Vie spirituelle

La compassion de Marie au Calvaire



Bienheureux Jacques Laval
Voici un entretien du Père Laval à ses "enfants" pour le mois de Marie. On notera la simplicité et la profondeur. Dans un vocabulaire et même une théologie qui reste datée, il nourrit le cœur tout autant que l'esprit. Il se sert même de quelques explications anatomiques d'ancien médecin pour faire partager sa compassion avec Marie au pied de la Croix. (Texte inédit)
Cinquième croix de Marie.
La croix du calvaire.
Exorde.
Aujourd'hui mes enfants, le dernier jour du mois de Marie, la mère de Jésus appelle tous ses fidèles serviteurs au calvaire; et pourquoi faire? pour leur dire sa dernière croix, oui, la croix qu'elle a trouvée sur le calvaire. C'est du haut de la sainte montagne que Marie nous adresse ces douloureuses paroles :

Ô vous tous qui passez par le chemin de la croix,
venez et voyez s'il y a douleur pareille à la mienne ;

Oui, sur le Calvaire mon âme a été triste, et triste jusqu'à la mort; j'ai cherché quelques bonnes âmes pour compatir à mes douleurs, et je n'ai trouvé presque personne pour me donner quelques consolations : ô fidèles serviteurs, vous du moins ne m'abandonnez pas, consolez-moi dans ma douleur; tenez-moi fidèle compagnie, ne payez pas d'indifférence et d'ingratitude une mère qui a tant souffert pour vous; heureux les enfants de Dieu qui se trouveront près de moi au pied de la croix de mon Jésus : un jour après avoir peiné avec moi ils se réjouiront avec moi car je leur donnerai une place dans le royaume de mon Fils.

Allons donc chers enfants, en esprit sur la sainte montagne plaçons nous près de la croix, et écoutons avec respect et compassion les dernières douleurs de notre Mère. Marie a souffert trois grandes douleurs sur le calvaire, et c'est de ces douleurs dont parle le prophète quand il s'écrit : ô filles de Jérusalem, que votre affliction est grande, elle est étendue, large et profonde comme la mer. C'est une mer sans fond est sans rivages.

Premier point : Douleurs de Marie sur le chemin du calvaire.

Pendant que l'on conduisait Jésus au calvaire il était suivi, dit le saint évangile, de plusieurs saintes et pieuses femmes. C'était la mère de Jésus, Marie sœur de sa mère et sœur de Cléophas, Marie-Madeleine; Saint Jean, le disciple bien-aimé, les accompagnait. Les premières femmes pleuraient et se lamentaient. Quant à Marie, elle était plongée dans une extrême affliction mais sa douleur était tout intérieure; il ne sortait de sa bouche ni cris, ni plainte, ni murmure; elle s'avançait les yeux baissés vers la terre toute baignée du sang que répandaient les blessures de son Jésus.
Une foule immense suivait Jésus; les rues en étaient toutes remplies; à peine pouvait-on marcher; (il était) impossible à la mère de Jésus d'approcher de son fils; cependant elle voulait le voir, pour pouvoir lui donner un dernier adieu. Suivie de Saint Jean et des autres saintes femmes, elle prend une rue détournée et va l'attendre sur le chemin du calvaire près de la porte de la ville. Enfin il lui est donné de voir son fils, mais hélas quel glaive de douleur transperce son cœur à la vue de son fils bien-aimé.
Sa figure est toute couverte de sang, sa tête est couronnée d'épines, ces épaules sont chargées de l'ignominieux instrument de son supplice; il marche tout courbé, pliant sous un lourd et pesant fardeau, c'est une croix de (dix) pieds de longueur, il est plus mort que vif ; et pour l'obliger à marcher en le frappe à coups de pieds, de poings etc. tellement que son visage en est tout meurtri et méconnaissable. Et puis en quelle compagnie se trouve-t-il? on mène avec lui deux insignes scélérats qui doivent être crucifiés l'un à sa droite et l'autre à sa gauche, pour rendre son supplice plus ignominieux ; une populace immense poursuit Jésus de ses cris de mort; de tous côtés on entend ces cris sanguinaires : crucifiez-le, crucifiez-le.
Marie, en voyant son fils, veut s'en approcher pour lui dire un dernier adieu, mais les bourreaux la repoussent brutalement; toute sa consolation est de recevoir un regard de son Jésus et ce regard de Jésus est pour elle un glaive qui transverse son cœur de part en part. Les bourreaux font hâter le pas à Jésus en déchargeant sur lui une grêle de coups, ils ont hâte de le voir attaché à la croix, ils ont hâte de lui voir rendre son dernier soupir. Jésus donc est obligé de continuer son chemin; on lui refuse de dire un dernier adieu à une mère affligée, Marie suit son fils, et arrive après une heure et demie de marche au haut de la montagne du calvaire; il était près de midi.

Deuxième point: Douleurs de Marie sur le calvaire.

Marie avec Saint Jean, le disciple bien-aimé, Marie sœur de sa mère, Marie-Madeleine et les autres saintes femmes se placent sur un lieu éloigné mais élevé de manière à apercevoir tout ce qu'on allait faire souffrir à Jésus; les bourreaux les avaient éloignés brutalement.
Jésus arrive après de longues heures de marche sur le calvaire, tout épuisé de fatigues, il a la pâleur de la mort sur le visage; il est plus mort que vif, il chancelle, il peut à peine se soutenir; pour le ranimer les bourreaux le forcent à boire du vin dans lequel ils ont mis du fiel et du vinaigre pour en faire une boisson amère et insupportable!
Jésus revenu un peu à lui-même est dépouillé de ses habits ou plutôt on les lui arrache, ils étaient collés à la peau toute déchirée et en lambeaux; on lui ôte cette tunique que Marie, suivant une pieuse tradition, avait elle-même tissé de ses mains; on met Notre Seigneur tout nu; la population du calvaire pousse des cris de joie et de moquerie. Ô Marie, quels glaives de douleurs ont traversé votre cœur à la vue de votre Jésus; cependant les bourreaux se partagent les vêtements de Jésus, mais pour la tunique sans couture, ne voulant pas la déchirer, ils tirent au sort à qui elle appartiendra… et Marie était là, regardant ce triste et affreux partage.
Jésus dépouillé de ces habits est étendu sur la croix, un bourreau saisi sa main gauche l'applique au bras gauche de la croix, l'ajuste à sa place, prend un clou et à grands coups de marteau l'enfonce de part en part ; un second bourreau saisit la main droite l'ajuste sur le bras droit de la croix mais elle se trouve trop courte, la douleur ayant fait contracter ses muscles; on attache donc une corde au poignet et trois bourreaux se mettent à tirer de toutes leurs forces, enfin la main arrive au trou, le bourreau la perce d'un second clou qu'il enfonce à grands coups de marteau. Il fallut faire de même pour les pieds, les tirer avec violence avec des cordes. Et Marie était là, ses yeux voyaient jaillir le sang avec abondance de ses pieds et de ses mains et ses oreilles entendaient ces grands coups de marteau qui clouaient son fils à la croix. Quel spectacle pour une mère que cette exécution. En même temps huit autres bourreaux crucifiaient les deux voleurs, compagnons de Jésus.

Ô vous tous qui passez par le chemin de la vie venez sur le calvaire
et voyez si jamais mère a été affligée comme la mère de Jésus.

Troisième point:
Douleurs de Marie après le crucifiement de Jésus.

Jésus et les deux voleurs, ses compagnons étant cloués, il fallut dresser ces trois grandes croix ; on commence par celle de Jésus ; les bourreaux fouillent (creusent) un trou profond pour la recevoir ; des cordes sont attachées au haut de la croix, on apprête des échelles pour la soutenir, ont tire sur les cordes, on approche la croix du trou, et on la laisse tomber dedans.
Ô quelle douleur pour Jésus, suspendu à cette croix par trois clous, la pesanteur du corps pesant sur ces clous fait de larges et profondes déchirures aux mains et aux pieds de Jésus, des flots de sang en sortent avec abondance. Ô quelle douleur pour Marie qui était là, regardant ce triste spectacle. On dresse pareillement les croix des deux voleurs, en plaçant l'un à la droite de Jésus, l'autre à sa gauche.
Il fut alors permis à Marie, à Saint Jean et aux autres saintes femmes de s'approcher de la croix gardée par quatre soldats pendant trois heures entières, Marie resta là immobile plongée dans une profonde douleur ; de temps en temps, elle regardait son Jésus sur la croix ; et ces regards sur son fils étaient autant de glaives qui transperçaient son cœur.
Cependant les ennemis de Jésus ne sont pas encore satisfaits de son supplice, aux tourments affreux de la croix, ils ajoutent l'insulte, l'outrage, le blasphème, la déraison la plus amère; ces blasphèmes, ces insultes, se disaient en présence de Marie.
Ils disaient donc, ces malheureux, en s'adressant à Jésus dans les affreux tourments de la croix : toi qui t'es vanté de détruire le temple de Dieu, et qui te faisais fort de le rebâtir en trois jours, fais un miracle plus facile, sauve-toi toi-même. Si tu es le fils de Dieu comme tu nous l'as dit si souvent, descends de la croix et nous croirons en toi. Il a mis sa confiance en Dieu, si Dieu l'aime, qu'il le délivre de son supplice, car il a dit : je suis le fils de Dieu.
Pendant trois heures entières, Marie, mère de Jésus, entendit ces horribles blasphèmes, ses oreilles lui tintaient de ces cris abominables, cependant elle ne quittait pas la croix de son Fils : elle voulait prolonger son martyre jusqu'à la fin.
Après trois heures d'affreuses souffrances, épuisé de sang, n'ayant plus qu'un souffle de vie, pressé d'une soif ardente, Jésus s'écrie : "sitio, j'ai soif "; il demande un peu d'eau pour soulagement! Un des soldats prend une éponge et l'attache à un long bâton, puis la plongeant dans du vinaigre, il la présente à Jésus.
Abandonné de tout le monde, Jésus pousse un second cri qui va percer le cœur de Marie, son fils se plaint d'être abandonné même de son Père dans une heure dernière, il meurt sans recevoir aucune consolation, ni de la terre, ni du ciel : mon Père, mon Père, s'écrie Jésus, pourquoi m'avez-vous abandonné?
À ce cri d'abandonnement, Marie regarde son Jésus, elle entend ses dernières paroles, (elle) est témoin de son dernier soupir. Jésus donc, voyant que tout était accompli, s'écria : mon Père, je remets mon âme entre vos mains ; puis baissant la tête, il expira.

Ô vous tous qui passez par le chemin de la vie
Venez et voyez si jamais mère a été aussi affligée que moi.

Ho ! qu'il fait bon au pied de la croix avec Marie, mère de Jésus! Dressons notre tente sur le calvaire. Oui, avant d'arriver au Thabor il faut nécessairement passer par le calvaire, c'est-à-dire chers enfants, que pour arriver au ciel avec Marie, mère de Jésus, il faut souffrir sur la terre avec elle. De ces instructions que nous avons écoutées avec attention et un filial respect sur les douleurs de Marie, quel profil (en) tirerons nous ? C'est de supporter avec patience les afflictions que l'on rencontre à chaque pas dans le chemin de la vie, le profit et que nous en tirerons, ce sera de sanctifier, par la patience et la résignation, les peines, les privations attachées à notre condition.
Un instant de patience, de résignation, dans la croix, nous vaudra une éternité de repos, de joie et de bonheur ineffable. En effet qu'est-ce que notre vie? - un souffle, une vapeur, qui paraît et disparaît à l'instant. L'année prochaine qui d'entre nous fera encore le mois de Marie. Hélas, Dieu le sait!