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île Maurice : Église en croissance

Daniel Muff, spiritain, curé et formateur, constate les effets bénéfiques d’une formation des laïcs mise en route il y a 5 ans avec l’Institut catholique de l’île Maurice dont Raymond Zimmermann, spiritain, est le recteur. État des lieux.


Comment caractériser l’Église de l’île Maurice ?
Les chrétiens représentent plus de 30 % de la population. 49 % d’hindous, 17 % de musulmans et une petite minorité de bouddhistes (de la diaspora chinoise) forment le reste. Les Blancs sont pratiquement tous catholiques. Ils possèdent une grande part des terres, de l’industrie sucrière, du secteur hôtelier, et de l’industrie off shore.
Actuellement il n’existe qu’un diocèse sur l’île, avec une centaine de prêtres dont la moitié est autochtone. L’Église est très vivante mais n’a pas encore totalement intégré Vatican II. Elle souffre d’un très fort passé colonial qui laisse des traces aussi bien dans les structures que dans les personnes. Elle reste assez repliée sur elle-même et ne sait pas suffisamment profiter de la richesse des autres spiritualités, en particulier hindoues, existantes sur l’île. Une exception pourtant : le centre d’accueil de Pompralin et ceux qui y passent pour se former à l’interreligieux. Le synode, qui s’est achevé il y a cinq ans, a tracé les axes prioritaires à l’Église : l’annonce de Jésus-Christ, le service des pauvres, la formation des laïcs, la formation à l’interculturel. Tout cela se met en place petit à petit. Ce que l’on appelle la " religion populaire " marque encore fortement les esprits. Nous nous efforçons de montrer que notre Dieu est un Dieu qui nous aime et non un Dieu qui nous a créés pour nous faire peur.

Quelle est la place des laïcs dans les services de l’Église ?
Il existe sur Maurice une Caritas très vivante. Deux tiers des paroisses de ville ont un service d’écoute et d’entraide pour le développement : groupe de personnes attentives aux problèmes les plus importants (difficultés conjugales, relations parents-enfants, pauvreté matérielle). Ces groupes ne répondent pas directement aux besoins mais interviennent pour que les gens s’adressent eux-mêmes aux services publics ou compétents : assistantes sociales, avocats, etc.
Autre type d’intervention, le soutien à une jeunesse souvent désœuvrée, limitée dans ses initiatives en raison de l’illettrisme de beaucoup. D’où la mise en place, un peu partout, de cours d’alphabétisation. Le planning familial (mis en place par le cardinal Margéot il y a près de trente ans) a un impact sur l’évolution démographique. L’île Maurice a l’une des densités les plus fortes au monde (500 hab. au km2). De plus, les 2/3 de l’île sont recouverts par la canne à sucre. Il s’ensuit des risques de tensions, même si les populations sont circonscrites dans des quartiers où elles se mélangent peu.
Les laïcs (surtout des femmes) interviennent au niveau de l’enseignement catéchétique, des centres de préparation au mariage (dans 1 paroisse sur 3). Des équipes se mettent en place pour les préparations au baptême. Les mouvements: l’ACE (Action catholique pour l’enfance) est très développée. L’aumônier international du Midade (Mouvement international d’apostolat des enfants) est mauricien. Le scoutisme est assez vivant.
Les mouvements d’adultes sont plus limités. Les groupes charismatiques sont présents dans presque toutes les paroisses. C’est là que la religiosité populaire s’exprime communautairement sans être pour autant en marge de l’Église. L’accent est mis sur le service paroissial où beaucoup de membres de ces communautés charismatiques se retrouvent.

Vous êtes également engagé dans la formation des laïcs ?
Depuis longtemps, des formations étaient données aux jeunes de 18 ans et plus, les " groupes 40 " (composés de 40 membres). Bel effort diocésain animé plus particulièrement aujourd’hui par Raymond Zimmermann (photo p. III), spiritain, responsable de l’Institut catholique de l’île Maurice. Effort sérieux d’une formation adaptée qui se décline sur 3 niveaux :
La paroisse où l’équipe paroissiale peut donner une formation sur place selon les besoins. Cela peut aller de la catéchèse à une présentation générale du corpus de la foi.
Le 2e niveau est l’ETSH (École de théologie et sciences humaines). Ces écoles dépendent de notre Institut catholique. Il y a là quelques laïques, bien formées (par ex. : docteur en théologie), prêtres, profs au grand séminaire. Cette formation est donnée sur une quinzaine de secteurs en 10 soirées hebdomadaires : vie liturgique, sacrements (alliant la théorie à la pratique), histoire de l’Église, théologie pratique, morale et philosophie. J’ai moi-même proposé, pendant 2 ans, une réflexion sur le temps, l’histoire, la logique et Dieu. Mais cette formation, encore trop orientée par le clergé, ne favorise pas suffisamment une réflexion autonome des laïcs afin qu’ils acquièrent une foi vivante, réfléchie et personnelle.
Depuis un an nous avons mis en place un 3e niveau pour des formateurs dans les communautés. Les motivations sont très diverses : certains viennent pour s’informer, d’autres pour un travail paroissial, d’autres encore pour une formation universitaire. Pas facile de répondre aux diverses demandes. Nous bénéficions, heureusement, de la confiance de notre évêque, Mgr Maurice Piat.

Des fruits déjà perceptibles ?
Après cinq ans, nous trouvons de plus en plus de laïcs compétents. Dans les paroisses où je travaille, des équipes fonctionnent de manière autonome. Je peux leur faire entière confiance. Leurs membres sont reconnus par les communautés pour leur compétence. Émergence d’une église peuple de Dieu composée de ministères diversifiés. Il m’arrive souvent, dans le cadre du conseil pastoral, de renvoyer telle ou telle question aux équipes responsables.
Pour résumer, nous cherchons à mettre en œuvre le principe de subsidiarité pour tout ce qui touche à l’autorité. Et à ce niveau-là, le clergé est autant à convertir que les laïcs.

Le christianisme est-il vraiment devenu mauricien ?
à mon arrivé à l’île Maurice, seule la 2e prière eucharistique était traduite en créole. Actuellement l’Évangile de Marc est traduit. La langue liturgique officielle reste le français. Regrettable ! Dans les îles de la Réunion et des Seychelles, la Bible est entièrement traduite en créole. Il est sûr que la formation que nous dispensons donne à ceux qui y participent les outils pour une véritable inculturation de l’Évangile.
Il est urgent aussi, et notre Congrégation en a le souci, que des confrères, mais aussi des prêtres du clergé local, acquièrent une formation à l’interreligieux.

Propos recuellis par Claude Brehm
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