les Roms, arrivés depuis longtemps ou plus récemment de Roumanie, de Yougoslavie, fuyant des situations insupportables, espérant vivre mieux.

Associations en lien avec les Gens du voyage
les Amis des voyageurs, Vie libre, Médecins du monde, Amnesty international, Secours catholique, CCFD, Agir ici, ATAC.




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