signes et témoins

Père Laval, un témoin pour aujourd’hui…


Roger Billy, spiritain
Le P. Roger Billy a missionné longtemps à l'Ile Maurice ou auprès de mauriciens. Il nous dit comment il reçoit aujourd'hui le témoignage laissé par le Bx Laval.
Au noviciat spiritain de l’île Maurice, dès le lendemain de l’arrivée des nouveaux " novices " , nous allions sur le tombeau du Père Laval, à Sainte-Croix, près de Port-Louis. Ce n’était pas seulement une visite souvenir, mais c’était surtout et avant tout une rencontre avec celui qui avait donné toute sa vie, pour l’évangélisation des plus rejetés de la société mauricienne dans les années 1840… Le Père Laval qui a donné sa vie pour les anciens esclaves est encore pour nous aujourd’hui un témoin de l’Absolu…

Le Père Laval, nous donne un témoignage de grande simplicité, la simplicité des humbles et des petits dont il fut l’apôtre. Simplicité de l’homme d’abord, il a laissé de côté ses belles manières du temps où il était docteur en Normandie, mais sa politesse est une politesse de charité, il sait saluer, à leur grand étonnement, ceux et celles que l’on ne saluait pas. Il sait se faire tout à tous, il sait se rendre accessible à tout le monde dans cette société mauricienne si compartimentée, où les rapports maître-esclave, maître-serviteur sont tellement emprunts du mépris engendré par l’esclavage. Pour que tout le monde puisse le rencontrer dans sa petite maison en bois construite dans la cour du presbytère, il a fait percer une porte dans le mur de clôture ; on peut ainsi venir le rencontrer sans passer par les beaux bureaux du grand presbytère de la cathédrale.

Simple, Père Laval l’est aussi dans ses vêtements, sa nourriture, son mobilier, il se contente d’une nourriture frugale, trop frugale au goût de son supérieur de l’île de La Réunion, le Père Levavasseur. Il est vrai que Père Laval paiera cher cette frugalité et sa santé en sera affectée. Mais Père Laval est comme dévoré par un feu intérieur, toute son énergie,  toutes ses forces sont consacrées à cette annonce de l’Évangile aux plus pauvres.

Simple, Père Laval l’est dans les moyens employés pour l’annonce de la Bonne Nouvelle… Il apprend très vite le créole, la langue de tous ces anciens esclaves que l’on appelle désormais des affranchis, pour eux il va composer un catéchisme très simple mais qui reprend l’essentiel de la foi chrétienne. Inlassablement Père Laval va catéchiser, il s’adapte même aux horaires de travail de ces hommes et de ces femmes, c’est tard le soir après leur travail qu’il les réunit pour la catéchèse. Le dimanche il célèbre une messe vers midi spécialement pour ceux et celles qui ne peuvent se libérer qu’après le service de leur maître ou de leur maîtresse. Tout cela lui demande un grand effort physique car en raison du jeûne eucharistique depuis la veille jusqu’à deux ou trois heures de l’après-midi il n’a pas mangé. Père Laval passe aussi beaucoup de temps au confessionnal, et c’est même de là, dit-on, qu’il dirige les chantiers de construction de ses chapelles.

Simplicité des méthodes… Père Laval favorise la catéchèse dans les maisons particulières, il sait s’entourer de catéchistes fervents, hommes et femmes, ses conseillers et ses conseillères comme il les appelle… et le travail d’évangélisation est démultiplié d’une manière extraordinaire, grâce à ces femmes et ces hommes tout simples à qui il a su communiquer ce feu sacré…Les pauvres sont visités, évangélisés par les pauvres… simplicité des moyens, mais redoutable efficacité de cette évangélisation, la moisson est abondante, et les ouvriers se sont multipliés pour la récolte, parce que tout simplement, tout bonnement Père Laval a fait de ces pauvres de vrais porteurs de la Bonne Nouvelle.

Dans une société qui a connu la violence extrême de l’esclavage et qui connaît une inégalité sociale très forte, Père Laval apporte l’Amour et la Paix de l’Évangile, il croît en la transformation de cette société par l’Amour, et ça marche, on voit même des servantes qui convertissent leurs maîtresses, on voit surtout ces blessés de la vie se remettre debout, on voit de vraies familles se construire. Père Laval se soucie aussi de l’enseignement de tous ces enfants à travers les écoles…

Père Laval aurait bien voulu aussi que du milieu de ces " pauvres " , naissent des vocations sacerdotales, et le Père Libermann l’encouragera dans ce sens, mais Père Laval constatera douloureusement que le moment n’est pas encore venu : " même un mulâtre (métis) ne pourrait être prêtre tant il serait déconsidéré… " écrira-t-il au Père Levavasseur…

Il faudrait aussi évoquer la simplicité de la prière du Père Laval, son oraison est " repos " devant Dieu, très tôt le matin il passe un long moment, là, simplement devant son Seigneur, même si parfois son cœur est bien sec, même si parfois, physiquement, il est à bout…Père Laval n’aimait pas claironner ses succès, et le Père Libermann s’est souvent plaint de ce que le Père Laval n’écrivait pas assez…

Père Laval est mort aussi tout simplement, comme il a vécu… Mais son enterrement fut un triomphe, quarante mille de ses enfants l’accompagnèrent depuis Port-Louis jusqu’à Sainte-Croix, ils se relayèrent pour porter son cercueil. Et aujourd’hui encore c’est un défilé continuel devant son tombeau, riches et pauvres, hindous, musulmans, chrétiens, tout le monde a quelque chose à demander à ce pauvre de Dieu…

Père Laval témoin pour aujourd’hui… Il nous rappelle que l’annonce de la Bonne Nouvelle passe toujours par la pauvreté des moyens, il nous rappelle que le plus pauvre est le plus proche de Dieu, il nous rappelle que le petit et le pauvre peuvent être des apôtres de première grandeur, il nous rappelle que l’amour est plus fort que la haine et que l’Évangile peut transformer profondément une société si bouleversée soit-elle, il nous rappelle qu'une vie authentiquement évangélique est comprise et reçue par tous les hommes, toutes les femmes de bonne volonté, quelle que soit leur religion ou leur race…

Père Laval a réellement vécu la spiritualité de la pauvreté du cœur, c’est cela qui donne à sa vie de religieux, de prêtre, d’évangélisateur, d’homme de prière, cet aspect de grande simplicité…Une grande simplicité sous-tendue par un Amour passionné pour la cause de Dieu, c’est la même " fulgurance ", la même passion, mais aussi la même Enfance que Thérèse de l’Enfant Jésus ; aussi missionnaires l’un que l’autre, parce que aussi conscients l’un que l’autre de l’immensité de l’amour de Dieu ; mais aussi inconscients l’un que l’autre devant l’immensité de la tâche à accomplir, car ils ne doutent pas un seul instant que l’Amour de Dieu peut tout et qu’il suffit simplement de le croire et de le vivre et que tout le reste est donné par surcroît, merveilleuse simplicité de l’enfance spirituelle…