Vie spirituelle


PRIER LE PÈRE, LE FILS, LE SAINT ESPRIT


P. Bernard de Lépinay, spiritain


Comment pouvons-nous entrer en contact réel et concret avec les divines personnes, le Père, le Fils, le Saint Esprit ? Expérience faite et refaite, en définitive, rien en nous, au niveau de notre esprit et de notre cœur, ne nous permet de les rencontrer, comme dit pourtant l'Écriture, comme un ami rencontre son ami... C'est aussi l'expérience faite par Jésus, qui, sachant ce qu’il y a dans l’homme, ne peut pas s'y fier, et c’est pour cela qu’il insiste tant sur la nécessité de veiller et de prier (Jn 2, 25, Mt 26,41). Et cela depuis le commencement : "Depuis que tu me connais Yahvé, je te suis rebelle " (Dt 9,24). J'ai coupé les ponts.
Mais eux trois, non seulement ne rompent jamais les ponts avec nous, mais encore vivent de toujours à toujours, entre eux, de leur contact avec nous. " Les relations des divines personnes entre elles sont si vastes que le monde entier y trouve sa place ". Et le monde n'en a pas d'autre, comme on l’a écrit : la terre n'est pas le lieu de Dieu, mais Dieu, les trois Personnes, sont le lieu de la terre. De fait pour nous, bien lointaines, bien abstraites, bien étrangères sont ces personnes., mais pour elles, loin d'être un étranger ou un a côté de leur vie, chacun de nous est au cœur de ce qu'elles sont et font. Entre elles, chacune demande tout car elle donne tout, parce que chacune est tout pour les autres.
"  Veillons et prions " et dans la foi, il nous sera donné d'expérimenter qu'il n'y a pas de cœur d'homme, pas de brebis perdue, qui ne soit toujours cherchée et toujours trouvée. Tu l'expérimenteras dans ton ennui même. Il te dira que les divines personnes ne s'ennuient jamais avec toi, elles te cherchent et te trouvent toujours ; tes multiples distractions te diront aussi qu’elles ne sont jamais distraites de toi et que es partie prenante de leur conseil et de leurs délibérations, comme il est écrit : vais-je cacher à Abraham ce que je veux faire, alors qu'Abraham devient le père d'un grand peuple et qu'en lui toutes les nations de la terre se bénissent ? " (Gn 18,17 ;Amos 3,7). Ta sécheresse te dira que ces divines personnes brûlent pour toi, et que si ton cœur est froid, le leur est chaud pour toi, et il te sauve. L'oraison n'a pas d'autre but, que de nous faire prendre des distances d’avec nous même, car nous ne sommes pas fiables, mais ce qui nous fonde c’est Dieu avec nous... "Veillez à ne rien garder de ce qui est à vous, de vous, pour vous, afin que vous reçoivent ceux qui ne gardent jamais rien de ce qui est à eux, et pour eux " (St François d'assise). Veillez et priez.

Prier le Père
C'est s'adresser à Celui qui ne nous laisse jamais seuls, le Père de Jésus, parce que nous faisons sa volonté (Jean 8,22). Il ne veut que son Fils, et ceux qu'il engendre en lui et par lui. Jésus se retire-t-il sur la montagne, pour un seul à seul avec son Père, il en redescend toujours avec au cœur des frères à aimer et cet amour qu'il partage avec lui. Prier le Père, c'est toujours recevoir des frères à aimer sans lesquels précisément il n'y a pas de rendez-vous avec Dieu. " Je n'ai pas d'autre trésor, tu le sais Seigneur, que les âmes qu'il t’a plu d'attacher à la mienne " (Thérèse-de-l'Enfant-Jésus). Prier le Père, c'est écouter ce que fait le Père et entrer dans sa joie.

Prier le Fils
Lui, le Fils, c'est notre compagnon de route, un compagnon qui connaît ma route, pour l'avoir parcourue d'un bout à l'autre, en mon nom. Le prier, c'est lui faire confiance et lui demander cette confiance : souvent je tremble de tout mon être devant ce qui m'attend, mais je tiens la main de mon compagnon qui ne tremble pas pour moi, du fait qu'il a tout traversé pour moi. Je m'adresse à lui comme à mon aîné. Nous ne savons jamais, il ne s'est pas laissé appeler " Père ", même par ses disciples, car il n'y a qu'un seul père et ce n'est pas lui. Mais à tous ceux qui font la volonté du Père, il dit qu'ils sont pour lui un frère, une sœur, et même une mère. Si c'est "faire la volonté du Père " qui personnalise notre relation avec lui, c'est être disciple qui personnalise notre relation avec le Fils.

Prier l'Esprit.
Comme le Père et le Fils, c'est en lien avec le Saint Esprit que nous nous reconnaissons personnellement et pouvons nous lier d'intimité dans la réciprocité. Nous savons que ce qu'il est, il l'est du Père et du Fils, n'ayant rien de lui, mais tout d'eux, et les marque ainsi, tel un sceau divin, de ce qu'il est, du tout reçu et du tout rendu. Aussi est-ce lui, tel un cauter, tel un grand vent, qui fait en nous toute place aux autres aussi bien dans le cœur du Père et du Fils que dans le nôtre. C'est bien ce qui arriva à Nicodème, à l'heure où toute sa suffisance spirituelle de maître à prier vole en éclat, sous le poids des réponses bêtes aux questions de Jésus, mais c'est pour quoi ce vent, dont on ne sait d'où il vient ni où il va, le presse et l'emporte au delà de lui même vers le Père. S'adresser à l'Esprit dans la prière c'est toujours s'ouvrir à ce comportement qui fait passer du maître, qu'on s'imagine être, à l'élève qui a toujours tout à apprendre de son Père, comme un enfant (Isaïe 50, 4-5)
Quand nous disons dans la prière " Père, fils et Saint Esprit " nous n'avons encore renoué avec aucun d'eux,  mais lorsque nous devenons disciples de Jésus, nous sommes avec eux. Nous avons beau nous mettre ensemble pour prier le " notre Père ", la plus belle prière n'est efficace que si Jésus la prie avec nous. C'est alors seulement que l'Esprit descend, qu'il nous retourne au Père et que nous lui demandons ce qu'il doit nous donner, précisément l'Esprit. Ainsi toute prière est toujours écoutée du Père, exaucée par le Père du moment que nous sommes disciples de Jésus, c'est une constante dans l'Évangile qui poussait St Jean-de-la-Croix à s'exclamer : " Tu me donneras un jour ce que tu m'as toujours donné ". Moi, je n'ai jamais fini d'accueillir ce qui m'est donné, avec toute sa richesse et sa valeur ; je n’ai jamais fini de le recevoir, comme Jésus le reçoit de son Père, sans cesse, avec ceux que le Père lui remet dans les bras, et par lesquels il réalise son union avec lui.