LA FOI AU CHRIST MORT ET RESSUCITE



Abbé Joachim Babingui
Prêtre du diocèse de Brazzaville


Chacun de nous fait l’expérience de lui-même et des autres. On raisonne sur les choses et on rencontre les personnes. La rencontre est connaissance, confiance, amour. Un amour ne s’explique pas. En chaque personne le cri le plus profond de la raison et du cœur porte sur la foi en la vie et en l’amour. Or la foi chrétienne est une foi en la vie et en l’amour tels qu’ils ont été vécus et révélés en Jésus-Christ par l’Esprit Saint.
Dans les quatre paragraphes qui suivent, je voudrais proposer une méditation sur la place centrale de l’Esprit Saint dans la résurrection du Christ, dans notre confession de foi en cette résurrection et dans notre propre accueil de la vie éternelle.

Comment la foi en Jésus ressuscité a-t-elle pu naître chez les apôtres?
La foi au Christ ressuscité est un don de l’Esprit Saint. Saint Paul le dit sur tous les tons dans ses lettres : " Fils, vous l’êtres bien : Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son fils qui crie Abba ! Père (Gal 4, 6). " Nul ne peut dire : Jésus est Seigneur, si ce n’est par l’Esprit Saint " (1 Cor 12,3).
Pourquoi attribuer l’origine ou la source de la foi en Jésus ressuscité à l’Esprit Saint ? Les Evangiles racontent et décrivent les miracles que Jésus a faits, mais ils ne racontent pas la résurrection du Christ. Ils ne cherchent pas à faire une démonstration de la résurrection de Jésus à l’aide d’un raisonnement. Par contre, les quatre évangiles donnent à entendre des témoins qui veulent attester la réalité humaine de leur expérience, et leur vocabulaire est toujours celui de la foi et non pas d’une démonstration. Leur expérience conduit à poser un acte de foi en la divinité du Christ.
Comme on peut le lire ou le voir dans son grand discours à la Pentecôte (Actes, ch. 2), Pierre commence par dire ce qui leur est arrivé : ils n’ont pas bu de vin doux à neuf heures du matin. C’est l’annonce prophétique du don de l’Esprit Saint qui vient de se réaliser. Pierre parle alors de ce qui est arrivé à Jésus : " Cet homme Jésus, envoyé par Dieu, que vous avez fait mourir sur la croix, Dieu l’a ressuscité et nous en sommes témoins "( Act 2).
C’est la puissance de l’Esprit Saint qui permet à l’apôtre Pierre, jusque là craintif, de témoigner publiquement et avec solennité de l’événement du salut. L’Esprit Saint est présent dans le croyant comme celui qui lui donne la foi.

L’expérience chrétienne de la foi est fondamentalement l’œuvre de l’Esprit Saint.
C’est la grâce de Dieu qui nous dispose à l’accueil de la vie divine. On ne constate pas la divinité du Christ, on y croit. Ainsi croire en la résurrection du Christ, c’est accepter d’être conduit par Dieu jusqu’à ce seuil, jusqu’à la frontière sur laquelle achoppe notre propre esprit. A ce qui paraît inconcevable et impossible à notre expérience ou à la raison humaine, la foi répond que " tout est possible à Dieu " (Gen 18,14 et Lc 1,37).
Il est impossible de croire sans la grâce de Dieu et les sources intérieures de l’Esprit Saint, parce qu’il s’agit de cette foi vive qui implique la totalité de l’homme et transforme sa vie. C’est aussi avec beaucoup de force que le Concile Vatican II déclare : " Pour exister, la foi requiert la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs de l’Esprit Saint, qui touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’Esprit et donne à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité. Afin de rendre toujours plus profonde l’intelligence de la révélation, l’Esprit Saint ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite ".
L’Esprit Saint suscite, nourrit, approfondit, intériorise et personnalise toujours davantage notre foi. Il rend témoignage à Jésus pour qu’on puisse l’accueillir dans la foi : " L’Esprit de vérité qui vient du Père me rendra témoignage, vous aussi vous témoignerez " (Jn 15, 26-27).
Lorsque l’Esprit Saint suscite la foi en Jésus-Christ ressuscité, le premier effet qui se produit est l’adhésion de l’homme en tout son être à la Personne du Christ. On ne peut croire vraiment en Jésus-Christ ressuscité sans l’action de l’Esprit Saint. C’est lui qui révèle aux hommes qui est Dieu.
L’expérience du divin qu’Il crée ainsi en l’homme devient objet irréversible de témoignage. " Vous allez recevoir une force, dit le Christ à ses disciples à l’heure de son ascension, la force de l’Esprit Saint qui descendra sur vous ; vous serez alors mes témoin"(Act. 1, 8).
Sans l’Esprit Saint, le Christ, sa parole, ses signes ou ses miracles et son Eglise restent quelque chose de fascinant peut-être, mais tout à fait extérieur. Ce fut l’expérience des disciples durant le ministère de Jésus. Ils l’entendaient, le voyaient et le suivaient, ils étaient même témoins de tous ses miracles. Mais ils restaient toujours à l’extérieur. Pour nous qui ne sommes pas contemporains de Jésus, il est encore plus difficile de s’en approcher si l’Esprit Saint ne nous y aide pas. Aussi bien pour les apôtres que pour nous, on ne rencontre le ressuscité que par l’Esprit dans une expérience de foi. Cette expérience de la rencontre du Christ vivant, bien qu’elle soit une rencontre dans la foi, elle peut atteindre un proximité remarquable.
" Je sais que j’énerve par mal de gens lorsque je parle de Jésus, témoignait un grand sportif de haut niveau, mais c’est difficile pour moi de ne pas en parler. Quand vous éprouvez un bonheur comme le mien, quand vous retirez tant d’une relation avec Dieu, vous avez envie de faire partager votre sérénité " .
La foi que l’Esprit de Dieu suscite en nous, nous donne de comprendre, de " prendre avec ", Jésus Christ, de l’accueillir et de le reconnaître. L’Esprit Saint nous introduit dans le mystère de Dieu révélé en Jésus-Christ. " Mon Seigneur et mon Dieu " : voilà la confession de foi solennelle, grave et profonde de l’Apôtre Thomas devant le Ressuscité.

L’Esprit Saint dans la passion et la résurrection de Jésus.
La présence de l’Esprit Saint en Jésus remonte en fait à l’origine de son être. Dans le nouveau testament, les textes qui le disent sont nombreux. Matthieu et Luc dans leur évangile de l’enfance, font remonter à sa conception même, dans le sein de Marie, l’effusion de l’Esprit de Dieu dans l’incarnation de son Fils.
" Alors que les juges, les prophètes, les rois, se trouvent un jour envahis par l’Esprit de Dieu et Jean Baptiste saisi par Lui avant de naître " , Jésus de manière radicale, est d’emblée " conçu du Saint-Esprit " comme nous disons dans le credo. C’est ce qu’explique l’ange à Joseph : " ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint " ( Mt 1, 20).
Luc affirme aussi la même réalité, mais du point de vue de Marie : " L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance de Très Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu " (Lc 1, 35). L’Esprit Saint est donc présent à l’ensemble de la vie de Jésus, de l’incarnation à la résurrection. Cette présence intime et dynamique culmine dans le mystère pascal. En mourant sur la croix, Jésus va librement jusqu’au bout de la volonté du Père de " sauver tous les hommes " (Jn 3,16). Il s’abandonne radicalement à la puissance de l’Esprit qui l’habite, " un Esprit éternel " dit Saint Paul (He 9, 14).
La résurrection de Jésus est l’œuvre du Père et de la puissance de l’Esprit : " Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous "( Rom 8, 11). Ainsi l’Esprit a non seulement partie liée avec la résurrection du Christ, mais aussi avec la nôtre.

L’Esprit Saint réalisateur en l’homme des promesses de Dieu.
Lorsqu’il déclare que " nul ne peut dire : Jésus est Seigneur sinon par l’Esprit Saint "( 1 Cor 12, 3), Saint Paul met en relief une donnée de foi fondamentale. Pour le chrétien, croire en Dieu c’est croire en Jésus-Christ mort et ressuscité. Jésus est la révélation parfaite et complète de Dieu. En proclamant ainsi la place centrale du mystère pascal dans l’annonce de l’évangile, Paul prend en même temps soin de montrer que cela est parfaitement irrecevable si l’on n’a pas touché par la grâce du salut.( 1 Cor 1, 18)
On est là devant un message qui bouleverse radicalement tout ce que la pensée religieuse antérieure au Christ avait pu concevoir au sujet du salut de l’homme. La résurrection du Christ est au cœur de notre foi. Le message pascal, ceux qui l’annoncent et ceux à qui il est proposé, tout est marqué par une faiblesse et un défaut de compétence qui leur enlève toute force de persuasion au regard de la raison humaine.
" Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre la sagesse, ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort " (1 cor 1, 27). La foi chrétienne ne peut donc être fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu . L’intervention de l’Esprit Saint est donc présentée comme indispensable pour deux grandes raisons. D’abord l’apôtre, le missionnaire ou le chrétien annoncent une sagesse qui n’est pas de ce monde : il s’agit d’une révélation qui se fait par l’intermédiaire de l’Esprit Saint. C’est lui qui rend possible l’accueil de cette révélation.
Ensuite, croire profondément au Christ ressuscité, ouvrir sa vie, son cœur, son histoire à la grâce pascale, cela échappe totalement à l’homme laissé à ses propres forces. La capacité d’accueillir la parole de Dieu et de la vivre ainsi que le pouvoir de l’annoncer de manière pénétrante et lumineuse sont une grâce, un don que Dieu accorde, par son Esprit. Pour que le Ressuscité touche effectivement l’homme et gagne son cœur, il faut la puissance de l’Esprit Saint, " voir sans saisir et entendre sans comprendre, voilà constate Karl Barth, ce qui arrive lorsqu’un certain don fait défaut ". Beaucoup regardent sans voir, beaucoup entendent sans comprendre.
Jésus se présente comme source de vie, et il le dit de la façon la plus solennelle : " Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra ; et tout homme qui vit et croit en moi, ne mourra jamais ". Jésus ajoute pour la sœur de Lazare et par là même pour chacun de nous: " crois-tu cela ? " (Jn 11,25-26).
Comment croire à une chose humainement impossible ? C’est ainsi que l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse. Comme don du Christ mort et ressuscité, l’Esprit Saint nous fait croire en Dieu et nous ouvre à la vérité, à la communion, à la sagesse et à l’amour.

Lorsque nous affirmons avec force que c’est la grâce, la puissance divine qui nous ouvre les chemins de l’espérance, de la sanctification et de l’éternité, que quels que soient nos efforts nous ne pouvons pas rencontrer Jésus, le vivant, sans l’action de l’Esprit Saint, cela ne veut pas dire bien sûr, que nous n’avons pas d’efforts à faire. L’offrande de nous-mêmes, nos luttes, notre fidélité à la prière ou l’institution, nos privations, tout cela pour ne pas rester stérile, devrait s’orienter dans le bon sens qui n’est pas d’obtenir une perfection comme résultat de ces efforts personnels, mais des dispositions pour nous laisser faire par l’Esprit de Dieu, sans lui opposer de résistance, pour nous ouvrir le plus pleinement possible à la grâce qui nous sauve.
Devant les autres, il arrive que nous ne valions pas ce que nous paraissons. Dieu nous apprécie selon ce que nous sommes vraiment au-delà de tout artifice. Cela peut consoler, ou faire peur. Il est ici question de la vérité de nos existences.

Fais-nous connaître Dieu le Père ; Révèle nous le Fils
Et Toi leur commun Esprit, fais-nous toujours croire en Toi.