Signes et témoins



LES LAÏCS du P. LAVAL
"DE LA SERVITUDE AU SERVICE"


P. Louis Verchère


En cette année 1843, le P. Laval, en plus de la Mission des Noirs, et de sa fonction d'aumônier de prison et d'hôpital, reçoit la charge d'enseigner la religion à 400 garçons et filles d'un pensionnat, et doit assurer les fonctions de vicaire à la cathédrale une semaine sur trois.
Comment faire, lui qui a tout son temps pris dans son pavillon pour enseigner les catéchumènes et qui passe quinze heures au confessionnal par semaine? De plus il constate que lorsqu'il est appelé auprès d'un malade, d'un mourant, celui-ci ne connaît pas grand chose de la religion, pour ne pas dire rien. Le travail est immense. Et il n'a pas trouvé de l'aide tout de suite. En 1842, dans une lettre au P. Libermann il a cette plainte : "il faut ici faire tout, personne ne veut vous donner un coup de main, bien au contraire." (Extraits de sa correspondance, p. 53). Seulement rappelons-nous qu'il avait à cœur de former des chrétiens fervents. Entre le baptême et la première communion il y avait deux ans de préparation, c'était le groupe des persévérants. Le P. Laval suivait de près les chrétiens. Quand deux ou trois étaient bien préparés pour la communion, ils la faisaient dans la plus grande discrétion, sans fête. Il n'admettait à la communion pratiquement que des gens mariés dont il était sûr de la fidélité.
C'est parmi eux que le P. Laval choisit des femmes auxquelles il va confier le soin de visiter les malades, de les catéchiser et de les préparer aux sacrements. Bien vite ses femmes réuniront des gens chez elles le soir pour faire le catéchisme. Si bien qu'il n'y a pas à vouloir établir une démarcation entre conseillères et catéchistes. Cependant nous verrons que certains étaient d'abord catéchistes. Mais cette activité des conseillères qui en même temps faisaient du catéchisme chez elles, a eu l'avantage de constituer autour du P. Laval un groupe de laïcs, comprenant femmes et hommes dévoués à l'apostolat, que nous pouvons appeler les auxiliaires laïcs du P. Laval. Le livre de Joseph Michel sur ce sujet nous donne une liste de 74 personnes.

Deux conseillères

Citons deux grands noms parmi les conseillères : Ma Céleste et Joséphine Françoise. Ma Céleste avait une faible santé, mais pendant 20 ans elle a enseigné les ignorants en leur apprenant les trois principaux mystères, à faire leur examen de conscience et à se préparer à recevoir l'absolution. Quand elle venait chercher le P. Laval, c'était pour aller auprès de quatre ou cinq malades pour leur donner les derniers sacrements.
Joséphine François avait peu d'instruction, mais rayonnait de foi et de charité. Elle avait une grâce spéciale pour réconforter les malades et susciter en eux la confiance en Dieu. Si bien que des familles de condition supérieure à la sienne voudront lui confier leurs malades. Ces conseillères n'avaient pas de formation spéciale. Mais comme le P. Laval, elles puisaient leur force dans une profonde vie spirituelle. Elles venaient à quatre heures et demie à la messe, faisaient leur méditation, leur chemin de croix et puis les voilà parties pour le travail de leur journée : ouvrage de la maison et apostolat.

Les catéchistes

Pour que le catéchisme puisse être enseigné à longueur de journée aux gens qui passaient dans le pavillon de la Mission des Noirs, il a bien fallu trouver une solution. Le P. Laval remarque parmi ces meilleurs chrétiens Edouard Labelle, créole d'une vingtaine année, qui est estropié des deux jambes et marche sur les mains et les genoux. Il le forme et l'établit catéchiste dans les premiers mois de 1843. Edouard avait une grâce extraordinaire pour parler aux Noirs dans leur langue, et pour leur apprendre leurs prières et répéter les instructions du père. Devant ce succès le P. Laval n'a plus qu'un souci : trouver des catéchistes. Bien sûr le P. Laval garde le catéchisme du soir.

Un soir de 1843, le P. Laval va découvrir une perle rare. Il va dans l'église pour le catéchisme. Il voit entrer un homme portant une grosse corde comme ceinture et qui manifeste de grands sentiments de pénitence. En le voyant le P. Laval a une intuition : " Voilà un homme qui pourra me rendre un grand service. " (J. Michel Auxiliaires p. 83). Cet homme s'appelle Emilien Pierre. Né esclave, il a été baptisé. Il vit en concubinage avec Estelle Lasage, qui est originaire de Madagascar. ils ont plusieurs enfants. Ils habitent route Nicolay près du port et du Trou Fanfaron. Il a une certaine instruction et il est un habile tailleur. Avec sa femme ils ont lié amitié avec Marcellin Prêt-à-Boire créole, et son épouse Clémentine Jeanne, malgache. Marcellin et Clémentine sont de nouveaux convertis et des auxiliaires très zélés.
Quand Emilien Pierre, débarque à la cathédrale, il a déjà été catéchisé par Marcellin. Avec Marcellin Prêt-à-boire nous avons l'exemple d'un couple qui remplit la fonction de conseiller et de catéchiste. Je crois même que nous avons le cas qui a dû se produire souvent : des nouveaux convertis, qui spontanément et sans le vouloir sont devenus des catéchistes. Le P. Laval accueille Emilien et Estelle comme les autres catéchumènes. Il régularise leur mariage et les prépare à la première communion. Pendant cette préparation il donne à Emilien des soins tout particuliers, et après la communion il continue à lui porter une grande attention. Il l'emmène avec lui, quand il fait des tournées dans les campagnes proches de Port-Louis, comme la Vallée des prêtres. Le P. Laval ne se hâte pas de lui donner la responsabilité de catéchiste. Ce n'est que 3 ans plus tard, en 1846 qu'il lui dira : "Emilien, suis Dieu et suis-moi". (J. Michel - Auxiliaires p.85) Le P. Laval n'avait jamais adressé une telle parole, et à ne l'adressera plus jamais. Emilien Pierre sera le plus grand et le plus efficace des catéchistes. Il formera d'autres catéchistes.

Il n'est pas possible de citer tous les catéchistes. Citons Jean Marie Prosper, cocher que le P. Laval rencontre à la Mairie lors de ses démarches. Le P. Laval régularise d'abord sa situation matrimoniale et baptise ses enfants. Par la suite. il enseigne lie catéchisme à son domicile, rue Yoloff. Il accompagne aussi le P. Laval dans ses visites de prison, ou à l'hôpital de Grande-Rivière. Il était fort honnête et avait un grand savoir faire, aussi les pères lui confièrent des missions de confiance. Mentionnons Amédé Mai, qui une fois veuf devient religieux dans la Congrégation des Pères du St Esprit et travaillera à Madagascar.
Tous les catéchistes exercent un métier. C'est donc le soir après le travail, qu'ils reçoivent chez eux, dans une pièce aménagée les catéchumènes du voisinage : hommes, femmes, jeunes gens et jeunes filles, qui eux aussi ont terminé leur journée de travail. Il faut tout leur apprendre, car même s'ils ont été baptisés pendant leur enfance, ils ne savent rien. Quand ils savent les premiers éléments, ils vont se joindre aux centaines de catéchumènes qui vont écouter les instructions du P. Laval le soir à la cathédrale.
Le plus grand nombre de ces catéchistes savent lire. Ils disposent d'un cahier qui renferme le texte d'un Petit Catéchisme rédigé en créole par le P. Laval. Le vendredi soir le P. Laval fait un catéchisme spécial pour les catéchistes, qui consiste en une méditation du chemin de Croix.
La formation des conseillères, des catéchistes, découle de leur piété, de leur vie de prière, tout comme l'apostolat du P. Laval jaillit de ses heures de prières devant le St Sacrement.

Les Affranchis de l'île affluent à Port-Louis

Le P. Laval avec ses conseillères et ses catéchistes travaille surtout sur Port-Louis. C'est le district le plus peuplé, il comprend que c'est en commençant par là qu'il atteindra le reste. On peut considérer que jusqu'en 1846, la population noire des districts sera abandonnée par le clergé. Cependant très vite les campagnes vont bouger. Déjà en 1842, un Indien et un Créole des Plaines-Wilhems régularisent leur union. Puis à Grand Baie, un Mozambique et un Créole célèbrent leur mariage, et à Grand Port, deux Malgaches font de même. En 1841, les Pamplemousses, les Plaines Wilhems et Moka, fournissent un petit contingent de catéchumènes. Deux ans plus tard, en 1845 des laboureurs viennent de la Rivière-Noire et même de la Savanne pour se faire baptiser et marier.

De plus en plus, de chaque district on rencontre des gens qui font six ou huit lieues de marche pour assister à la messe du dimanche et pour se faire instruire. Désormais, le P.Lavai leur donne la préférence le dimanche : son confessionnal leur est réservé et la longue séance de catéchisme qui suit la messe leur est destinée. Malgré tous ses efforts consacrés aux gens des campagnes, la préparation aux sacrements peut exiger beaucoup de temps. Les parents qui peuvent supporter la dépense, viennent s'installer à Port-Louis avec leurs enfants de 12-14 ans, jusqu'à ce qu'ils reçoivent le baptême et la communion. Ces braves gens, quand ils rentrent chez eux deviennent souvent des catéchistes. Ils ont vu comment les conseillères et les catéchistes travaillaient à Port-Louis. Ils réservent dans leur maison une pièce pour le Bon Dieu décorée avec de belles images. Les voisins viennent voir et demandent des explications. Et peu à peu commence un catéchisme.

Le P. LAVAL va dans les campagnes de l'île

Cependant ne croyons pas que le P. Laval attend seulement que les gens des campagnes viennent à lui. En 1844, "Le Cernéen" rapporte qu'il visite des malades de la campagne. Il consacre ses premières sorties à la Vallée des Prêtres. Il s'y rend en général accompagné d'Emilien-Pierre.
Sa première visite n'a pas été un succès, tous les gens se sont enfuis. Mais il ne perd pas courage, il revient avec du riz, du poisson et des brèdes (divers légumes verts). Il se met à cuisiner tout cela dans une grande marmite, sur la propriété de J.B. Lamarre, au fond de la Vallée des Prêtres. Pendant le temps de cuisson, hommes, femmes, enfants s'approchent. Et quand tout est prêt chacun veut être servis. La peur est vaincue et le contact est établi. Avec ces sorties dans la vallée des prêtres, avec ces gens qui viennent des différents districts pour se faire instruire, et avec ceux qui malgré eux après leur séjour à Port-Louis, se retrouvent catéchistes dans les campagnes, un grand mouvement se crée en faveur de la religion. Nous verrons même qu'il y a là les bases pour un deuxième mouvement d'évangélisation. Mais hélas ! le P. Laval est toujours seul comme missionnaire.

La construction des chapelles

Il avait avec lui un grand nombre de conseillères et de catéchistes. Il avait constaté que les gens venaient des districts des campagnes. Dans le quartier de la Petite-Rivière, à six kilomètres de Port-Louis, dès 1845, le P. Laval avait fait l'expérience de l'existence d'une petite chapelle, avec une femme qui assurait le catéchisme, une dénommée Mlle Desfossés, personne de couleur, mais libre de naissance qui s'était mise sous la direction du P. Laval. Elle veut partager à son entourage la joie de sa conversion, et leur apprendre leurs prières. Elle réunit les gens des environs dans l'ancienne pièce où il y avait le four de son père, qui était boulanger. Devant le nombre de personnes qui se regroupe là, le P. Laval vient installer un petit autel, sur lequel repose une croix, et quatre chandeliers. La gueule du four est transformée en niche, dans laquelle trône une statue de Marie. Le P. Laval bénit le tout. Ainsi naît la première chapelle du P. Laval qu'il dédie au St Cœur de Marie.
Quand arrivent les PP. Lambert et Thévaux, avec le grand nombre de catéchistes qu'il a, avec l'expérience de cette chapelle à la Petite-Rivière, et devant le fait que les gens viennent de loin des districts de la campagne, le P.Lavai comprend une chose. Il faut multiplier les chapelles qui seront des lieux de catéchuménat. Il faut aller chercher les gens chez eux. Ces chapelles ne porteront aucun ombrage auprès des curés, car ceux-ci abandonnent totalement, aux missionnaires, le soin des Noirs.
En 1847, dix chapelles sont en construction dans les quartiers environnant de Port-Louis. A la fin de l'année une vingtaine fonctionnent, et en 1848, il y en aura une quarantaine. La Vallée des Prêtres et Roche Bois, tout proche de Port-Louis sont pourvus de chapelles. En dehors de Port-Louis, on trouve des chapelles dans les districts de Rivière-Noire, de Plaine Wilhems, de Moka, de Flacq et surtout le district de Pamplemousses qui était le plus peuplé.
Certaines de ces chapelles sont des paillotes, construites à la hâte. D'autres ont des fondations en pierre. Certaines ont une grosse toile tendue en forme de voûte sous le charpente. Enfin quelques unes, dès 1847, seront totalement construites en pierre. Dans l'ensemble les chapelles sont grandes, elles peuvent regrouper 200, 400, et parfois 1000 personnes. Il est vrai que beaucoup ont été refaites, plusieurs fois devant l'affluence des catéchumènes, ou bien parce qu'elles ont été renversées par un cyclone. En général, les chapelles sont construites par une communauté chrétienne, sous la direction d'un leader. La chapelle de Ste Croix, construite à la Prairie, seulement par Zammor Bongoût est pratiquement une exception. Il y a aussi St Paul, à Pamplemousses, qui était une belle demeure qu'une femme s'était construite, et qu'elle donna pour en faire une chapelle, se contentant d'une case en paille un peu plus loin. Les gens manifestent un grand zèle : on porte le sable, les roches, ou le bois sur la tête. On tire les charrettes de sable. Autant de travaux pénibles qui rappellent le temps de l'esclavage. Le P. Laval, à l'occasion, sait diriger les dons des personnes aisées pour la construction des chapelles.
Un jour une jeune femme vint offrir au P. Laval, pour ses chapelles, deux jolis bouquets de fleurs avec des vases dorés. Il lui demande "Et combien coûtent ces jolis bouquets?"' Après avoir entendu le prix, celui-ci ajoute : "c'est beaucoup d'argent ça mon enfant. Vous auriez mieux fait de garder cela pour vous, vous pouvez en avoir besoin- Oh ! mon Père, reprit-elle, maman vient de recevoir un petit héritage, et elle a destiné sur cet argent, une somme de 500 piastres pour donner des bouquets à toutes les chapelles du pays. Elle veut faire cette offrande au Bon Dieu, en reconnaissance de cet héritage que nous n'attendions pas." Alors, le P. Laval répond : "Eh bien ! mon enfant, allez dire à votre maman que je ne lui permettrai pas d'employer cet argent de cette manière, qu'elle vienne me voir, et je lui indiquerai le moyen de le faire d'une façon beaucoup plus utile. Nous avons besoin de construire une chapelle à Bambous, qu'elle consacre cette somme pour cette bonne œuvre, et elle procurera beaucoup mieux la gloire du Bon Dieu et le salut des hommes." (Delaplace - Pivault p. 231)
La maman de cette jeune femme donna la somme pour la construction de la chapelle à Bambous. Ces chapelles ont permis au P. Laval d'étendre son influence dans les campagnes de Maurice. Elles ont eu un rôle capital pour l'évangélisation de toute l'île. Elles ont pu voir le jour grâce au grand nombre de conseillères, des catéchistes issus d'une préparation très exigeante à la première communion, des personnes pieuses et zélées, et aussi grâce à l'arrivée d'autres missionnaires. Mais la base de cette évangélisation reste bien la foi profonde nourrie par la prière, la contemplation des mystères du Christ par le chemin de Croix et le chapelet.
Les missionnaires arrivaient à trouver auprès de leurs chrétiens de quoi construire des chapelles, alors que les prêtres diocésains, connurent l'échec dans la collecte d'argent pour construire une deuxième église à Port-Louis.

Vitalité de cette jeune Eglise

Essayons de saisir un peu la vitalité de cette jeune église. Elle est marquée par une grande ferveur. Beaucoup de gens viennent à la messe à 4h30 le matin, avant d'aller au travail. Un grand nombre prend le temps de faire oraison. La plupart communient toutes les semaines, ou tous les 15 jours, grâce à la direction du P. Laval. Et à cette époque la communion fréquente, ou quotidienne n'était pas une chose courante. Elle était entourée d'un grand nombre d'exigences. Le vendredi l'église est pleine pour le Chemin de Croix, comme cela a déjà été mentionné.
Cette communauté n'est pas enfermée dans une piété rêveuse. Elle conduit ses membres à être généreux. Rappelons-nous leur générosité et leur ardeur pour construire les chapelles. Ils savent se gêner pour s'entraider. Le P. Laval apprend qu'une famille voudrait bien venir à la messe le dimanche, mais, faute de vêtements décents, elle reste chez elle. Le dimanche suivant, le P. Laval, du haut de la chaire fait un appel àla charité des chrétiens. Dans la journée du lundi, il reçoit tellement de linge, que c'est un vrai magasin chez lui.
Le P.Collin en 1846 avait fait naître parmi eux une Caisse de Charité pour les malades et les indigents. Les responsables sont pris parmi les persévérants qui jouissent de l'estime des autres. Il y a un trésorier et deux assistants. Ces derniers sont entourés de conseillers et conseillères choisis parmi les personnes pieuses, charitables et discrètes.
La caisse est alimentée par une quête faite les dimanches aux offices des Noirs, par les offrandes à l'occasion des mariages et par des dons volontaires. Les conseillères et les conseillers ont la charge de la quête, de la compter et de la remettre au trésorier. Ils reçoivent les demandes et vérifient si celles-ci sont justifiées. Une fois par mois, il y a réunion avec le P. Laval, le trésorier rend compte de la situation. Les conseillers exposent les demandes de secours et décident des prochaines distributions. Le travail est facilité par le fait que bien souvent les conseillers et les conseillères sont ceux mêmes qui visitent les malades et qui connaissent donc bien les situations. Le P. Laval ne fait que superviser. La caisse n'est jamais déposée chez lui. Il ne fait jamais une aumône en prenant dans la caisse, il doit toujours renvoyer aux conseillers et aux conseillères. Enfin le premier dimanche du mois, à la messe, il rend compte de cette Caisse de Charité. Elle était devenue quelque chose d'important. Non seulement elle permettait une entraide passagère dans les coups durs, mais elle est allée jusqu'à prendre en charge des pensionnaires : vieillards, ou infirmes qui étaient sans moyen. Cette Caisse de Charité a fonctionné longtemps sans que le grand public la connaisse. Ce n'est qu'en 1850, que les journaux en parleront, en rendant compte d'une discussion du conseil municipal sur la taxe des pauvres, ils citeront la remarque d'un ami du P. Laval au sujet des missionnaires : "On ignore généralement qu'ils ont fondé une Caisse de bienfaisance à l'aide de laquelle plus de 300 piastres sont partagées mensuellement entre les pauvres." (J. Michel, P. 271
Il faut noter encore que l'entraide connaît aussi une dimension universelle. Les chrétiens se privent et donnent pour des gens qui sont au loin. Ils cotisent pour l'œuvre de la Propagation de la foi, et donnent pour les Irlandais décimés par la famine.

L'appréciation de la presse

Nous avons le tableau d'une jeune église vivante. Elle est tellement vivante que la presse va s'intéresser à elle. Les journalistes savent que le P. Laval ne se laissera pas interviewer. Il dit toujours : "Restons dans l'ombre, et travaillons pour le Bon Dieu tout seul." (J. Michel, p. 251) Mais la célébration de la Fête-Dieu a pris une telle dimension publique, qu'elle devient une bonne occasion pour les journaux de parler de l'Eglise. Elle rassemble des milliers de participants, et aussi des milliers de spectateurs.
"Le Mauricien" du 30 juin 1847 profitera de la Fête-Dieu pour faire le point sur l'Eglise Catholique. Les anciens esclaves convertis par le P. Laval reçoivent des éloges en abondance. "Le peuple, c'est à dire, cette fois, les anciens esclaves, le peuple a démontré clairement aux incrédules et à ceux qui pourraient le plus douter de lui qu'avec des soins fraternels et une direction charitable, on pouvait développer rapidement en lui un immense progrès moral. Aujourd'hui, la masse de nos ci-devant esclaves, possède en son sein des éléments de perfectionnement auxquels il est impossible de ne pas croire. Ce progrès à qui le devons-nous ? A un pauvre prêtre qui comprend son mandat et qui l'exécute en conscience avec une sagesse qui n'a d'égale que sa charité." (J. Michel, p. 252)
Ce travail connaît le triomphe. Mais il va se poursuivre par de nouvelles intuitions missionnaires. Il devra aussi essuyer le feu d'une terrible campagne d'opposition qui se déroulera dans la presse, et s'éteindra devant la réalité des faits qui marquent la vie de Maurice.

 

Le Père Laval dans la Congrégation du Saint-Esprit


Le Père Laval a été ordonné prêtre du diocèse d'Evreux. Quant il a décidé de partir comme missionnaire, il quitte ce diocèse pour entrer dans la Société du Saint-Cœur de Marie, qui vient juste d'être fondée par le P. Libermann. Il est envoyé au diocèse de Port Louis comme missionnaire du St-Cœur de Marie. En 1848, tous les membres du Saint-Cœur de Marie deviennent membres de la Congrégation du Saint-Esprit par fusion entre les deux Instituts. Le nouveau Supérieur Général en est le P. Libermann qui est remplacé en 1852 par le P. Ignace Swindenhammer. Le P. Laval n'a fait ses vœux perpétuels qu'en 1859.