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Mozambique
Sida et paludisme décapitent les familles


Yves Mathieu, 46 ans. 3 années vécues au Mozambique avec 8 confrères spiritains. Accompagnement de toute une population éprouvée par les maladies, la pauvreté. Et pourtant capable de joie et de solidarité.

Vivre en France, sans problème, alors qu’ailleurs tant d’autres survivent difficilement, m’a toujours marqué. Je travaillais comme automaticien, mais je me sentais " créateur de chômeurs ". J’ai tout arrêté. Avec les spiritains j’ai compris que le sens de la vie se recevait de la présence de Dieu.
Le Mozambique a connu une guerre de décolonisation de 1972 à 1982 et une guerre civile de 1982 à 1992. La reconstruction des infrastructures et des cœurs est un défi. Nous aidons les gens à se relever, par la justice et la miséricorde. Certains vont jusqu’à pardonner à ceux qui ont tué des membres de leur famille.
Nous sommes 9 spiritains (7 nationalités), dans 3 communautés : Itoculo, Nampula, et Inyazonia, sur le bord de la route " Couloir de Tete", seul passage reliant la Zambie et le Malawi au grand port de Beira. Cette route engendre beaucoup de prostitution, cause de la prolifération du sida (40% de la population).
Le paludisme aussi également très présent. L’an passé, un des 5 prêtres du diocèse en est décédé en 5 semaines alors qu’il était en pleine santé. La mort est omniprésente.
De nombreuses familles sont détruites. Souvent, les grands-parents s’occupent des petits-enfants, les parents étant décédés. Parfois les enfants vivent seuls. Nous pouvons imaginer la peine de ceux qui voient toute leur famille partir ainsi.

Rites de fraternité, symbole de mort

Tout est bouleversé ! Difficile de s’organiser ! Il y a 2 ans, le diocèse avait mis en place différentes commissions, mais ces groupes ont dû se réorganiser plusieurs fois en raison du décès de certains de leur membres.
Le sida se propage très vite. Pas uniquement sexuellement, mais aussi en raison de pratiques traditionnelles. Par exemple, un père de famille donne ses " pouvoirs " à ses enfants en scarifiant chacun d’eux avec une même lame de rasoir. Rites de fraternité, devenus symboles de mort !
Le dépistage du sida dans les maternités permet de traiter les mamans pour éviter la naissance d’enfants porteurs de la maladie. La trithérapie est enfin disponible gratuitement. Le nombre de médicaments, bien qu’insuffisant, permet de redonner quelque espoir. Dans la paroisse, une sœur s’occupe de l’accompagnement des sidéens. Que faire pour aider ?
Les spiritains sont là, présents, humblement, pour partager leurs souffrances et leurs joies.
Notre paroisse est composée de 40 communautés chrétiennes : nous avons fini la réédition d’un dictionnaire (de 3 100 mots) portugais – chibarghwe. Cela nous aide pour apprendre la langue et pour limiter les mots étrangers dans la liturgie. Actuellement, nous traduisons un catéchisme pour adultes, et l’on nous demande de traduire la Bible ! Nous visitons les familles, les aidons dans l’agriculture et la médecine (notamment par la médecine des plantes). Beaucoup ne vivent que de leur petite plantation, réduites à rien quand les pluies manquent.
Nous voudrions construire un foyer pour que les jeunes de la campagne puissent venir étudier à la ville. En leur offrant un petit travail, nous les aidons à financer leurs études, en attendant qu’ils trouvent un emploi salarié.
Malgré les épreuves, la joie de vivre ne manque pas. Lors d’invitations, j’ai découvert cette gaieté et compris que quelque chose de plus intense les aide à vivre : la conscience d’appartenir à une communauté, et le souci de l’unité et de l’entraide mutuelle... J’ai été impressionné de voir comment les gens se respectent, comment une amitié forte unit chaque personne du village.
Quand il nous faut traverser un village, et donc passer dans le terrain des voisins, on s’arrête. On parle avec chacun, on demande comment les gens ont dormi… puis on continue. C’est un peu comme une grande famille. C’est peut-être cela qui leur donne la force de surmonter les épreuves.

Propos recueillis
par Vincent Chopart
(Yves.mathieu@tiscali.fr)

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