Chemins de vie

Les Sacrements, dons de l’Esprit Saint


Mgr Maurice FRECHARD


" Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie. "


Vers l’Eglise-sacrement.

Je ne peux rien comprendre sur les sacrements sans remonter à la résurrection de Jésus et à la naissance de l’Eglise lors de la première Pentecôte.
Les Evangiles de la résurrection de Jésus. ne parlent pas de l’Esprit Saint. C’est saint Paul qui le fait au début de sa lettre aux Romains : " Cette Bonne Nouvelle concerne son Fils : selon la chair, il est né de la race de David ; selon l’Esprit qui sanctifie, il a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, lui, Jésus-Christ, notre Seigneur " (Rm 1,3-4). Il y revient plus loin : " Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous " (Rm 8,11).
Ce qui nous intéresse ici c’est l’action de l’Esprit de Jésus qui donne la vie. Non pas n’importe quelle vie, comme notre vie humaine par exemple. Mais la vie de Jésus ressuscité.
A la première Pentecôte, les apôtres sont transformés, par l’effusion de l’Esprit Saint, ils se lancent ensemble dans la proclamation de la Bonne Nouvelle et proposent le baptême à ceux qui se sont ouverts à la foi en Jésus ressuscité. La communauté apostolique annonce la Bonne Nouvelle et offre de recevoir la vie du Christ ressuscité. Notons la force dans la proclamation de l’Evangile, et leur docilité à l’Esprit dans la conduite de la première Eglise.
Si bien que Vatican II pourra déclarer : " l’Eglise est dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain " (Constitution sur l’Eglise, 1). Traitant des sacrements de l’Eglise, comment ne pas devoir remonter jusqu’à l’Eglise qui offre cette vie ressuscitée en Jésus ?

Les sept sacrements ensemble, sont un don de l’Esprit

Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, l’Eglise a pratiqué les sacrements sans toujours se préoccuper de leur nombre. L’ensemble sacramentel traditionnel ne remonte qu’au milieu du XIIe siècle. Depuis lors, les sept sacrements sont bien connus de tous. Il est important de les situer dans la vie de l’Eglise comme un ensemble organique qui accompagne les hommes et leur communauté, au long de la vie, pour apporter à chacun la richesse de l’Esprit de Dieu.
On peut aussi les considérer comme les étapes d’un itinéraire de grâce. Sacrement après sacrement, notre vie spirituelle se développe depuis le premier accueil de la Bonne Nouvelle et les sacrements de l’initiation chrétienne, Baptême, Confirmation, première Eucharistie. Viennent ensuite les sacrements habituels de la vie des chrétiens, Eucharistie et Réconciliation.
Deux sacrements établissent ensuite dans un état de vie au service de la communauté chrétienne et de la communauté des hommes : Mariage et Ordinations.
L’état de maladie grave comporte aussi son sacrement : l’Onction des malades. Tandis que le passage à Dieu sera accompagné du Viatique, dernière Eucharistie dans la communion au Seigneur ressuscité.
Chacun de ces sacrements, chacune de ces étapes est la rencontre du croyant avec l’Esprit de Jésus ressuscité qui lui communique sa vie.
Les sept sacrements ne sont pas à considérer comme une sorte de dépôt qui disposerait des moyens, des remèdes propres à la vie chrétienne, où l’on choisirait l’article qui convient selon l’humeur du jour. Au long de son histoire, l’Eglise a discerné par sa pratique séculaire quels étaient les points importants de la vie des hommes où l’effusion de l’Esprit de Dieu était particulièrement utile, voire nécessaire. Chaque sacrement est un acte du Christ, chaque sacrement est une remise de soi à l’Esprit de Dieu qui est Seigneur et qui donne la vie. Notre liberté est sollicitée à se reconnaître dans telle situation et à recourir au sacrement qui lui assurera le don de l’Esprit.
Cet ensemble sacramentel, cet organisme sacramentel, tel que l’Eglise nous le présente est vraiment un don de l’Esprit à notre vie d’hommes, à la vie de nos communautés humaines et chrétiennes.

Chacun des sacrements est aussi un don de l’Esprit

Le baptême est facilement reconnaissable comme don de l’Esprit. Jésus nous dit dans saint Jean : " Personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu " (Jn 3,5). C’est parfaitement clair, ce baptême est don de l’Esprit qui donne une nouvelle vie, celle de Jésus ressuscité, sur laquelle la mort n’a plus aucun pouvoir. L’Esprit fait de chaque baptisé en enfant de Dieu, frère de Jésus, capable désormais de prendre part à la prière de Jésus lui-même, et d’appeler Dieu " Père ", comme Jésus. Chacun devient aussi frère universel dans la grande communion ecclésiale, et témoin de l’amour de Jésus : " Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres " (Jn 13,34-35).
La confirmation est explicite. Pour le baptisé, il s’agit en effet de confirmer son engagement baptismal et de vivre l’effusion de l’Esprit de Pentecôte. Les paroles que prononce l’évêque ne souffrent aucun doute : " Sois marqué de l’Esprit Saint, le don de Dieu. " Pour le confirmé, c’est le prolongement de la grâce de la Pentecôte, l’assurance dans l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, la hardiesse apostolique. Vivre la Pentecôte en Eglise, vivre dans l’Eglise en état de Pentecôte.
La première Eucharistie est un don de l’Esprit. Il ne s’agit pas seulement de la Première Communion. Il s’agit surtout de la première participation du baptisé à la Messe de la Communauté. Après avoir nourri leur foi à l’écoute de la Parole de Dieu, ils feront mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus. Le célébrant demande à l’Esprit Saint de faire du pain et du vin le Corps et le Sang de Jésus ressuscité. C’est-à-dire l’assemblée est rendue présente à Jésus dans l’acte de sa Pâque unique, elle s’unit à l’offrande vivante et totale de lui-même à son Père. " Poussé par l’Esprit éternel, Jésus s’est offert lui-même à Dieu " (He 9,14). L’Esprit donne aux fidèles, à la communauté rassemblée, de s’offrir elle aussi avec Jésus et comme lui, à son Père. " Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire " (Prière Eucharistique III).
" Quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint accorde-nous d’être un seul corps et un seul Esprit dans le Christ. " (Prière Eucharistique III). L’unité de notre Eglise, de nos communautés respectives, naît de l’Eucharistie célébrée, de cette offrande présentée à Dieu de chacun de ses membres. C’est l’Esprit Saint qui permet cette mutation progressive de nos mentalités, renouvelée à chacune des Eucharisties célébrées. Source intarissable de grâce.
Nous sommes pécheurs. Périodiquement nous avons besoin de demander à Dieu son pardon. L’Esprit Saint intervient aussi dans cette démarche. Quant Jésus ressuscité rencontre ses apôtres : " Il répandit sur eux son souffle et il leur dit : ‘’Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus’’ " (Jn 20,22-23). Recevoir par les ministres de l’Eglise l’effet de la miséricorde du Père est don de l’Esprit.
Au mariage un homme et une femme s’unissent par amour. Leur amour devient participation à l’amour de Dieu. Leur amour est transfiguré. Ils continuent de s’aimer, on peut leur souhaiter de grandir dans leur amour. En même temps ils deviennent l’un pour l’autre le témoin de l’amour du cœur de Dieu. " L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné " (Rm 5,5). L’Esprit Saint est à l’œuvre chaque fois que l’amour est en cause. Chaque facette de cet amour sera façonnée par l’Esprit : amour mutuel, amour des parents pour leurs enfants, amour de la famille à l’égard de ceux qu’elle accueille.
Lors de la consécration au ministère de diacre, de prêtre, d’évêque, l’évêque qui ordonne demande à l’Esprit Saint de faire de ces hommes des serviteurs au nom du Christ serviteur, des ministres qui agiront au nom du Christ-Tête en personne. Pour l’évêque il prie ainsi : Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l’Esprit souverain que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus-Christ, et qu’il a transmis aux saints Apôtres qui établirent l’Eglise en chaque lieu … ". L’Esprit réalise ce don pour l’Eglise et pour le monde.
Jusqu’à l’Onction des malades, lorsque nous sommes touchés par une maladie grave. Là encore l’Esprit Saint nous rejoint. " Dans le sacrement des malades en particulier, par la grâce de l’Esprit Saint, l’homme tout entier est aidé pour son salut. Par l’Onction, les malades reçoivent de l’Esprit Saint un renouveau de confiance en Dieu et des forces nouvelles contre la tentation. " (Introduction au Rituel 54). Les rites de l’Onction mentionnent l’Esprit Saint : " Par cette onction sainte, que le Seigneur, en sa grande bonté, vous réconforte par la grâce de l’Esprit Saint. "
Quand vient le moment de l’ultime passage, la dernière Eucharistie, le Viatique, nous permet une dernière fois de rassembler toute notre vie et d’en faire une offrande totale : Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire.
Concluons : L’Esprit Saint nous donne l’Eglise sacrement du salut en Jésus-Christ. C’est le don des signes et des moyens du salut, comme en leur racine. Tout au long de la vie des fidèles, et dans le déroulement de la vie des communautés, l’Esprit Saint les accompagne de sa puissance pour leur donner la vie de Jésus ressuscité. Oui, je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie.
+ Maurice Fréchard cssp
Archevêque d’Auch