Vie spirituelle


DYNAMISME SPIRITUEL DU JUBILE


P. Arsène Aubert


Les Évangiles montrent " le dynamisme spirituel de la vie de Jésus " à travers les fruits que la foi en Jésus a produits dans les communautés. Le " dynamisme spirituel lancé par le Jubilé ", on le verra ou non aux fruits portés par le Jubilé. J’ai choisi trois domaines, entre autres, dans lesquels ce Jubilé peut, pourrait, nous " dynamiser par la force de l’Esprit " : renouveler notre foi personnelle au Christ, susciter des initiatives de réconciliation collective, tout éclairer à la lumière du Christ.

  1. " Le Christ, hier, aujourd’hui et demain ".

  2. Si le Christ n’appartient qu’au passé, il risque de paraître plutôt dépassé. Entendant l’Évangile, l’adolescent, sans même quitter des yeux son ordinateur, demande : " Est-ce compatible ? "
    Le Jubilé rend sa place au Christ. " Pour vous, qui suis-je ? Que dites-vous que je suis ? " Question qui est comme un " laboratoire de la foi " (Jean Paul II). Des symboles ont marqué le Jubilé. L’ouverture des " Portes de l’Année Sainte " ont rappelé que le Christ est la porte (Jean 10,7), l’unique porte par laquelle on entre dans le Royaume. L’étonnant pèlerinage du Pape dans les " lieux saints " malgré des pièges de tous genres, a forcé l’attention des journalistes. Les célébrations à Rome et dans les diocèses, longuement préparées, bien animées, réunissent enfin " néophytes, pèlerins et pratiquants " au moins pour le temps d’une célébration. A tous, d’une manière ou d’une autre, il est demandé : " Que cherchez-vous ? ", ou plutôt " Qui cherchez-vous ? ". Pour beaucoup, le premier fruit du Jubilé est d’ouvrir au " Christ, hier, aujourd’hui et demain ", de refuser un " christianisme sans Christ ", une vie chrétienne sans foi personnelle au Christ.
    Chacun est invité à témoigner de sa foi personnelle. Comme Jean Paul II en accueillant les jeunes à St Pierre le 15 août dernier : " Je me rappelle que dès mon enfance, dans ma famille, j’ai appris à prier Dieu et à me confier à lui. Je me rappelle l'atmosphère de ma paroisse à Wadowice et de celle de Saint-Stanislas Kostka, à Debniki à Cracovie, dans lesquelles j'ai reçu la formation fondamentale à la vie chrétienne. Par ailleurs, je ne peux pas oublier l'expérience de la guerre ni les années de travail en usine. La maturation définitive de ma vocation sacerdotale a eu lieu dans la période de la seconde guerre mondiale, pendant l’occupation de la Pologne. La tragédie de la guerre a donné une coloration particulière au processus de maturation de mon choix de vie. Dans ce contexte, une lumière se manifestait de plus en plus clairement en moi : le Seigneur veut que je devienne prêtre ! …
    " Mon Credo continue dans mon service actuel de l’Église… Je m’efforce d’accomplir ma tâche en puisant chaque jour lumière et force dans la foi qui me lie au Christ. Mais ma foi, comme celle de Pierre et comme celle de chacun de vous, n’est pas seulement mon œuvre, ma propre adhésion à la vérité du Christ et de l’Église. Elle est essentiellement et avant tout l’œuvre de l’Esprit Saint, le don de sa grâce. Le Seigneur me donne, comme il vous donne, son Esprit pour nous faire dire "Je crois", se servant ensuite de nous pour témoigner de lui en tout lieu de la terre. Chers amis, pourquoi ai-je voulu, dès le début de votre Jubilé, vous apporter ce témoignage personnel ? Je l’ai fait pour montrer que le chemin de la foi passe à travers tout ce que nous vivons. Dieu agit dans l’histoire concrète et personnelle de chacun de nous : à travers elle, parfois de manière vraiment mystérieuse, se présente à nous le Verbe "fait chair", venu habiter parmi nous ".
    Le Christ donne sens à l’histoire, histoire personnelle et histoire collective. Le Jubilé, anniversaire de la naissance de Jésus à Bethléem, fait penser aussi à la veillée pascale, au Crucifié illuminé par la gloire de la Résurrection qui le rend contemporain et solidaire de tous " hier, aujourd’hui et demain ".
     
  3. " Au nom du Christ, réconciliez-vous "

  4. La remise des dettes et la réconciliation font partie du Jubilé. Le " discours programme " de Jésus à Nazareth annonce " une année de grâce accordée par le Seigneur " (Luc 4,19), expression qui désigne " l’année jubilaire fixée par la loi tous les cinquante ans (Lév 25,10-13) ".
    Le Vatican et diverses associations ont fait campagne pour " la remise de la dette internationale des pays pauvres ". Les pays dits riches y perdent peu si les pays pauvres, appauvris par un libéralisme sauvage, sont insolvables. Ces initiatives ont peut-être réveillé la conscience des riches.
    Plusieurs conférences épiscopales ont demandé pardon pour des fautes passées, au Brésil pour les fautes commises contre les Indiens et les Esclaves, en Allemagne et en Pologne pour l’attitude de l’Église pendant la guerre à l’occasion du 50ème anniversaire de la libération d’Auschwitz. Ces " repentances " n’ont pas fait l’unanimité. Des Suisses ont reproché aux évêques d’avoir reconnu, d’une part que l’argent de Juifs exterminés est resté pour une part dans des banques helvétiques, d’autre part que la nonciature de Berne aurait été au courant dès 1942 des projets d’anéantissement du peuple Juif. En France, beaucoup ont été surpris des paroles des Mgr Olivier de Bérranger : " En février 1941, 40.000 juifs environ se trouvaient dans les camps d’internement français. A un moment où, dans un pays partiellement occupé, abattu et prostré, la hiérarchie considérait comme son premier devoir de protéger ses fidèles, d’assurer au mieux la vie de ses institutions… … Nous confessons cette faute. Nous implorons le pardon de Dieu et demandons au peuple juif d’entendre cette parole de repentance. Cet acte de mémoire nous appelle à une vigilance accrue en faveur de l’homme dans le présent et pour l’avenir " (Paris, le mardi 30 septembre 1997 Mémorial de Drancy). Beaucoup ont été surpris par la " confession des fautes de l’Église " par le Pape le Vendredi Saint dernier : les péchés en général, les fautes commises dans le service de la vérité, contre l’unité du Corps du Christ, dans les relations avec Israël, contre l’amour, la paix, contre les droits des peuples, contre le respect des cultures et des religions, contre la dignité de la femme et l’unité du genre humain… Certains regrettent que le Pape ne parle pas de l’esclavage africain, alors que, par le passé, plusieurs fois il a condamné ce " crime contre l’humanité " (à Gorée, à Yaoundé, à St Domingue).
    Pourquoi demander pardon pour les fautes du passé ? L’Église doit-elle aller à Canossa ? Nous ne sommes pas responsables des fautes commises autrefois, de l’Inquisition, du massacre des Indiens en Amérique, de l’esclavage africain. " Les descendants n'héritent donc pas de la responsabilité (subjective) des actes de leurs ancêtres ". Mais " le mal survit souvent à celui qui l'a fait… Les péchés passés, en effet, font souvent ressentir encore leur poids ; ils demeurent comme autant de tentations pour aujourd'hui ". De plus, " pour celui qui croit, se charger des fautes passées est une sorte de participation au mystère du Christ crucifié et ressuscité, qui s'est chargé des fautes de tous " (Commission Théologique Internationale, Documentation Catholique n° 2222, du 19/03/2000).
    Il ne s’agit ni d’auto-flagellation ni de ressentiment. Le péché est un acte personnel, mais il peut avoir - et même il a presque toujours - des conséquences collectives. Le P. Libermann écrivait à ses missionnaires, fondateurs d’Églises en Afrique : " Vos péchés seraient des péchés originels ". Même à notre insu, nous ratifions et entretenons les fautes du passé, par des comportements et des habitudes qui dans le passé ont conduit à des crimes. " Seigneur, ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Église ", dit-on à la messe. La mémoire façonne pour une part notre identité et notre mentalité, d’où ce devoir de " purification de la mémoire ". De plus, si les fils oublient facilement les fautes de leurs ancêtres, les descendants des victimes en gardent souvenir et en restent blessés.
    Le Jubilé ouvre des " chantiers de réconciliation " qu’il faut continuer à travailler. Contrairement à la tradition biblique, nous avons souvent une approche trop individualiste de la responsabilité, du péché et de la " pénitence ". " Ne retiens pas contre nous les péchés de nos ancêtres… Délivre-nous, efface nos fautes, pour la cause de ton nom " (Ps 78, 8.9).

     
  5. " Je suis la lumière du monde "
    " De toutes les nations, faites des disciples, leur apprenant à garder ce que je vous ai prescrit. Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps " (Mt 28, 19-20). Ce Jubilé sera une nouvelle Pentecôte si, réellement, nous savons en recueillir les appels et les mettre en œuvre. Dès le début de son pontificat, Jean Paul II a annoncé ce Jubilé et il dit maintenant que la préparation du Jubilé est " comme une des clés d’interprétation " de son pontificat. Le Pape a voulu que les trois années préparatoires au Synode soient consacrées au Christ, à l’Esprit Saint et au Père. Il s’est servi du Jubilé comme d’une catéchèse permanente, y reprenant ses encycliques et exhortations apostoliques, ainsi que ses conclusions des Synodes continentaux (Amérique, Asie, Europe).
    " Je suis le chemin, la vérité et la vie " (Jn 14,6) ; " La vérité vous rendra libres " (Jn 8,32). La " vérité du Christ " doit éclairer les relations entre la foi et la raison, le dialogue œcuménique et entre les religions, l’inculturation de l’Évangile, la réflexion sur la morale. Dans la Bible, le mot " vérité " évoque la solidité du roc opposée à la vanité des apparences, la fermeté des convictions opposée au mensonge, le permanent opposé au transitoire.
    Le Pape dit aux jeunes le 19 août 2000 à Rome : " En réalité, c’est Jésus que vous cherchez quand vous rêvez de bonheur; c’est lui qui vous attend quand rien de ce que vous trouvez ne vous satisfait; c’est lui, la beauté qui vous attire tellement; c’est lui qui vous provoque par la soif de radicalité qui vous empêche de vous habituer aux compromis; c’est lui qui vous pousse à faire tomber les masques qui faussent la vie; c’est lui qui lit dans vos cœurs les décisions les plus profondes que d’autres voudraient étouffer. C’est Jésus qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand, la volonté de suivre un idéal, le refus de vous laisser envahir par la médiocrité, le courage de vous engager avec humilité et persévérance pour vous rendre meilleurs, pour améliorer la société, en la rendant plus humaine et plus fraternelle ".
    Souvent le Pape critique le relativisme, l’opinion qui semble séparer la liberté ou la conscience de leurs relations à la vérité reçue de Dieu, ainsi dans l’encyclique " Splendor Veritatis ". La liberté n’est pas " la licence de faire n’importe quoi, pourvu que cela plaise, même le mal ". " Le pouvoir de décider du bien et du mal n’appartient pas à l’homme mais à Dieu seul ". Il rappelle l’enseignement de Vatican II : " Au fonds de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée à lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir ". " La moralité ne se réduit pas à l’intention " car il faut aussi " vérifier si le choix est conforme ou non à la dignité et à la vocation intégrale de la personne humaine ". " Pour avoir une bonne conscience, l’homme doit chercher la vérité et juger selon cette vérité ". " La conscience doit être éclairée par l’Esprit Saint ". Il refuse l’opinion trop répandue selon laquelle seule " l’option- fondamentale " d’aimer Dieu engage la personne devant


    Message de Jean-Paul II aux jeunes
    lors des Journées mondiales de la jeunesse 2000

    II y a quinze ans, je vous confiais une grande croix de bois, vous invitant à la porter dans le monde comme signe de l'amour du Seigneur Jésus pour l'humanité et comme moyen d'annoncer que c'est seulement dans le Christ mort et ressuscité que se trouvent le salut et la rédemption.

    Depuis lors, soutenue par des bras et des cœurs généreux, elle a effectué un long pèlerinage ininterrompu à travers les continents, montrant que la croix marche avec les jeunes et que les jeunes marchent avec la croix.
    Jeunes de tous les continents, n'ayez pas peur d'être les saints du nouveau millénaire! Soyez des contemplatifs et des amoureux de la prière, en harmonie avec votre foi et généreux dans le service de vos frères, soyez des membres actifs de l'Église et des artisans de paix!

    Pour réaliser ce projet de vie qui nécessite des efforts, restez à l'écoute de sa Parole, prenez des forces dans les sacrements, spécialement dans l'eucharistie et dans la pénitence. Le Seigneur veut que vous soyez des apôtres intrépides de son Évangile et des bâtisseurs d'une humanité nouvelle.