Parole de Dieu


LE DÉPLOIEMENT DE L'ESPRIT SAINT
AU DISCOURS DE LA CÈNE

(Jn 14 - 16)
P. Yves SIMOENS

Le P. Yves Simoens est jésuite, spécialiste de saint Jean,
professeur d'Ecriture Sainte au Centre Sèvres à Paris

Les précisions majeures apportées par Jésus dans l'Evangile de Jean au sujet de son rapport au Père et à l'Esprit Saint prennent place dans les cinq passages sur l'Esprit qui jalonnent le discours de la Cène. Épeler ces textes devrait conduire, non seulement au centre du mystère trinitaire selon Jean, mais surtout au cœur de l'appropriation du mystère par le croyant. Pour ce faire, il convient de situer d'abord ces chapitres dans l'évangile johannique et par rapport aux mentions antérieures de l'Esprit Saint. Le discours d'adieu reviendra ensuite au premier plan. Les axes les plus susceptibles d'approfondir notre rapport au Père, au Fils et à l'Esprit se dégageront enfin d'eux-mêmes.
 
LE RETARD DE L'ESPRIT
La première mention de l'Esprit Saint dans le quatrième évangile survient à propos de la différence entre le baptême de Jean et celui de Jésus. Elle apparaît de la sorte très vite dans le récit et en même temps avec un certain retard. En effet, l'importance de l'Esprit pour la nouvelle alliance (cf Ez 36, 27) et le don de l'Esprit comme caractéristique de lu nouveauté du Christ laisseraient pressentir une évocation de l'Esprit dès le Prologue. Or il n'en est rien. C'est donc que l'Esprit doit se deviner à travers beaucoup d'autres réalités qui parlent indirectement de lui. Jésus le dira à Nicodème:
" L'Esprit souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il part. Ainsi en est-il de quiconque est engendré de l'Esprit " (Jn 3, 8).

Dans le Prologue, l'Esprit n'est pas cité mais il est partout suggéré en filigrane. Il est le lien de la Parole qui est Dieu distinct de Dieu (Jn 1, 1-2) . Il est la vie qui est dans le Verbe ; il est la lumière que la ténèbre ne saisit pas (1, 4). Il est à l'œuvre dans l'engendrement par Dieu des croyants, comme le dit l'entretien entre Jésus et Nicodème, évoqué à l'instant. Il est la gloire du Fils-unique (1, 14) . Il est la grâce (1, 14.17) de la vérité qu'est Jésus en personne. Il est le milieu qui permet au Fils, tourné vers le sein du Père, de nous entraîner dans cette relation unique et partagée du Fils au Père. Et si l'Esprit reste discret dans les textes de Jean - et on peut en dire autant du Nouveau et même de l'Ancien Testament en général - c'est parce qu'il réclame des précautions pour être traité avec justesse.
Pour la mentalité sémitique, l'esprit est si peu désarticulé du corps qu'il exprime plutôt le principe vital d'animation. L'esprit, c'est le souffle : ruah, au féminin en hébreu. La première expérience que la personne humaine peut en avoir, c'est la respiration. L'esprit, c'est l'air qui passe par le larynx. En dehors de nous, l'esprit, c'est le vent, si perceptible dans la parole de Jésus à Nicodème, citée plus haut. Le même terme désigne aussi l'auteur de la vie: l'Esprit de Dieu (Ez 3, 12). Il plane sur les eaux primordiales (Gn 1, 2). C'est le don que Dieu réserve, de Lui-même, pour la fin des temps. Ce qui est originaire, est promesse pour ce qui est au terme.
 
LE BAPTÊME DANS L'ESPRIT SAINT
Il y a donc un sens à ce que, dans saint Jean, l'Esprit soit retardé : il n'apparaît point dans le texte inaugural de l'évangile. Mais il est très vite amené par le premier témoignage de Jean Baptiste. C'est en fonction du baptême !
" Celui qui m'avait mandé baptiser dans l'eau, celui-là m'avait dit : "Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer sur lui, celui-ci est celui qui baptise en Esprit Saint" " (Jn 1, 33).
La première mention de l'Esprit Saint cherche à rendre compte de ce qui survient en Jésus Christ et de ce qui ne survient qu'en lui. Il sert à distinguer entre "baptême d'eau " et " baptême d'Esprit Saint " ou " en Esprit Saint ". "Baptiser ", c'est " immerger ". On connaît à l'époque trois types de baptême-immersion : celui des prosélytes devenus juifs au temple de Jérusalem ; celui des membres de la communauté de Qumrân et celui de Jean. Le premier concerne surtout le rite d'entrée dans la communauté juive de prosélytes venus du paganisme ; le deuxième, une pratique de purification fréquente, par souci de plus grande pureté rituelle par rapport au temple de Jérusalem, jugé trop laxiste ; le troisième insiste sur une conversion pour la rémission des péchés. Jean se fait donc, quant à lui, le champion d'un baptême pour le pardon des péchés. Dans la ligne prophétique, il invite à l'urgence d'un retournement. Son baptême n'a point sa fin en soi. Lui-même et sa pratique s'avèrent annonciateurs, précurseurs d'un autre baptême, plus radical , incarné dans la personne même de Jésus, lieu de l'Esprit. Jésus est en ce sens, à deux reprises (Jn 1, 29 et 35) , désigné par Jean comme " l'agneau de Dieu ". Le rapport au Serviteur souffrant d'Isaïe 53, 7 est incontestable.

" Maltraité, il s'humiliait, il n'ouvrait pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n'ouvrait pas la bouche. "

Ce texte d'Isaïe marque un seuil, en particulier du point de vue de la pratique des sacrifices pour obtenir le pardon des fautes commises. Il s'agit de s'offrir soi-même en assumant le péché d'autrui sans pécher soi-même : sans ouvrir la bouche pour accuser ni condamner, même le bourreau injuste, même le blasphémateur. Le Serviteur fut interprété dans le judaïsme comme s'appliquant d'abord au peuple en exil, mais surtout de nos jours au peuple de la Shoah.
Il y a un sens pourtant à y lire une figure de Jésus dans la foi chrétienne. Jésus s'avère le Juste, indemne de tout péché, comme personne, aucun peuple, fut-il saint de la sainteté de Dieu, ne peut jamais l'être. Son comportement dans sa Passion rappelle étonnamment ce " portrait ". Il condense de la sorte en lui-même cette dimension individuelle et collective indéniable du Serviteur, comme d'autres figures bibliques : le Fils de l'homme de Daniel 7, par exemple.
Assumant cet héritage biblique, surtout isaïen, Jésus marque ainsi, dès le début du quatrième évangile, le passage des rites religieux de purification à ce que la tradition chrétienne a nommé le sacrement. En lui, le pardon des péchés prend un caractère indépassable. Le Serviteur reste difficile à identifier. Il trace l'épure d'une réalité encore indéfinie. Jean Baptiste et les chrétiens le voient incarné en Jésus. Pour eux, désormais le baptême, c'est une personne ; c'est Sa Personne. Pleinement homme, par sa parole et ses actes, il ne dit ni ne fait rien pour occasionner une prolifération du mal. À ce titre, il est le lieu de l'Esprit : tout en lui est pénétré de souffle ! L'Esprit Saint de Dieu opère en lui. Il est le lieu du Père qui lui donne vie et sa nourriture à chaque instant (cf. Jn 4, 32.34).
Cette conception du baptême sert dès lors de trame aux deux catéchèses baptismales qui occupent à nos yeux les centres littéraires et théologiques respectifs de Jn 1,19 - 6,71 et de Jn 7 - 12 , soit les deux sections de la vie publique. Elles illustrent l'une et l'autre, selon les points de vue complémentaires du rapport aux Samaritains et aux Juifs de Jérusalem, l'art chez Jésus de se communiquer comme lieu de l'adoration du Père en Esprit et dans la vérité qu'il est en personne (Jn 4, 16-26 et 9, 38).
 
ESPRIT ET GLORIFICATION
Sans analyser par le détail ces textes fondamentaux, relevons surtout un point nécessaire pour la compréhension de la suite. Le dernier jour de la fête des Tentes, et comme pour éclairer la suite, Jésus s'écrie :

" Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive, celui qui croit en moi ; comme dit l'Ecriture : "De son ventre couleront des fleuves d'eau vivante" (Ex 17, 6 ; Za 14, 8 ; Ez 47, 1 ss). Or ceci, il le dit au sujet de l'Esprit qu'étaient sur le point de recevoir ceux qui crurent en lui ; car il n'y avait pas encore d'Esprit parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié " (Jn 7, 37-39).

Ces versets mettent en évidence trois aspects importants pour la révélation de l'Esprit. Jésus est désigné comme la source de l'eau vive dans son corps. Cette source, c'est l'Esprit. Et celui-ci est lié à la glorification de Jésus. Pour l'évangile de Jean, l'Esprit est comme n'étant pas tant qu'il n'a pas été communiqué comme principe de vie nouvelle, proprement divine, aux hommes. Pour que l'Esprit soit ainsi communiqué, il faut donc que Jésus ait été glorifié : qu'il soit dans la gloire de l'Esprit du Père d'où il vient. Il doit être en position de Dieu, et tout autant en position d'homme parfait.
Or cette glorification n'attend ni la Passion, ni la croix, ni la résurrection pour se manifester. Car Jésus est d'abord une première fois glorifié dans l'acte même où il est livré par Judas qui s'enfonce dans la nuit (Jn 13, 30-31). Le paradoxe veut que la gloire de Dieu rayonne dans le Fils de l'homme au moment même où il semble englouti par le péché. La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne la saisissent pas (Jn 1, 5).
 
LES CINQ PASSAGES SUR L'ESPRIT
DANS LE DISCOURS DE LA CÈNE
Parce qu'il est ainsi une première fois glorifié, dans le discours qui suit, Jésus peut communiquer l'Esprit dans les cinq grands passages sur l'Esprit qui jalonnent Jn 14 à 16
a) L'autre Paraclet
" Si vous m'aimez, les commandements, les miens, vous les garderez, et moi, je demanderai au Père et un autre Paraclet, il vous donnera afin qu'avec vous, à jamais, il soit : l'Esprit de la vérité, que le monde ne peut pas recevoir parce qu'il ne le contemple ni ne le connaît : vous, vous le connaissez parce que chez vous il demeure et en vous, il est ; je ne vous laisserai pas orphelins : je viens vers vous" (Jn 14, 15-18).

Beaucoup d'informations sont d'emblée fournies. Dans l'acte où l'Esprit est défini comme " un autre Paraclet ", Jésus se désigne comme le premier Paraclet. L'Esprit, c'est donc son alter ego. Le terme est juridique. Il exprime le contraire de l'Ennemi qui vient d'entrer en scène à l'occasion du don de la bouchée à Judas :
" Alors, entra en celui-là, le Satan " (Jn 13, 27)
Judas n'en est pas damné pour autant. Même ce que peut faire Satan, l'auteur du péché, dans le pécheur, reste sous le contrôle du Don de Dieu en son Fils qui aime jusqu'au bout, en particulier celui qui n e lui rend pas une dilection correspondante. Jésus et l'Esprit apparaissent dès lors comme les Défenseurs déjà victorieux des hommes, surtout les pécheurs les plus menacés, les brebis les plus en danger, face au seul Accusateur possible : Satan.
Jésus est déjà parti en quelque sorte. Son destin s'est joué quand il a laissé Judas perpétrer un dessein qui d'ailleurs le dépasse. Aussi l'Esprit de Jésus-vérité ( Jn 14, 6) est-il dans les disciples : il est en partie communiqué par Jésus, à la fois encore présent et absent.
Dernière note de ce premier passage, qui mérite l'attention, on ne peut être orphelin que de père et de mère. Les disciples reçoivent de Jésus, le Fils, le Père comme auteur de leur vie de foi. Dans ce cas, orphelins, ils ne peuvent l'être dès lors que de mère. Se trouve ainsi suggérée la dimension maternelle, tant de Jésus ("Petits enfants" : Jn 13, 33 ; " Tout-petits " : Jn 21, 5 ) que de l'Esprit. C'est explicable à la lumière de l'Ancien Testament et de l'hébreu où l'Esprit-ruah est du féminin, comme la Sagesse (Pr 8, 22-31) .
Le même couple verbal : " m'aimer-garder les commandements/ma parole ", revient aux versets 23-24 pour délimiter cette unité littéraire centrale de Jn 14 et indiquer le prolongement majeur jusqu'ici d'une telle promesse de l'Esprit : elle est en prise sur l'expérience des croyants.

" Si quelqu'un m'aime, continue Jésus, ma parole, il la gardera, et mon Père l'aimera et auprès de lui nous viendrons et une demeure, chez lui, nous nous ferons. "
 
L'Esprit, le Saint

" Ces choses, je vous les ai adressées en demeurant chez vous; or le Paraclet, l'Esprit, le Saint que mandera le Père dans mon nom, celui-là vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous dis, moi. Paix, je vous laisse; ma paix, je vous la donne; non comme le monde donne, moi, je vous donne ; que ne soit pas troublé votre coeur et qu'il ne craigne ! " (Jn 14, 25-27)

L'Esprit reçoit ici une nouvelle précision. Il est l'Esprit Saint du Père Saint (cf Jn 17, 11). Il opère donc la sainteté de ceux qui le reçoivent du Père sur la demande du Fils. Aussi devient-il leur Enseignant et leur Mémoire. Le premier verbe est riche de réminiscences bibliques : c'est le verbe de la Torah dont le responsable est le prêtre. Notre Loi, c'est l'Esprit Saint du Père et du Fils ! C'est aussi la mémoire active, non servile, de la Parole-Verbe qu'est Jésus. Il vient actualiser dans la vie des croyants le Verbe permanent de Jésus. On comprend par le verset qui suit à quel point tel est aussi le fondement de la paix qui sera donnée le soir de Pâques (Jn 20, 19.21).
 
c) L'Esprit du témoignage
" Quand viendra le Paraclet que moi, je vous manderai de la part du Père, l'Esprit de la vérité, qui de la part du Père procède, celui-là témoignera à mon sujet ; or vous aussi, vous témoignez parce que d'un commencement, avec moi, vous êtes " (Jn 15, 26-27).

Dans les conflits pris en compte au centre du discours entre la vigne et le monde (Jn 15, 1 - 16, 3), l'Esprit se trouve de nouveau mentionné avec une nouvelle propriété : il est cette fois l'Esprit du témoignage-martyre. Comme il ne peut opérer de cette façon que dans les témoins-martyrs, il apparaît donc comme la vie du Fils et du Père à l'œuvre dans le témoignage suprême de ceux qui, comme Jésus, n'accuseront jamais personne, - ce serait faire l'œuvre de Satan - surtout point leurs bourreaux, mais rendront présent le mystère de Jésus vivant. À cet égard, l'Esprit du témoignage n'opposera jamais la haine à la haine. Il répondra à la haine sans raison (cf. Jn 15, 25 ; Ps 35, 19, 69, 5) par l'amour fraternel (cf. Jn 15, 12.17). À la lumière de ce passage, l'Esprit procède bien du Père et du Fils (Filioque), sans porter en rien ombrage à un rapport privilégié au Père ni sans introduire aucune infériorité ni aucun nivellement entre le Père, le Fils et l'Esprit. La question porte sur l'excellence du témoignage et ses conditions.
 
d) L'œuvre de conviction de l'Esprit
" Moi, la vérité, je vous dis : il vous est profitable que moi, je m'éloigne, car si je ne m'éloigne pas, le Paraclet ne viendra sûrement pas auprès de vous, or si je m'en vais, je le manderai auprès de vous ; or étant venu, celui-là convaincra le monde au sujet de péché et au sujet de justice et au sujet de jugement ; au sujet de péché, d'une part, parce qu'ils ne croient pas en moi ; au sujet de justice, d'autre part, parce qu'auprès du Père, je pars et vous ne me contemplez plus; au sujet de jugement enfin parce que le chef de ce monde se-trouve-jugé" (Jn 16, 7-11).
Cette fois l'Esprit-Paraclet vient combler l'absence par une présence autrement efficace de Jésus directement sur le monde. Ressuscité, il œuvre partout et en tous, y compris dans et sur " le monde ", même hostile. " Convaincre " ne dit pas : " établir la culpabilité " (Bible de Jérusalem ) ni "confondre " (Traduction œcuménique). C'est opérer comme Défenseur du monde en lui révélant qu'il n'y a qu'un péché: ne pas croire en Jésus-vérité ; qu'une justice : celle du Fils qui vient du Père et qui retourne au Père, en étant à la fois vraiment humain et transparent à Dieu-Père ; qu'il n'y a qu'un jugement : celui de l'auteur du péché, " le chef de ce monde ". Aucun " dualisme johannique " dans ces versets. Ils peuvent être lus en bonne part au sujet d'un monde à rejoindre à travers et par-delà son refus (cf. Jn 17, 21.23).
 
e) Le cheminement de l'Esprit
" Encore beaucoup d'autres choses, j'ai à vous dire, mais vous ne pouvez pas les charger à présent. Or quand viendra celui-là, l'Esprit de la vérité, il vous fera-cheminer dans toute la vérité car il ne s'adressera pas à partir de lui-même, mais autant qu'il entend, il l'adressera, et les choses qui-viennent, il vous les communiquera ; celui-là me glorifiera parce que du mien il recevra et il vous le communiquera. Toutes-choses autant-qu'en a le Père, (ces choses) sont miennes - à cause de ceci, je dis que du mien il reçoit et il vous le communiquera. Un peu et vous ne me contemplez plus, et de nouveau un peu et vous me verrez " (Jn 16, 12-16).
Si Jésus est le chemin (Jn 14, 6), l'Esprit, quant à lui, en parfaite continuité avec le Fils, fait cheminer. Il est le cheminement. Comme tel, il est " communication". Nulle part, le terme " évangile", ni " évangéliser " n'est utilisé dans Jean. Le verbe répété ici à trois reprises en procure l'équivalent : anagellein-"communiquer ". L'Esprit établit donc de la sorte la communication entre le Père et le Fils, d'une part, et les croyants-disciples d'autre part. Cette communication est permanente. Ainsi se réalise la nouvelle alliance entre Dieu et la personne humaine, individuelle et collective, communautaire. Désappropriation du côté de Dieu-Amour (cf. 1 Jn 4, 8.16) ; appropriation par amour dépouillant et dépouillé du côté de l'autre partenaire de l'alliance ainsi accomplie.
En guise de conclusion
Au terme de ce parcours de Jn 14 - 16, un point mérite d'être noté. Jésus est troublé " à l'Esprit " en Jn 13, 21 , au moment de l'annonce de la trahison de Judas. Avant comme après, il n'y a place que pour des actions concrètes : le lavement des pieds, le don de la bouchée, le don du commandement nouveau. L'Esprit transparaît à nouveau dans le sensible. Une fois Jésus glorifié, l'Esprit se déploie au long du discours. En Jn 17 , comme dans le Prologue, il disparaît pour se laisser deviner partout : dans le deuxième temps de la glorification, le pouvoir sur toute chair, le don, la vie éternelle, la gloire, l'amour, la connaissance. L'Esprit est discret : il réclame un regard de foi.
Il ne revient qu'à la mort de Jésus (Jn 19, 30). Le soir de Pâques, Jésus invite cette fois les disciples à " recevoir l'Esprit Saint " ( Jn 20, 22) pour le pardon des péchés (Jn 20, 23). Entre les deux, le coup de lance laisse sortir le sang et l'eau (Jn 19, 34). L'économie sacramentelle du quatrième évangile trouve ici son principe d'intelligibilité.
Immergé dans la mort et la résurrection de Jésus, le baptisé désire le corps et le sang de l'alliance dans l'eucharistie. Vivre de ce baptême et de cette eucharistie, c'est vivre le commandement nouveau de l'amour mutuel. L'amour vécu au jour le jour passe par le pardon mutuel incessant. C'est la condition pour être ensemble le corps vivant de Jésus Christ ressuscité pour la vie du monde. L'Esprit en est le milieu vital.