Accueillir le mystère


FIDELITE A LA GRACE DU JUBILE


P. Jean Savoie, spiritain


La célébration du Grand Jubilé s'est terminée le 7 janvier 2001. L'événement dans son ensemble a revêtu une dimension historique non seulement du point de vue de son déroulement, mais surtout dans sa dimension spirituelle. Il est indispensable de revoir comment tout cela s'est déroulé avant de savoir comment rester fidèle à une telle grâce.

Une large convocation
La grâce du jubilé s'est déroulée petit à petit depuis le lancement de la préparation par la lettre du Pape "A l'Aube du Troisième Millénaire" en 1994. Beaucoup de chrétiens n'avaient pas donné une grande importance à ce texte qui paraissait lancer cet événement relevant du simple déroulement du temps beaucoup trop tôt. Il paraissait même surprenant de vouloir célébrer cet anniversaire si longtemps à l'avance.
Mais à mesure que s'est déroulée la préparation prévue, son contenu s'est enrichi en prenant une dimension plus intérieure et plus sociale que la simple célébration d'un anniversaire, fut-il un millénaire.
On ne peut qu'admirer maintenant toute l'ampleur du programme que contenait le texte du pape. Il prévoyait que l'on approfondisse chaque année un grand thème du mystère chrétien : l'incarnation, la rédemption, la sainteté. Chacune des trois années de préparation devait être consacrée à une personne divine, le Fils, le Père, l'Esprit. Enfin chaque année il était proposé de découvrir un sacrement de la vie chrétienne: le baptême, la pénitence et l'Eucharistie.
Nous voyons bien maintenant que le programme est une véritable catéchèse, couvrant l'ensemble de la vie chrétienne. L'Eglise était convoquée à approfondir l'ensemble de son affirmation de la foi; elle était invitée à une conversion profonde vers les attitudes du Seigneur Jésus; elle était engagée dans une vie de justice et de solidarité.
Chacun de nous peut examiner combien de temps il lui a fallu pour mesurer la grandeur de cet appel pour lui et pour l'Eglise. Un examen de conscience personnel lui permettra de dire à quel moment il a pris conscience de l'ampleur de la tâche.
Pour sa part l'Eglise dans son ensemble s'est montrée fidèle à cette convocation. Nous avons assisté à une mobilisation progressive des forces vives chrétiennes pour cette préparation: publications, livres, sessions, et cela a contribué a faire découvrir à quel niveau de profondeur l'Eglise entendait célébrer son Jubilé

Une grande célébration.
Depuis Noël 1999, l'année jubilaire a poursuivi sa célébration. Les initiatives de vie ecclésiale dans le sens du Jubilé ont été nombreuses dans les diocèses de France. Les Evêques en ont évaluées quelques unes à leur assemblée plénière à Lourdes... Il s’est d’ailleurs passé à Lourdes une prise de conscience significative. Les Evêques étudiaient le thème principal de leur assemblée : " des temps nouveaux pour l’Evangile " et à mesure qu’ils relevaient les initiatives marquantes dans la vie de leur diocèse, même en un contexte difficile, ils s’apercevaient que l’année du Jubilé avait été une occasion de concrétiser bien des mobilisations pour le service de l’Evangile et qu’ainsi le Jubilé avait été partie intégrante de ces circonstances des temps nouveaux favorables à l’Evangile ; comme une circonstance providentielle qui permettait à la vie chrétienne de s’exprimer naturellement.

Les démarches les plus significatives du Jubilé sont maintenant bien connuesNombreuse ont été les démarches de conversion et de repentance : des Eglises en commun se sont demandé pardon, d’autres ont exprimé leur repentance pour des événements précis. Des pays ont reconnu leur responsabilité dans des moments difficile de leur histoire. Et surtout la prière de repentance du Pape pour l’attitude de l’Eglise catholique dans l’histoire.
Les pèlerinages et des temps consacrés à la prière et à la recherche spirituelle personnelle ont germé de partout. Malgré les célébrations diocésaines du Jubilé, les grands centres ont accueilli plus de pèlerins que d’habitude, un million de plus, dit le Recteur des sanctuaires de Lourdes. Les démarches de solidarité ont été bien accueillies par l’opinion publique, depuis les efforts pour faire alléger la dette des pays pauvres, jusqu’aux actes quotidiens d’aller les uns vers les autres
Les célébrations romaines des diverses catégories sociales ou professionnelles à Rome ont rassemblé plus de monde qu’on n’avait pensé. Ces rencontres mondiales ont permis à des personnes d’une même activité de se reconnaître en fraternité de pensée et d’action à la recherche de la lumière évangélique, pouvant éclairer les problèmes plus ou moins mondialisés. A cet égard on peut citer les pèlerinages mondiaux des familles, des migrants, des ruraux, des ouvriers, des scouts, des religieux, des enseignants, des politiques etc. Il faudrait citer tout le calendrier de pélerinages. Il faut souhaiter que soient publiées en un même volume les textes principaux qu’ont suscité ces rencontres romaines : ce serait un beau témoignage de la vitalité de l’Eglise guidant la marche des hommes sur les chemins de la vie spirituelle.
Pour beaucoup l'événement symbolique majeur a été la rencontre des jeunes pour les Journées Mondiales à Rome au mois d’août, les JMJ 2000. Nous en parlerons par ailleurs dans ce fascicule.
Enfin nous avons pu noter combien les célébrations finales du Jubilé, aussi bien à Rome que dans nos diocèses, ont redit les grandes valeurs et les thèmes centraux de ce Jubilé. Les intuitions majeures de Vatican II ont été mondialement redites. Nous sommes une Eglise de Dieu pour le monde, non pour être enfermée dans le privé, mais pour ouvrir toujours vers un avenir à construire.

La fidélité à la grâce du Jubilé
Le Jubilé a été incontestablement une grâce pour l'Eglise et pour les chrétiens. Il est officiellement clos, nous avons maintenant à rester fidèle à cette grâce. La fidélité n'est pas donnée automatiquement: il faut la décider comme un engagement à poursuivre. Nous ne cherchons pas à vivre dans la nostalgie des meilleurs moments vécus ensemble, ni à retrouver une intimité particulièrement sensible avec le Seigneur au cours de tel ou tel moment de grâce. La fidélité n’est pas un retour sur le passé pour lui-même, c’est assurer la suite de la grâce reçue dans le présent qui arrive. Ainsi le don est toujours renouvelé et toujours neuf. La fidélité est novatrice pour vivre dans le présent ce qui a été commencé dans le passé.

Nous savons pour cela que tout appel de Dieu comporte la grâce de sa réponse. En même temps que Dieu nous demande d’être fidèle à un appel qu’il nous adresse, il nous donne la lumière et la force de l’Esprit Saint pour le faire. C’est d’ailleurs là un de signes que ce don vient de Dieu, si nous comprenons que nous avons reçu aussi la force de le faire fructifier. Et cela ne sera pas pesant, ça se fera dans la joie de la continuité.

De plus, c'est en Eglise que peut s'organiser la fidélité au Jubilé. Ce qui nous a fait du bien en Eglise, en petite communauté, doit être continué en communauté. Tout seul nous allons déformer le don reçu, avec ceux qui l’ont reçu avec nous nous allons nous aider mutuellement à bien évaluer. Les effets de la grâce reçue peuvent demeurer en nous comme dit St Jean : " comme le Père m’a aimé, mois aussi je vous ai aimés, demeurez dans mon amour ". On soupçonne alors toute l’ampleur que peut prendre la grâce jubilaire si elle est ainsi dynamisme de vie nouvelle.

Ainsi l’Eglise, par le Jubilé, semble bien avoir réussi ce qu' a toujours souhaité Jean Paul II tout au cours de son ministère: que son pontificat soit la réception concrète du Concile Vatican II. L'Eglise a mieux compris tout ce que veut dire communion et proposition de la Foi. En recherchant la fidélité à cette grâce, nous nous mettons au coeur de notre foi, toute rajeunie en chacun, et donc apte à vivifier nos vies personnelles et assez forte pour être proposée en Eglise et à l'extérieur.