CHEMIN DE VIE


 

Collectes de fonds et solidarite


P. Jean Savoie, spiritain
Nous sommes souvent sollicités par les collectes de fonds de nombreux organismes. Je n’en cite que deux parmi les grands organismes catholiques : le Secours Catholique et le CCFD, (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement). Evidemment, ils ont une grande expérience de l’organisation de la Charité et ils se sont donnés les moyens nécessaires pour analyser les besoins et les critères pour y répondre. Pour participer aux grandes causes de solidarité mondiale, nous avons à répondre à deux questions inévitables : par qui donner, et combien donner ?

Faut-il donner par les grands Organismes de solidarité ?
Pour notre vie spirituelle concrète, nous avons à prendre la décision de savoir si nous voulons gérer nous mêmes nos actions de solidarité ou si nous préférons laisser les organismes que nous avons choisis gérer les fonds que nous pouvons leur donner.
Notons d’abord que nous ne connaissons souvent les grands besoins de notre monde que par les Organisations de solidarité internationale (OSI). Il faut aujourd’hui, pour être informé des situations concrètes, des moyens importants de présence et de vérification sur le terrain. Souvent en effet, les plus grands besoins ne sont pas évoqués par la presse habituelle, personne n’y prend grand intérêt. Il faut donc avoir ses propres sources d’informations auprès des plus pauvres.
Il n’est pas facile ensuite de faire connaître ces situations d’urgence ou de sous-développement au public et aux diverses instances qui peuvent y remédier. Et le plus difficile sera de faire parvenir l’expression de cette solidarité auprès des gens dans le respect de leur dignité, de leur culture et de leurs traditions. Enfin l’action ne sera efficace que si elle s’inscrit dans la durée en s’adaptant aux résultats progressifs.
Une telle complexité ne peut être surmontée que par des organismes bien informés, dotés des compétences nécessaires et appuyés par des réseaux nourris en informations et en motivations. Aussi pour remédier aux grandes pauvretés, il était nécessaire de constituer ces grandes organisations, seules capables d’une certaine efficacité. Ce qui ne nous dispensera pas de suivre leur action et leurs objectifs pour participer à ceux qui sont conformes à nos convictions. On peut avoir quelque assurance d’une bonne gestion à l’intérieur, par exemple, des réseaux approuvés et suivis par l’Eglise.

Combien pouvons-nous donner ?
Pour savoir combien nous pouvons donner, nous pouvons nous rapporter aux conseils de grande liberté de Saint Paul : chacun donne ce qu’il peut et il le fait avec joie. " Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, mais d’établir l’égalité. En cette occasion, ce que vous avez en trop, compensera ce qu’ils ont en moins, pour qu’un jour ce qu’ils auront en trop compense ce que vous aurez en moins, cela fera l’égalité " 2 Cor 8, 13-14)
Nous remarquons l’insistance de Paul sur la volonté de rétablir l’égalité. Il parle à des frères, à ceux que la foi en Jésus-Christ a constitués frères dans la vie nouvelle. Mais on comprend bien que le même principe vaut pour les frères en humanité, constitués frères dans la volonté du Dieu créateur. Cette égalité et cette fraternité, découlent pour Paul du postulat de l’égale dignité de tous les hommes. Il répète par deux fois qu’il ne veut pas donner ici des ordres, mais des avis sur ce qui convient laissant chacun évaluer ses possibilités et ses convictions.
Paul se soucie de l’attitude intérieure ce celui qui donne tout autant que du besoin des gens : " Que chacun donne selon la décision de son cœur, sans chagrin ni contrainte, car Dieu aime celui qui donne avec joie. Dieu a le pouvoir de vous combler de toutes sortes de grâces, pour que, disposant en tout et toujours du nécessaire, vous ayez encore du superflu pour toute œuvre bonne " (2 Cor 9, 7-8). Dieu n’est pas chiche de ses dons, justement parce qu’il veut faire grandir et combler chacun de ses enfants, pourvu que chacun soit prête à le reconnaître comme l’auteur de tout don.

Donner de son nécessaire ?
Nous ne pouvons pas oublier cependant une des pages d’Evangile qui semble bien délicate à vivre aujourd’hui. C’est celle de l’offrande de la veuve. " Levant les yeux, Jésus vit ceux qui mettaient leurs offrandes dans le tronc (du temple). C’étaient des riches. Il vit aussi une veuve misérable qui y mettait deux petites pièces, et il dit : ‘Vraiment je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous les autres. Car tous ceux-là ont pris sur leur superflu pour mettre dans les offrandes ; mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout ce qu’elle avait pour vivre " (Lc 21, 1-4)
Jésus nous propose là un idéal bien embarrassant. Il n’est spontané de donner quant nous pouvons bien le faire. Mais donner aux autres, et plus spécialement à une collecte publique pour une institution publique comme celle du temple de Jérusalem, relève d’une bien grande solidarité. Jésus ne donne pas un ordre, il fait ressortir la valeur d’un geste. Il nous propose ainsi d’aller très loin dans le partage.
Nous pouvons avoir beaucoup d’objections à toucher à notre " nécessaire pour vivre " : nous avons la responsabilité de prévoir les moments difficiles, nous devons assumer des responsabilités envers des proches, nous avons des échéances à préparer etc. Tout cela est vrai et Jésus a aussi loué l’habileté de l’intendant qui savait assurer son avenir ! Mais il reste vrai qu’il y a là un appel du Seigneur, appel qui ne sera peut-être pas pour tous ou pas entendu de tous : qu’il entende celui qui a des oreilles pour entendre ! Mais appel réel à une double confiance : confiance en Dieu, confiance aux frères ! Dans la foi, il est ainsi arrivé que certains, tel Saint François d’Assise, se dépouillent de tout pour les autres en ne comptant que sur Dieu et sur les autres.