Au cœur
des fractures sociales
pastorale
et
engagements spiritains
Les spiritains ont
donné leur contribution dans divers domaines de la mission de
l’Église. Ils y ont répondu de manière
créative en Irlande comme à l’étranger.
Bien qu’ils soient moins nombreux dans la province, ils
continuent à rendre service. En plus du domaine de
l’éducation, ils mettent également l’accent
sur d’autres priorités telles que les paroisses,
l’accueil des migrants, des réfugiés et des
familles touchées par la dure réalité du
suicide, l’action pour la justice et l’intégrité
de la création, sans oublier l’accompagnement des
confrères plus âgés.
Aujourd’hui, il
n’y a plus de vocations au sens traditionnel du terme, mais des
jeunes qui sortent des écoles de la province gardent un esprit
spiritain et une motivation pour les activités missionnaires
et de développement pour le plus pauvres.
Même si la
province réserve une grande place à la mission autour
des plus pauvres et des personnes marginalisées en Irlande,
les activités missionnaires à l’étranger
ne sont toutefois pas délaissées. « Cela
veut simplement dire que nous sommes de plus en plus conscients du
fait que nous avons besoin de nous engager dans la mission en Irlande
auprès de tous ceux qui sont à la périphérie.
Nous souhaitons maintenir une présence spiritaine en Irlande
sans perdre de vue la mission ad extra et nous continuerons à
soutenir des confrères venus d’autres provinces »,
souligne le P. Marc Whelan, provincial d’Irlande.
L’expérience
montre que ceux qui s’y adaptent le mieux sont ceux qui ont
déjà une bonne expérience missionnaire au moment
de leur arrivée en Irlande. Il y a huit spiritains non
irlandais qui travaillent dans la province. « Nous
encourageons leur présence notamment pour rendre service dans
les paroisses et auprès de réfugiés. Et il est
important qu’il y ait un mélange de confrères
expérimentés avec ceux qui viennent de recevoir leur
affectation missionnaire. L’Irlande est un pays de mission
difficile. Sa sécularisation progresse très rapidement
et implique un travail missionnaire qui est un grand défi pour
nos jeunes confrères, surtout ceux qui sont habitués à
une Église vibrante et tournée vers les activités
plus sacramentelles qu’autre chose », précise
le P. Whelan.
Pour mieux les
accueillir, la province est en train de mettre en place, en lien avec
toute l’Église en Irlande, un programme qui permettra
aux jeunes confrères et aux missionnaires étrangers de
vivre une période de transition afin de s’adapter à
la culture et aux nouvelles réalités du pays.
Un jeune Tanzanien,
Erasmus Manwa, venu pour un stage pastoral en Irlande, s’attendait
à faire l’animation de jeunes d’origine irlandaise
en paroisse mais la plupart de ceux qu’il a rencontrés
étaient étrangers. Ce fut un choc pour lui et il lui a
fallu du temps pour s’adapter à cette situation. C’est
pourquoi un accompagnement est nécessaire pour les nouveaux au
début de leur mission.
Pourquoi des paroisses
spiritaines
Dans les années
1980, l’extension de la ville de Dublin a donné
naissance à de nouveaux quartiers et à de nouvelles
paroisses. Pour répondre aux besoins du temps, les spiritains
ont accepté de prendre en charge ces paroisses et leurs défis,
notamment les questions liées aux violences, aux drogues, aux
suicides, à l’alcool, au chômage, à la
récession, à la dépression. Ces défis
sont toujours d’actualité.
Il y a plusieurs
paroisses. Ballintuber et Ballymoe se trouvent en province, alors que
Kimmage, Greenhills, Bawnogue et Deansrath se situent à la
périphérie de Dublin. Les deux dernières sont
très défavorisées, car elles n’ont pas
profité des changements économiques, et abritent la
population qui a le plus souffert suite aux mesures d’austérité
imposées par l’État. On y trouve une
concentration de chômeurs et de familles brisées, un
grand nombre de suicides et de personnes en possession d’armes
qui commettent des meurtres. Les assassinats sont souvent liés
à l’argent de la drogue.
Lors des grandes
célébrations, les églises sont pleines à
craquer. Voici un exemple : en avril dernier, une cérémonie
de première communion – haute en couleur et noire de
monde – a eu lieu à la paroisse spiritaine de Bawnogue.
Rappelons ici que les écoles en Irlande ont un système
qui accompagne les enfants à suivre le catéchisme
jusqu’à la confirmation. Après la confirmation,
beaucoup d’entre eux ne pratiquent plus. Certains reviennent au
moment de leur mariage. D’autres apparaissent occasionnellement
au moment des célébrations de Noël, de Pâques
ou des obsèques d’un proche.
Mais ces églises
sont presque vides les dimanches ordinaires. Certains paroissiens
irlandais préfèrent des messes calmes. Ils ne viennent
donc pas aux eucharisties en présence des étrangers
parce qu’ils bougent trop et font du bruit en chantant,
disent-ils. Ces étrangers sont plus souvent originaires du
Nigeria, du Cameroun, d’Afrique du Sud, de Colombie, du
Pakistan, du Venezuela, des Philippines ou de Pologne.
Orientation vers les
plus pauvres
En Irlande, environ
25 % de la population est considérée comme
pauvre. Il existe des sans-abri surtout en ville. Leur situation
résulte le plus souvent de problèmes d’alcool, de
drogue et de familles séparées. La pauvreté est
pourtant relative car la plupart des personnes qui figurent dans
cette catégorie ont un logement, de quoi manger, et
bénéficient d’autres éléments de
confort social. Nous ne pouvons donc pas parler d’une pauvreté
abjecte en Irlande. Au-delà de la pauvreté matérielle,
il y a la pauvreté spirituelle. Beaucoup de gens n’ont
aucune connaissance ou aucune pratique religieuse. L’Église
en Irlande fait un effort aujourd’hui pour encourager le retour
de ceux qui l’ont quittée.
En travaillant en
Irlande, les spiritains encouragent aussi la population à
prendre conscience des besoins des plus pauvres dans leur pays comme
à l’étranger. Ils font par exemple des collectes
pour soutenir des écoles et autres activités
missionnaires dans les pays en voie de développement.
Pratique religieuse
et sacramentelle
Certains parents ont
perdu la foi et ne veulent plus baptiser leurs enfants. Ils les
laissent libres pour qu’ils choisissent leur propre religion à
l’âge adulte. Mais que choisiront-ils alors qu’ils
n’ont été introduits à aucune religion ?
D’autres baptisent leurs enfants pour pouvoir les inscrire dans
les écoles catholiques ou pour qu’ils reçoivent
une meilleure éducation et un minimum d’instruction
religieuse. Il y a des familles qui ne veulent pas entendre parler de
religion chez elles. Elles ne baptisent donc pas leurs enfants et
décident de les envoyer dans des écoles laïques.
Un autre cas :
en France, les mariages civils et religieux sont célébrés
à deux occasions et en deux lieux différents. En
Irlande, les deux cérémonies ont lieu à
l’Église. Les prêtres sont assermentés par
l’État pour accomplir les deux actes en même
temps.
Protection des mineurs
En Irlande, l’Église
fait beaucoup d’efforts pour la protection des mineurs et pour
retrouver la confiance des fidèles suite aux scandales qui
l’ont éclaboussée ces dernières années.
Elle a mis en place des méthodes strictes et efficaces de
contrôle. D’ailleurs, tous les membres du clergé
doivent suivre une formation spécifique concernant la
protection des mineurs. Des procédures clairs ont été
définies pour agir en cas de plainte. L’Église,
qui a failli sur ce plan dans le passé, pourrait être
mieux placée que n’importe quelle autre institution
aujourd’hui pour protéger les plus jeunes, grâce
au dispositif adéquat de surveillance mis en place.
Les voyageurs irlandais
Il y a, dans les
paroisses de Bawnogue et de Deansrath, des gens du voyage –
appelés « voyageurs irlandais », (à
ne pas confondre avec les Roms). Les voyageurs irlandais, comme tout
peuple nomade, se déplacent sans cesse même si beaucoup
d’entre eux ont des adresses fixes. Ils ont une culture, une
manière de s’habiller, voire de parler qui leur sont
propres. Ils sont donc facilement reconnaissables.
L’éducation
de leurs enfants est souvent irrégulière en raison des
déplacements trop fréquents des familles. Certains ont
une bonne situation économique, possèdent des grosses
voitures et sont bien habillés. Ils perçoivent tous une
allocation régulière de l’État. Le
gouvernement leur a construit des maisons qu’ils acceptent tout
en préférant vivre dans des caravanes installées
devant leurs propres maisons. Ils sont organisés en clans et
se marient entre eux. Mais certains continuent à mendier,
d’autres vont même jusqu’à se tourner vers
le clergé pour faire part de leur besoin d’argent,
parfois dans le cadre d’une demande de confession. Si le prêtre
leur dit qu’il n’a pas d’argent à leur
offrir, ils protestent haut et fort.
Certains sont très
religieux. Ils participent souvent aux pèlerinages, envoient
leurs enfants au catéchisme, respectent l’interdiction
des relations sexuelles avant le mariage. Et pourtant, il y a, au
milieu d’eux, des personnes agressives et des voleurs. En
raison de cela, ils sont parfois discriminés et ne peuvent pas
accéder librement à certains endroits comme les débits
de boisson. S’ils trouvent une maison non surveillée, ou
un verger au bord d’un chemin, ils ont tendance à se
l’approprier. L’histoire montre qu’avant la Seconde
Guerre mondiale, la plupart d’entre eux étaient des
commerçants ou des ferblantiers très compétents.
L’exercice de ces professions a progressivement disparu.
On dit que si un
voyageur irlandais meurt dans une caravane, la communauté la
brûle, pour libérer l’âme du défunt
ou pour faire disparaître les esprits mauvais, mais aussi par
souci d’hygiène en cas d’affection contagieuse.
SPIRASI
service
aux survivants
de la torture
Spirasi (Spiritan
asylum services initiative) est une ONG humanitaire fondée par
les spiritains en 1999. Elle est unique en Irlande puisque c’est
la seule organisation qui aide les survivants de la torture depuis
2001. Dès le début, Spirasi a soutenu des demandeurs
d’asile, des réfugiés et des migrants. Désormais,
elle est surtout concentrée sur l’accueil et
l’accompagnement des personnes qui ont été
torturées. Près de 3 000 personnes originaires
de plus de cent pays différents, dont l’Égypte et
la Syrie, se sont présentées dans les bureaux de
l’association à Dublin.
Que fait Spirasi pour
les victimes ?
Spirasi leur fournit un
soutien thérapeutique, médical et psycho-social visant
à protéger, à réhabiliter et à les
intégrer dans la société irlandaise. En plus de
ces soins, Spirasi offre des cours gratuits d’anglais et
d’informatique. En partenariat avec d’autres
organisations, Spirasi ouvre l’accès aux services
spécialisés pour promouvoir le bien-être de la
personne humaine et encourage l’autonomie de chacun en
l’orientant vers des études ou un emploi. « Si
la personne exerçait la médecine avant d’être
victime de la torture, nous l’aidons à reprendre sa
profession », affirme Greg Straton, directeur de Spirasi.
Les victimes sont
orientées vers Spirasi par des médecins. L’organisation
reçoit un soutien financier de l’ONU et de l’État
irlandais. Elle ne paie pas de loyer pour la maison qui l’abrite,
ce qui est déjà une aide précieuse pour ses
activités.