Au cours du XX^e siècle, des religieux et des religieuses sont venus d’autres pays pour se former ou pour rendre service à leur congrégation. Des prêtres polonais, italiens, portugais ou espagnols, ont accompagné les migrations successives pour assurer un ministère auprès de leurs ressortissants. Certains se sont installés dans notre pays et se sont engagés définitivement dans le travail pastoral. Mais, depuis une dizaine d’années, ce phénomène a pris de l’ampleur, au moment même où l’effondrement des vocations sacerdotales et religieuses se fait durement sentir, modifiant profondément la présence et l’activité de l’Église sur le territoire national.

« Un jour vous nous avez évangélisés, grâce à vous, nous avons connu l’Évangile. Aujourd’hui vous avez besoin de nous, nous venons vous aider. » Cette formulation, souvent entendue, exprime un sentiment de gratitude et se réfère aux échanges de dons. Mais elle comporte implicitement l’idée de dettes et de devoirs que les uns ont contractés envers les autres. Comme le souligne finement un document de l’épiscopat français : « Il est parfois douloureux de sortir de nos schémas mentaux dominant/dominé et de décentrer notre vision du monde géographique et culturelle » ¹. Une vision qui fait de l’Europe le centre du monde. Mais la Mission est à l’œuvre dans les diverses zones géographiques. Elle invite à dépasser les frontières, à ne pas s’installer dans celles que nous laisserions ouvertes ou fermées en fonction de nos besoins. Accueillis et accueillants sont appelés à vivre des déplacements : pour les uns « sortir de chez soi, de son pays, aller chez un autre » et pour les autres « ouvrir sa porte, s’ouvrir au dialogue et s’exposer à celui qui arrive ² ». Une conversion nécessaire pour tous.

Les jeunes spiritains, interrogés lors de l’enquête, ont répété qu’ils ne voulaient pas prendre la place des autres. Ils ne sont pas là pour combler le manque de prêtres, ni pour prendre la place des laïcs en charge pastorale mais souhaitent annoncer simplement l’Évangile à qui en a besoin. Ils désirent que leur présence soit reconnue et qu’elle devienne féconde grâce à une collaboration avec tous les acteurs des établissements d’Apprentis d’Auteuil ou des équipes pastorales des paroisses où ils travaillent. Ils apprennent à être humbles et patients pour trouver peu à peu une place dans un contexte où le prêtre ne jouit pas de la reconnaissance sociale qu’il connaît dans leurs pays.

Vivre avec les gens (les jeunes notamment) et rencontrer des personnes qui viennent d’horizons différents les motive vraiment. Ils savent qu’ils participent à la Mission universelle de l’Église et à la diversité des communautés chrétiennes. Ils rencontrent chez nos contemporains une soif de vie spirituelle latente, trop souvent occultée par un style et un mode de vie qui ne laissent aucune place au questionnement religieux, mais ils veulent, au nom du Christ, aider à la faire jaillir. Pas étonnant donc, que certains d’entre eux s’investissent beaucoup dans la rencontre avec les personnes et que d’autres choisissent de se former pour l’accompagnement.

Religieux, ils sont membres de la congrégation du Saint-Esprit. Ils ont leur place dans la province spiritaine de France dont les communautés sont vieillissantes mais encore actives. Certains d’entre eux seront appelés à rendre des services dans l’animation de la province. « Quand j’ai reçu la feuille de consultation pour l’élection du provincial de France, je me suis senti vraiment membre de cette province, reconnaît l’un d’eux. Ici, on compte sur moi, sur mon travail. À un certain moment, j’étais le seul prêtre spiritain de la région où je travaillais, et donc le seul représentant de ma congrégation. Une responsabilité qui a renforcé mon sentiment d’appartenance. »

Pour le P. Gilles Pagès, provincial de France : « Les jeunes confrères affectés en France donnent vie à la province spiritaine. Sans eux, elle ne pourrait plus continuer à servir la Mission universelle de l’Église. Or nous souhaitons rester, en France, une congrégation missionnaire. »

La Mission, dans le monde d'aujourd’hui, se vit comme un échange de services entre les Églises locales. Elle est de l’ordre du donner et du recevoir, ici en France et là-bas, loin du pays et sur d’autres continents. « Elle sert à faire circuler le sang de l’Église », conclut-il.

¹ Documents Épiscopat n° 4/2010, Fidei Donum en France, un paysage nouveau.

² Idem.