Accueillir le mystère


TRINITE ET VIE SACRAMENTAIRE,
LES SACREMENTS DE L'INITIATION.


Mgr Maurice Fréchard
Archevêque d’Auch

Le Nouveau Testament nous enseigne que Dieu n'est pas solitaire. Ce n'est pas le moindre des bienfaits de la révélation en Jésus Christ que de nous avoir manifesté que Jésus est le Fils bien aimé du Père et que l'Esprit Saint procède du Père et du Fils. Désormais conscients de cette vie prodigieuse au sein de la Trinité, nous sommes en droit de nous demander quel type de relation nous pouvons nouer avec ce " Dieu pluriel " qui pourtant demeure UN, comme Jésus nous l'enseigne dans l'Evangile de saint Jean : "le Père et moi, nous sommes Un " (Jn 10, 30).
Voyons ensemble comment les sacrements de l'initiation chrétienne nous introduisent à la participation effective et mystérieuse de cette vie de la Trinité de Dieu.

Unité organique
Remarquons d'abord que les sacrements de baptême, confirmation et première eucharistie constituent un seul ensemble organique. C'est peut-être difficile à un catholique occidental de concevoir ces trois sacrements comme un tout. Souvent il a été baptisé dans son jeune âge par la volonté de ses parents. Il en résulte que ces sacrements ont été distribués dans le temps, et aussi, parce que l'ordre traditionnel (baptême, confirmation, eucharistie) a été modifié. Habituellement en effet, en France du moins, le baptême ayant été célébré dans les premiers jours ou les premiers mois de la vie, la première communion intervient à la fin du catéchisme primaire, alors que l'on se réserve de préparer à la confirmation au milieu de l'adolescence. Les trois sacrements sont donc très souvent répartis sur une dizaine, voire une quinzaine d'années.
Quand c'est un enfant d’âge scolaire qui est baptisé, il n'y aura pas trop de décalage entre le baptême et la première eucharistie. Tout dépendra de son parcours catéchétique. Enfin la confirmation interviendra durant l'adolescence comme pour les autres.
Par contre, si vous avez participé à un baptême d'adulte, dans la Nuit de Pâques par exemple, les trois sacrements sont célébrés au cours du même office, et l'ordre est respecté : le baptême sera reçu d'abord, la confirmation suivra immédiatement, et l'eucharistie solennelle de Pâques sera normalement la première à laquelle le néophyte participera de plein droit. Dans ces conditions, les trois sacrements de l'initiation chrétienne apparaissent très liés l'un à l'autre.

Découvrir la Trinité en accompagnant un catéchumène
Prenons comme guide le déroulement des célébrations qui vont conduire l'adulte tout au long de sa progression vers le baptême. Nous entrerons mieux dans l'intelligence de la relation entre ces sacrements et la révélation de la Sainte Trinité.
Le chemin du baptême, pour un adulte, commence par la découverte initiale d'un aspect de la vie chrétienne. Chacun pourra témoigner de ce qui l'a attiré vers le baptême au tout premier début de son cheminement. D'une manière ou d'une autre, il fera toujours référence à Jésus dans son premier mouvement ou dans ceux qui suivront. Le Jésus des chrétiens devient attirant, fascinant, il est considéré comme un plus par rapport à la vie profane. Progressivement il apparaîtra au postulant au baptême que Jésus et Dieu sont des personnes différentes. Sans toujours pouvoir en rendre compte.

Entrée dans l’Eglise
La toute première étape de l'itinéraire que l'Eglise propose au catéchumène est l'entrée dans l’Eglise, l'assemblée des chrétiens. Cette célébration est fortement centrée sur la personne de Jésus, il est la lumière, qui conduit le catéchumène sur ce chemin. Quand la parole de Dieu est annoncée à l'assemblée, cette parole demande à être écoutée, entendue, le coeur et l'esprit larges ouverts à cette lumière neuve.
La Croix du Christ va être tracée par le célébrant sur la personne tout entière en disant: " Je vous marque du signe de la croix au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, afin que vous ayez la vie éternelle". D'emblée Dieu est confessé comme Trinité.
La remise de l'Evangile à celui qui commence son itinéraire est un moment également important: " Recevez l'Evangile de Jésus Christ, le Fils de Dieu " reprenant la première phrase de l'Evangile de saint Marc.
Ainsi dès la première célébration d'entrée dans l'Eglise met le catéchumène en présence de Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Diversement perçu au départ par les candidats au baptême, Dieu apparaît comme Père, comme Fils, c'est Jésus, et comme Esprit Saint. Dès les premières pages, l'Evangile qui lui a été transmis mettra le catéchumène en face du mystère par le récit du baptême de Jésus. Ce n'est pas un raisonnement, c'est une leçon de choses, une espèce d'évidence qui s'impose : Dieu parle de Jésus comme de son Fils, l'Esprit descend sur lui, comme une colombe. La suite de l'Evangile fera le reste, d'autant qu'il sera lu par le catéchumène au sein de son équipe d'accompagnement, en Eglise par conséquent.

Le catéchuménat
Durant la longue période du catéchuménat, le candidat pourra grandir dans la foi que Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit, que l'on ne peut comprendre la vie de Dieu en dehors de cette révélation capitale, que l'Evangile est incompréhensible, que Jésus lui-même n'est accessible qu'au sein de cette Trinité souveraine et bienheureuse.
Au seuil du dernier Carême qui sépare encore le catéchumène du jour béni de son Baptême, les grands passages d’évangile de saint Jean apportent leur complément de révélation, d'intelligence, de nourriture pour la foi. Quand Jésus s'adresse à la femme de Samarie, il lui parle de l'eau qui jaillit en vie éternelle, et il lui dit : "Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent, c'est en esprit et en vérité qu'ils doivent l'adorer" ( Jn 4, 24). A l'aveugle de naissance, Jésus ordonne: " Va te laver à la piscine de Siloé" (ce nom signifie : Envoyé). L'aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revient, il voyait" (Jn 9, 7) . A Marthe dont le frère est mort tout récemment, Jésus déclare : " Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en moi, même s'il est mort, vivra" (Jn 11, 25).
Finalement le catéchumène apprend le Credo de l'Eglise, le Symbole de la foi : " Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre. Et en Jésus Christ, son Fils unique, notre Seigneur..., Je crois en l'Esprit Saint ". Il apprend la prière du Seigneur, le Notre Père; plus encore que la formule vénérable, il apprend surtout à appeler Dieu " Père ", comme Jésus dans sa prière, à se considérer comme son fils, à adopter des attitudes de fils, comme Jésus lui-même.
 
La Nuit de Pâques
Dans la nuit de Pâques, la Bonne Nouvelle par excellence est proclamée : " Jésus est vraiment ressuscité ! ". L'eau baptismale est alors bénite. L'Esprit Saint est largement évoqué, célébré au cours de la Nuit de Pâques. Car pour les catéchumènes, il s'agit bien de renaître de l'eau et de l'Esprit. Le célébrant prie ainsi : " Seigneur notre Dieu, ... que cette eau reçoive de l'Esprit Saint la grâce de ton Fils unique, afin que l'homme, créé à ta ressemblance et lavé par le baptême des souillures qui déforment cette image, puisse renaître de l'eau et de l'Esprit pour la vie nouvelle d'enfant de Dieu ".
Le célébrant est invité à saisir le Cierge pascal, symbole du Ressuscité, et à le plonger dans l'eau en chantant: " Nous t'en prions, Seigneur notre Dieu : Par la grâce de ton Fils, que vienne sur cette eau la puissance de l'Esprit Saint ". Il peut le faire trois fois, en chantant chaque fois sur un ton plus élevé, moment de grande intensité au cours de la célébration.
Alors la triple profession de foi, la profession de foi trinitaire, est posée à celui qui est admis à se présenter au baptême: " Croyez-vous en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre? " en écho à la formule du Credo inscrit désormais dans sa mémoire et dans son coeur. Il répond : " Je crois". "Croyez-vous en Jésus Christ, son Fils unique ... ? " - " Je crois ". Enfin " Croyez-vous en l'Esprit Saint, à la sainte Eglise catholique ... ? " - " Je crois ".

Le Baptême
Le geste de l'eau et la parole du ministre, prêtre ou diacre, accomplissent le premier sacrement, celui du baptême : " N., je vous baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit " selon la consigne de Jésus rapportée par saint Matthieu ( 28, 19 ).
" Vous êtes une création nouvelle dans le Christ: vous avez revêtu le Christ. Recevez ce vêtement blanc, puissiez-vous garder intacte votre dignité de fils de Dieu jusqu'au jour où vous paraîtrez devant Jésus, Christ et Seigneur, afin d'avoir la vie éternelle ". Et, remettant le cierge allumé à la flamme du cierge pascal, symbole du Christ ressuscité: " Vous êtes devenu lumière dans le Christ : marchez toujours comme des enfants de lumière; demeurez fidèles à la foi de votre baptême. Alors quand le Seigneur viendra, vous pourrez aller à sa rencontre dans son Royaume avec tous les saints du ciel ".
 
Un même être avec le Christ
" Nous tous qui avons été baptisés en Jésus Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés. Si, par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c'est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d'entre les morts. Car si nous sommes déjà en communion avec lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons encore par une résurrection qui ressemblera à la sienne " (Rm 6, 3-5). Ce passage de saint Paul est lu durant la Nuit de Pâques. Nous sommes en communion avec Jésus mort et ressuscité, selon l'expression de saint Paul. Une autre traduction de ce passage est également possible : nous sommes devenus un même être avec lui par une mort qui ressemble à la sienne ... C'est celle de la Bible de Jérusalem. La Traduction œcuménique de la Bible la mentionne en note comme légitime. J'aime ce réalisme de l'Apôtre qui ouvre des perspectives illimitées à notre vie nouvelle dans le Christ.
Nous sommes en communion avec lui ... L'eau et l'Esprit ont fait du candidat au baptême une créature nouvelle, un enfant bien-aimé du Père, un frère de Jésus, configuré au Christ dans sa mort et sa résurrection, dans sa Pâque.

Relation vivante
Pour le néophyte, le mystère de la sainte Trinité n'est plus une série d'énoncés plus ou moins abstraits, des formules de la foi chrétienne qu'il embrasse avec joie. Désormais la Trinité devient pour lui une expérience de vie. Il reçoit sa vie nouvelle du Père par le Fils dans l'Esprit Saint. Ce ne sont plus des phrases, ce sont des personnes vivantes qui transmettent au fidèle leur vie divine. Le nouveau baptisé prend conscience qu'il est admis au coeur de la Trinité, qu'il est devenu partenaire de Jésus ressuscité assis à la droite de son Père, un partenaire de sa gloire. Il est associé à sa lumière et à sa victoire. Par pure grâce, de par la bonté infinie de notre Père, l'amour de Jésus manifesté dans sa vie et sa Passion, l'efficacité souveraine de l'Esprit de Dieu qui l'a fait renaître d'en haut, par l'eau.
La vie divine de la Trinité n'est plus une réalité extrêmement lointaine de la vie des hommes. Sa révélation devient pour nous une vie partagée. Elle demeure infiniment mystérieuse pour notre esprit limité. Mais en Jésus, notre Maître, notre Seigneur, par la foi en lui, et par le sacrement du baptême, cette vie nous est devenue accessible, proche, réelle, praticable, pratique.
Une publicité récente de Renault pour ses voitures nous ressassait: " Renault, des voitures à vivre ". Le fascicule de Fêtes et Saisons sur la Trinité, pour accompagner l'approfondissement du mystère de la Trinité, a pour titre : " Vivre la Trinité ". Car c'est une réalité destinée à être tout ensemble, objet de notre foi et réalité à partager dans l'action de grâce.

La confirmation
Le rite est bref, au point qu'il pourrait passer presque inaperçu. Il doit être considéré dans le mouvement de la liturgie solennelle de Pâques. Disciples de Jésus, liés désormais par le lien étroit d'une foi vive, d'un amour partagé, nous participons à sa Pâque jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'au don de l'Esprit lors de la Pentecôte.
Comme les Onze Apôtres, nous sommes dans la joie de la résurrection de Jésus et de la participation qu'il nous donne à sa vie. Mais pour devenir des disciples au plein sens du terme qui ne craignent pas de vivre et d'affirmer leur foi dans leur vie quotidienne, l'exemple des Apôtres réunis au Cénacle nous enseigne qu'ils avaient encore peur, qu'ils ne savaient pas comment s'y prendre. Jésus les avait prévenus: " Vous allez recevoir une force, celle du Saint Esprit qui viendra sur nous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre" (Ac 1, 8).

Participation au mystère de Pentecôte
Le sacrement de confirmation est participation au mystère de la Pentecôte. La Mission des Douze était d'annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus ressuscité. Fortifiés puissamment par le don de l'Esprit Saint, ils peuvent maintenant entreprendre la réalisation de la mission que Jésus leur a confiée. Ils débutent avec un enthousiasme et une hardiesse qui contrastent singulièrement avec la prudente réserve des jours précédents. Leur parole ne convertit pas tout le monde, mais elle est efficace auprès de beaucoup de leurs frères de race.

Sois marqué de l’Esprit Saint
Comme les Apôtres ont reçu le don de l'Esprit Saint, les baptisés reçoivent l'Esprit Saint eux aussi : " N., soyez marqué de l'Esprit Saint, le don de Dieu ". Ils participent eux aussi à cette annonce de Jésus ressuscité dans la force de l'Esprit. Ils n'ont plus rien à craindre des Juifs qui leur sont hostiles. Cette grâce de force est accordée aux confirmés. Participation accrue au mystère de la sainte Trinité. Encore une fois, davantage expérience vécue, réalité concrète de la vie de tous les jours que notion théologique ou objet de considérations abstraites.

Première Eucharistie
Le néophyte est maintenant participant au mystère du Christ autant qu'il le désirait depuis son entrée en catéchuménat, depuis son entrée dans l'Eglise. Enfant du Père, participant du mystère du Christ, fortifié par le don de l'Esprit Saint, il peut mettre en oeuvre sa qualité de membre du peuple sacerdotal. Certes, il n'est pas devenu un ministre du culte, comme les prêtres de nos paroisses ou des communautés religieuses, mais il est membre à part entière du peuple de prêtres que l'Esprit Saint façonne à mesure que grandit l'Eglise.
Il a reçu capacité d'être actif au coeur de la célébration eucharistique. Pour la première fois, en dépendance de Jésus que le célébrant représente au milieu du peuple assemblé, il prend part à l'offrande de Jésus, comme membre de son corps. Avec le prêtre, et en dépendance de son ministère, il fait mémoire de la passion et de la résurrection de Jésus, il offre son corps et son sang, il joint l'offrande de tout lui-même à l'offrande de Jésus, il peut saisir le monde entier avec l'assemblée des chrétiens pour la présenter au Père des cieux, par l'Esprit Saint dont il a été comblé.

Conclusion
Ici encore, ici toujours, les trois personnes divines sont progressivement devenues des principes d'action et d'expérience personnelle dans la foi. Nous qui sommes baptisés, avec les néophytes de nos communautés, puissions-nous reprendre conscience de tous les dons reçus et les mettre en oeuvre, de manière à vivre tous ensemble la merveille de l'amour du Père, manifesté par Jésus et que l'Esprit verse en nos coeurs.